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Analyse de la scène 1 de l'acte II de la pièce de théâtre des caprices de Marianne d'Alfred de Musset

Rapports de Stage : Analyse de la scène 1 de l'acte II de la pièce de théâtre des caprices de Marianne d'Alfred de Musset. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Juin 2015  •  4 448 Mots (18 Pages)  •  6 987 Vues

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Marianne et Octave se retrouvent à la sortie des vêpres : Marianne sort de l’église et Octave boit, assis à une table de café, ce qui rend compte, de façon extratechnique, de leurs positions respectives de prude et de libertin. Ils entament une controverse dont les enjeux sont assez difficiles à définir : Octave veut obtenir de Marianne qu’elle se laisse séduire par Coelio. De ce fait, il veut la convaincre de se montrer conciliante, de façon générale, en dehors d’un système précis de séduction. Marianne refuse les avances de Coelio, mais elle a pour Octave une attirance qu’elle voudrait dissimuler. Cela détermine la confusion du texte : Octave veut dépraver sans séduire personnellement. Marianne veut refuser en laissant envisager qu’elle pourrait accepter, dans un autre contexte.

Après un échange rapide, les deux personnages produisent l’un après l’autre des discours construits, débutant par des captatio (« dites-moi » ; « deux mots de grâce, belle Marianne ») et clos de façon parallèle (« Bonsoir cousin »/ »Bonsoir cousine »). Cette structure symétrique appelle une étude quasi linéaire de l’échange, puis des deux discours successifs.

La tonalité de l’échange initial détermine deux affirmations distinctes et tranchées, qui, d’emblée, rendent la conciliation impossible. La controverse est donc éristique, plutôt axée sur le genre épidictique, chaque position induisant des comportements louables ou blâmables.

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1° Mise en place des contraires

a) Pathos ironique

Marianne initie la discussion par trois répliques dont le pathétique manifestement exagéré détermine un persiflage d’ordre ironique. Les hyperboles (litotes à valeur hyperbolique « un peu triste », « une fâcheuse affaire sans doute » ; modalité exclamative ; répétition : parallélisme et anaphore « pas un de vos amis, pas une de vos maîtresses » ; termes forts « ce fardeau terrible », un vide « effroyable ») visent en réalité à l’atténuation de l’idée. La solitude, du fait de Marianne, n’est pas si terrible, mais elle est insupportable psychologiquement pour le libertin. Marianne « plaint » Octave dans la mesure où elle envisage qu’il se plaint lui-même. Et dès lors, cette plainte ironique vise moins son objet que la souffrance éventuelle d’Octave. Marianne met en valeur la « misère » d’Octave tout en la déclarant non valide par le jeu de l’ironie. En filigrane, se profile à l’inverse le blâme d’une vie libertine rapidement esquissée (le vin, les amis, les maîtresses) dont le manque est ici représenté – ironiquement – comme insoutenable.

b) Caricature humoristique

L’humour d’Octave (à l’inverse) revendique son libertinage. L’ironie de Marianne qui, par essence, n’oppose aucun discours propre effectif à l’adversaire laisse toute liberté à cet humour. Octave alors, a la possibilité d’évoquer sa solitude sous la forme du manque, de façon hyperbolique (« le monde entier », « que je ne saurais exprimer »). Il revendique le libertinage qu’on lui reproche implicitement, sous la même forme humoristique. La femme est caricaturée comme seul objet de plaisir (détermination dévalorisante : « certaine » ; opposition à la « personne de qualité » ; réification « qui me sert de maîtresse »). Les syllepses sur la vue (voir double - être deux) et sur le vide (solitude - coupe vide) renouvellent de façon caricaturale la liaison habituelle de la solitude et de la boisson. L’assimilation péjorative du carillon des vêpres à un simple bruit susceptible de donner mal à la tête est une agression plus directe contre les valeurs – la piété – de Marianne, qui peut déterminer le brusque changement de conversation. A chaque fois, un comportement ou une opinion idéologiquement critiquable est présentée comme naturelle, par le biais de la caricature.

c) Apologie du vin

Octave, quant à lui, ne modifie pas son habituel ton humoristique jusqu’à la tirade de Marianne. Le vin, attribut usuel du libertin, est délibérément magnifié (au détriment, par exemple, de la femme, réduite à l’état d’objet) : personnification du vin « en personne » ; valorisation par opposition, par le biais de l’analogie « soleil/lanterne » ; champ lexical du divin. Il est traité avec une dimension de « sérieux » paradoxale qui fait partie de la caricature. La lexique religieux (larmes du Christ) participe à la fois de ce sérieux et d’une opposition – métaphorique – au carillon des vêpres : la réalité d’une vie pieuse est ainsi rabaissée au profit du breuvage divin. Le libertin est paradoxalement plus proche de Dieu que la jeune femme pieuse : les valeurs de Marianne sont ainsi reprises au profit d’une apologie paradoxale du libertin. Le sérieux, ainsi réinvesti (de façon humoristique) donne lieu à un nouveau partage du parler : à Octave les « Dieu m’en préserve ! », les « larmes du Christ », porteuses à la fois de pathos et de dimension religieuse ; à Marianne la moquerie éventuelle (« N’en riez pas! », « Vous moquez-vous de moi? ».)

2° Argument ad hominem

a) Dissociation des vins

L’argument de Marianne est clairement décelable : il s’agit de mettre Octave en contradiction avec lui-même. Cet argument ad hominem participe du même système agressif que l’ironie qui précède. Forte de la conversation précédente qu’elle a eue avec Octave, Marianne saisit l’occasion que lui fournit le flacon de vin, sur la table, qui a valeur de preuve extratechnique tout au long de la controverse. L’agression, qui a pu être amplifiée par l’allusion dévalorisante aux vêpres, est visible dans les impératifs (« dites-moi », « buvez-en, je vous en supplie », « goûtez-en »). L’opposition forte entre le Lacrima Christi et le vin à quinze sous est présentée de façon tranchée sur un mode manichéen, tandis qu’est affirmée (de façon évidemment antiphrastique) l’absence de différence entre les deux (« cela m’étonne », « je suis sûre », « non, vous dis-je, c’est la même chose », « Vous trouvez qu’il y a une grande différence ? ».)

b)Analogie des femmes et du vin

L’analogie entre les femmes et le vin est fondée sur deux dissociations concomitantes : fille de joie/dame de qualité d’une part et vin à quinze sous/lacrima christi de l’autre. Elle est renforcée par des syllepses sur « esprit » (de l’alcool et des femmes), sur « ivresse » (du vin et de l’amour) et sur « vase »(évocation

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