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Commentaire du poème "Green" de Verlaine (du recueil Romance sans parole)

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Par   •  23 Octobre 2017  •  Commentaire de texte  •  2 444 Mots (10 Pages)  •  2 660 Vues

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Talhouët                                                                                             HK

Marie-Alix                                                                                         11/01/16

« Green », Verlaine, Romance sans paroles, 1874

        

        Romance sans paroles, publié en 1874, est un recueil au titre antinomique ; une romance est un chant, elle nécessite justement des paroles. Pourtant c’est dans ce refus des règles et ce jeu sur le langage que s’inscrit « Green ». Les « paroles » ne sont pas essentielles, elles sont superflues pour pouvoir laisser sa place aux sensations. Dans ce poème l’exposition de la vie du couple est semblable à une aquarelle, titre de la partie du recueil dans laquelle s’inscrit le poème, car la pudicité voile légèrement les révélations de Verlaine. L’eau mêlée aux couleurs couvre de brume l’aquarelle tout en lui laissant une certaine netteté, comme le poème occulte son contenu tout en laissant place à l’imagination. « Green » est un poème symboliste, il suggère plutôt que de nommer, de décrire et de raconter, et pour cette raison, la « romance » est « sans paroles ». Le titre du poème, tiré de l’anglais, dénonce son originalité et donc sa modernité. Il inscrit d’ailleurs le poème dans le courant anglophile de l’époque quand Baudelaire et Mallarmé traduisent Edgar Allan Poe. « Green », ou vert en français, fait écho à la jeunesse, aux jardins anglais couverts d’herbe ou encore au surnom de « vert galant » du roi Henri IV de France, qui désigne aussi un homme entreprenant. L’ensemble des sèmes de ce mot est large et appelle déjà à imaginer, au support des références du lecteur. Alors comment Verlaine joue-t-il sur l’ambiguïté et l’équivoque dans « Green » ? Et en quoi ce poème est-il moderne ? Le poète habille son poème des atours de l’élégie en multipliant les topoï et les sujets littéraires connus tout en innovant. Puis il dévoile son jeu sur la forme comme sur le fond en ridiculisant implicitement l’élégie et les topoï par la suggestion et l’équivoque.

        

« Voici » donne le ton de la simplicité, l’offrande du poète se compose de « fruits », « fleurs », « feuilles » et « branches » qui sont des termes monosyllabiques traduisant un don sans malices et sans artifices. Le dénuement du discours montre celui de l’approche pure du poète mais le dénuement n’est pas complet puisqu’il s’habille en fait d’allitérations en « f » et en « r » qui lui confèrent une beauté tendre et douce, qui semble être celle des sentiments. Son cadeau est un bouquet qui joint alors la nature à sa démarche, et l’énumération des éléments de son bouquet la contient dans son intégralité, soit « les branches » qui soutiennent, « les feuilles » qui insufflent l’énergie en captant les rayons du soleil, « les fleurs » qui l’ornent d’une beauté vive et « les fruits » plaisants tant à la vue qu’aux papilles. D’un côté de l’hémistiche sont les « fruits » et les « fleurs » qui incarnent l’offrande de sa joie, l’apport du plaisir et du bonheur dans la vie de cette femme et de l’autre côté de l’hémistiche sont les « feuilles » et les « branches » qui représentent ce que le poète apporte à leur relation, soient la stabilité et le soutient. De plus, l’ordre dans lequel les éléments sont annoncés semble contradictoire avec leur apparition normale dans la nature puisque le fruit précède la fleur et la feuille précède la branche, cet ordre contraire met en valeur le fruit qui est le premier élément du bouquet. Le fruit, c’est ce qui s’offre au cueilleur, qui le prend et le goûte comme le poète offre son cœur au vers suivant et attend qu’on goûte à l’amour qui l’habite comme le souligne le parallélisme net, amorcé par les deux « voici », entre la partie à gauche de l’hémistiche de ces deux vers. Son cœur est le dernier élément du bouquet, il est central et son importance est appuyée par « et puis ». En outre, il est la métaphore de l’amour et du désir, en effet le cœur bat à la chamade, le rythme marqué par la coupe dénonce une cadence effrénée plutôt que constante. Cependant Verlaine apporte surtout de la modernité à ce bouquet qui est la reprise d’un topos littéraire connu : le bouquet lyrique à la femme aimée. Verlaine use ici de la tradition courtoise du Moyen-âge et il intègre cette référence avec originalité et talent.

En dépit de la dévotion exclusive du poète, de son amour passionné, « que pour vous » et qui semble définitif eu égard au point qui marque la fin de ce deuxième vers, le poète ne sait pas si le cadeau de son amour sera reçu. En effet, le début du troisième vers est l’expression du besoin impérieux de supplier la femme aimée, non pas de l’aimer en retour mais de ne pas détruire son cœur et son amour avec la défense qu’il prononce à l’aide de l’ordre négatif « ne le déchirez pas ». D’une part, la rapidité de cette demande, contenue dans la première partie du vers à gauche de l’hémistiche, suggère que le poète pourrait s’attendre à ce que la femme détruise effectivement son cœur et d’autre part, la violence du mot détruire annonce la cruauté dont elle peut faire preuve. Ce trait de caractère contraste avec ses « mains blanches », symbole d’innocence mais aussi de beauté. La femme se place donc comme juge du poète amoureux et ses mains, source de son pouvoir, peuvent déchirer ou accueillir « avec ses deux mains » et donc avec respect comme pour protéger son amour. Le poète rappelle la position de cette dame et sa noblesse, car la blancheur de la peau est signe d’un certain statut. Il l’oriente donc dans son choix, elle ne peut pas s’avilir en détruisant le cœur de son amant. De plus le rappel de sa beauté, accentué par la position du qualificatif « si beaux » à l’hémistiche, permet au poète d’excuser sa démarche amoureuse, l’homme ne peut rien contre les si grands charmes de cette femme sinon la flatter afin qu’elle soit indulgente. Le présent jusqu’ici valorisé est déprécié par le poète, il ne devient plus qu’ « humble » : l’amoureux est à ses genoux. Cette position est la figure emblématique même de l’homme courtois qui fait face à la femme aimée. Elle est la reine du cœur de l’homme amoureux et ici aussi est repris un topos répandu, celui de la femme comme objet d’amour, de désir et de plaisir. Ses qualités sont accentuées grâce à l’homme qui lui fait face.

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