Commentaire du Cageot de Ponge

Le cageot de Ponge

Le Parti pris des choses de Francis Ponge est un recueil de poèmes en prose publié en 1942. Dans ce recueil, Ponge souhaite rompre avec le lyrisme de la poésie et s’attache à la matérialité des objets du quotidien pour lesquels il a une véritable fascination. Le choix du « cageot », comme sujet du poème éponyme publié pour la première fois en 1935 dans la revue Mesures, le montre bien. Comment donc cet objet prosaïque est-il mis en valeur par ce poème ? Pour y répondre, nous allons dans une première partie voir en quoi cet objet est à première vue considéré comme un objet banal, puis nous verrons quel intérêt Ponge trouve à cet objet en enfin en quoi cet objet acquiert une véritable dimension poétique.

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Le cageot est un objet assez banal ayant peu d'importance. Dans ce poème, Ponge s'attache à décrire non pas un cageot, mais le cageot en tant qu'objet, en tant que chose, en tant qu'entité. C'est presque pour cela un article encyclopédique. Ponge commence tout d'abord par donner dans un premier paragraphe une définition de l'objet: « simple caissette à claire-voie » (l.2). Ponge parle dans un deuxième paragraphe de l'usage et l'éphémérité du cageot. Ensuite, dans un troisième paragraphe, il donne un exemple qui illustre la définition donnée précédemment, la « caissette à claire-voie » se retrouvant sur la voie publique. Ponge utilise également durant tout le poème un présent de vérité générale. Néanmoins, l’objet est avant tout abordé par son aspect phonétique, comme mot étant « à mi-chemin de la cage au cachot ». Cela reprend l’idée de Ponge que les mots ayant des sons similaires ont un sens similaire : la cage contient des animaux, le cachot des hommes et le cageot des fruits.

Ponge s'attache également à montrer que le cageot est un objet prosaïque, donc peu important. Il utilise pour cela l'adjectif « simple » (l.2), le suffixe « -ette » pour « caissette » (l.2) et il dit que son éclat est « sans vanité » (l.10). Ponge conclut même son poème en disant qu'il ne faut « pas s'appesantir longuement » (l.14) sur « son sort » (l.13), donc que l'objet n'est pas bien important.

En plus de montrer l’insignifiance et la modestie de l’objet, Ponge parle de l’utilité de l’objet, avec l’emploi passif de « voué au… » (l.2) ; c’est un objet qui a un « usage » (l.5) et qui « sert » (l.6). Mais surtout, le cageot est un objet qui peut être « à la voirie jeté sans retour » (l. 12), et donc plus éphémère que les « denrées » périssables « qu’il enferme » (l. 7-8). Bien évidemment, le choix du poème en prose n’est pas anodin : la prose est une forme qui permet de rendre compte plus facilement d’objets du quotidien, sauf à vouloir faire du Courbet littéraire.

Ainsi, "le cageot" est, à la manière d'un article scientifique, un poème-définition d’un objet banal et éphémère. Néanmoins, le cageot est-il un objet si banal que cela puisque le recueil dont il fait partie s’appelle Le parti pris des choses ? Comment Ponge parvient-il donc à réenchanter le cageot ?

Le cageot est, en effet, également valorisé dans ce poème par le fait que ce soit un objet lumineux « à claire-voie » (l.2), ce qui en fait un objet lumineux ou s'entrecroisent ombre et lumière, cette expression peut également donner en inversant le sens des mots: voit clair, aspect laudatif qui peut montrer la clairvoyance du cageot. Le cageot « luit » également avec « éclat » (l. 10), ce qui valorise visuellement l’objet. Les denrées que contient le cageot sont également valorisées, elles sont qualifiées de « fondantes » et de « nuageuses » (l. 6 et 7), donnant un caractère aérien (aussi bien au sens gustatif qu’au sens de la valeur presque divine de l’objet) au contenu. Ces adjectifs peuvent aussi faire penser à de délicieuses pâtisseries, nourritures rares et précieuses, pouvant donc faire penser que le cageot est le contenant d’une sorte de trésor. Le cageot pourrait donc sous son apparence banale renfermer quelque chose de précieux, l'objet serait donc un sapate.

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