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Commentaire sur Les Sirènes de Bagdad

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Par   •  23 Mai 2018  •  Commentaire de texte  •  4 623 Mots (19 Pages)  •  579 Vues

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Commentaire Les Sirènes de Bagdad (p.285-293)

Inscrit dans le contexte tendu de l'Irak du XXIe siècle, le roman de Yasmina Khadra, Les Sirènes de Bagdad, donne à voir le chemin d'un homme comme les autres, poussé à s'engager dans une organisation extrémiste pour «laver ce qui a été souillé». Le roman présente le conflit qui oppose l'Occident et l'Orient, à travers les yeux d'un jeune bédouin qui voit sa famille et son village subir les affronts successifs des soldats américains. Situé dans la troisième et dernière partie du roman, le passage intervient après que le narrateur a accepté de porter le virus, et avant que ce dernier lui soit injecté. L'extrait étudié présente la particularité de ne pas être centré sur la vision du narrateur, mais sur les différents points de vue que s'opposent deux intellectuels à propos de la guerre qui sévit dans le pays. Il s'agira donc d'établir comment à travers l'affrontement de deux intellectuels, le texte présente une double vision du conflit qui permet la critique d'un monde désenchanté. Nous verrons que le passage met en scène un contexte nouveau, dans lequel deux intellectuels aux prises de position contraires interagissent. C'est finalement l'occasion pour le roman de mettre en œuvre une critique généralisée des deux camps, tout en présentant une solution au conflit.

L'extrait s'articule autour de la révélation au lecteur d'un contexte nouveau, qui se caractérise par un revirement de situation pour les personnages et la présentation d'un monde occidental impuissant dans une guerre qui le dépasse, puisque c'est le monde musulman qui est à présent au cœur du conflit, et dans la tourmente.

Sur les trois personnages présents dans le passage, deux sont sujets à un changement profond dans leurs croyances et dans leur façon d'agir. Les expressions liées au changement sont multiples dans le texte : dès la page 285, l'écrivain demande «Et qu'est-ce qui a changé ?», et insiste sur une volonté de «changer les choses» à la page suivante. Cette même idée est marquée par une opposition claire entre le passé et le présent, qui se caractérise d'abord par l'utilisation alternée de l'imparfait et du présent, mais aussi par la répétition de certains adverbes de temps tels que «désormais» p.285 et 289, «aujourd'hui» p.285, 286 et 289, ainsi que par des expressions comme «Il fut un temps où» p.289, et «du temps où» p.290. Le texte opère donc une volonté claire d'établir une rupture entre l'avant et le présent, en insistant sur l'idée d'un passé regretté. Le docteur, Jalal, est l'exemple même de ce revirement de situation négatif, souligné par l'écrivain par l'utilisation incessante de l'imparfait quand il évoque des qualités de Jalal : on trouve par exemple à la page 285, «Tu étais bien, avant», ou encore «Tu étais un homme éclairé». L'utilisation de ce temps en particulier implique une époque révolue, et donc que quelque chose de fondamental a changé chez ce personnage, et le fait que l'imparfait soit lié à des choses positives indique que ce qu'est devenu Jalal n'est pas glorieux. L'indice ultime de ce changement négatif intervient à la page 289, lorsque le docteur dit «Je suis professeur émérite...», et que son interlocuteur le reprend : «Tu l'étais, Jalal. Tu ne l'es plus, maintenant». Le bouleversement du statut du docteur est en lien avec le changement de ses croyances, l'imparfait est à nouveau employé pour faire état de l'altération des opinions du personnage : «C'est ce que je croyais. Je me trompais.» p.285, «C'est ce que je croyais, moi aussi.» p.287. La métaphore filée de la veste vient appuyer cette idée d'un revirement total d'opinion chez Jalal aux pages 285 et 286 : «Je n'ai pas retourné ma veste, Mohammed. Je me suis seulement rendu compte que je la portais à l'envers.», «Tu la portais à l'endroit, Jalal.», «C'est ta veste qui n'est plus à l'endroit...». L'expression vient décrire le fait de changer totalement d'opinion, et en l'occurrence de camp. Le texte met donc en avant le changement de comportement et de croyance de Jalal, mais pas seulement car le narrateur est également sujet à ce changement. Même s'il n'apparaît que dans les quatre dernières pages de l'extrait, et presque exclusivement dans un rôle de spectateur, il prend la parole le temps d'une unique réplique : «- Tu veux que je lui explose la cervelle ? lui dis-je» p.293. Cette simple intervention marque une rupture entre l'ancien narrateur et celui-ci. On est bien loin du narrateur du chapitre 7, qui proclamait : «La guerre, ce n'était pas mon rayon. Je n'étais pas conçu pour exercer la violence – je me croyais en mesure de la subir mille ans  plutôt que la pratiquer un jour». On sent alors que le narrateur lui-même a changé dans sa façon d'être, qu'il a une propension à la violence qu'il n'avait pas auparavant. Le texte donne donc à voir deux personnages qui sont profondément altérés dans leurs convictions et dans leur essence même.

Les personnages changent, et ce à mesure que la situation évolue. Il ne s'agit plus ici d'un simple conflit entre l'Orient et l'Occident, puisque celui-ci se révèle dans le passage impuissant, car confronté à une guerre qui le dépasse. Que ce soit l'écrivain ou le docteur, qui sont pourtant en désaccord profond sur la situation, les deux personnages reconnaissent que l'Occident est perdu. Mohammed est le premier à énoncer cet état de fait, à la page 286 : «L'Occident est hors course. Il est dépassé par les événements». On a donc à nouveau un contraste entre l'Occident qui auparavant, semblait maîtriser le conflit, et qui finalement ne contrôle plus rien et ne sait plus comment réagir, ce que l'écrivain souligne : «L'Occident est dans le doute. Ses théories, qu'il imposait comme des vérités absolues, s'émiettent dans le souffle des protestations. Longtemps bercé par ses illusions, le voilà qui perd ses repères» p.287. Le texte offre donc le portrait d'une civilisation occidentale qui ne sait plus où elle en est, et comment gérer le conflit. La personnification de l'Occident est également reprise dans les paroles de Jalal, qui va plus loin dans sa description, et va jusqu'à le rendre fou : «L'Occident est devenu sénile. Ses nostalgies impériales l'empêchent d'admettre que le monde a changé. Il vieillit mal, et il est devenu parano et chiant. On ne peut même plus le raisonner.» p.287. À travers le regard des deux intellectuels, le passage met donc en avant la description d'un Occident  qui ne sait plus comment réagir car il n'arrive pas à prendre en compte les nouvelles problématiques du monde actuel, et vit dans le passé. L'Occident devient alors impuissant face à cette guerre, mais surtout parce que celle-ci ne le concerne plus autant qu'avant, comme le souligne l'écrivain à la page 286 : «La bataille, la vraie, se déroule sous les joutes des élites musulmanes». L'extrait présente alors une guerre qui n'oppose plus tant l'Orient à l'Occident, mais l'Orient à lui-même, à l'intérieur même de ses fondations. Il s'agit ici d'une guerre qui oppose les musulmans aux musulmans, dans laquelle l'Occident n'est plus qu'un prétexte, et qui est ici symbolisée dans l'extrait par la querelle qui oppose les deux intellectuels, deux anciens amis qui se disputent sur leurs croyances profondes alors qu'ils étaient, à l'origine, dans le même camp. Le passage met ainsi en avant un contexte nouveau de la guerre, dans lequel le rôle principal n'est plus tenu par l'Occident mais par les musulmans eux-mêmes.

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