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Réponse à un acte d'accusation - V. Hugo analyse partielle

Fiche de lecture : Réponse à un acte d'accusation - V. Hugo analyse partielle. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  22 Janvier 2024  •  Fiche de lecture  •  2 220 Mots (9 Pages)  •  101 Vues

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Victor Hugo (1802-1885) - « Réponse à un acte d’accusation »

Donc, c’est moi qui suis l’ogre et le bouc émissaire.

Dans ce chaos du siècle où votre cœur se serre,

J’ai foulé le bon goût et l’ancien vers françois

Sous mes pieds, et, hideux, j’ai dit à l’ombre : Sois !

Et l’ombre fut. – Voilà votre réquisitoire.

Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,

Toute cette clarté s’est éteinte, et je suis

Le responsable, et j’ai vidé l’urne des nuits.

De la chute de tout je suis la pioche inepte ;

C’est votre point de vue. Eh bien, soit, je l’accepte ;

Ces grandes questions d’art et de liberté,

Voyons-les, j’y consens, par le moindre côté

Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,

J’en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;

Je suis le démagogue horrible et débordé,

Et le dévastateur du vieil A B C D.

Causons. Quand je sortis du collège, du thème,

Des vers latins, farouche, espèce d’enfant blême

Et grave, au front penchant, aux membres appauvris,

Quand, tâchant de comprendre et de juger, j’ouvris

Les yeux sur la nature et sur l’art, l’idiome,

Peuple et noblesse, était l’image du royaume ;

La poésie était la monarchie ; un mot

Était un duc et pair, ou n’était qu’un grimaud ;

Les syllabes pas plus que Paris et que Londres

Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre

Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;

La langue était l’État avant quatre-vingt-neuf ;

Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;

Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,

Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,

Habitant les patois ; quelques-uns aux galères

Dans l’argot ; dévoués à tous les genres bas,

Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,

Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;

Populace du style au fond de l’ombre éparse ;

N’exprimant que la vie abjecte et familière,

Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.

Racine regardait ces marauds de travers ;

Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,

Il le gardait, trop grand pour dire : Qu’il s’en aille ;

Et Voltaire criait : Corneille s’encanaille !

Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.

Alors, brigand, je vins ; je m’écriai : Pourquoi

Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?

Et sur l’Académie, aïeule et douairière,

Cachant sous ses jupons les tropes effarés,

Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.

Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.

(« Réponse à un acte d’accusation » [1834], extrait, repris dans Les Contemplations 1856)


Forme libre : pas de strophe ! Rimes deux par deux vers.

Donc, c’est moi qui suis l’ogre et le bouc émissaire.

Dans ce chaos du siècle où votre cœur se serre,

J’ai foulé le bon goût et l’ancien vers françois

Sous mes pieds, et, hideux, j’ai dit à l’ombre : Sois !

Et l’ombre fut. – Voilà votre réquisitoire.

Enonciation de l’accusation à laquelle il répond, part 1 : son identité dans l’accusation

  • Ogre et bouc émissaire = un peu antithétique. Ogre = vraiment méchant destructeur (certainement vision de ceux qui l’accusent) VS bouc émissaire= instauration d’un sens plus de victime, de choix délibéré -> remet déjà en question la légitimité de l’accusation
  • Chaos du siècle = une référence biblique ?  (serait désordre originel n’ayant pas encore subi l’ordonnément de Dieu… Bof), en tout cas emphase de la situation (hyperbole).
  • Métaphore « fouler le bon gout… » : ajoute à l’irrespect qu’il aurait montré envers ces deux entités
  • François : forme expressément archaïque, appuyant ironiquement sur le côté « vieux jeu » et non moderne de ses accusateurs ?
  • Pq séparer fouler et sous mes pieds, sous mes pieds commence un autre vers et s’ajoute à hideux (hyperbolique, mais donne plus impression d’un discours rapporté, où il narrerait)
  • Thème biblique MAIS avec substitution de la lumière pour l’ombre -> donne une importance, la figure de mage (propre à mouvement romantique après 1830) à Victor Hugo, mais en même temps un peu humoristique et moqueur. Métaphore in absentia, où l’ombre (comparé) désigne le nouveau courant littéraire ne respectant pas les normes classiques inspirés des lumières. Le balancement par l’obscure se comprend.

Cette 1ère partie énonce certes les accusations mais se concentrent sur l’image qui a été donnée par ses accusateurs à Hugo. Il y a d’ailleurs une rupture graphique qui indique que le contenu des accusations commence, le tiret.

Et l’ombre fut. – Voilà votre réquisitoire.

Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,

Toute cette clarté s’est éteinte, et je suis

Le responsable, et j’ai vidé l’urne des nuits.

De la chute de tout je suis la pioche inepte ;

C’est votre point de vue. Eh bien, soit, je l’accepte ;

Ces grandes questions d’art et de liberté,

Voyons-les, j’y consens, par le moindre côté

Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,

J’en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;

Je suis le démagogue horrible et débordé,

Et le dévastateur du vieil A B C D.

  • Ensemble des domaines où Hugo aurait « frappé » : Enumération, pas vraiment de gradations mais toutes les citer donne un effet d’addition, d’entassement, de quantité
  • Clarté, éteinte, ombre, nuit -> champ sémantique de la luminosité qu’exploite pleinement la métaphore contrebalançant celle des lumières (qui combattaient obscurantisme)
  • Vider urne des nuits : laisser le contenu s’en échapper ? Réf à pandore ?
  • Eteinte, nuits, chute, : isotopie de la fin
  • Métaphore : pioche inepte, travail de la terre, de la minerie.
  • Antithèse : figure de mage donnée au dessus mais stupidité supposée dans « pioche inepte »
  • Echange et adresse encore plus matérialisée dans « c’est votre pdv ». + oralité forte « eh bien, soit,… », « voyons-les, j’y consens,… ». et plus loin « causons »
  • Logique antithétique : grandes questions d’art … par le petit bout de la lorgnette/moindre côté (grand VS petit) : contribue encore à accentuer ridicule de ses opposants dont la minutie est faite risible
  • Agressivité adverse partiellement déjouée par son acceptation : j’y consens, je l’accepte, soit, j’en conviens, oui, je suis cet abominable homme.
  • Encore logique hyperbolique (qui court tout le texte), donnant l’impression qu’il redit exactement ce qu’ont dit les détracteurs, et ce qui, d’ailleurs, les tourne au ridicule : abominable homme, démagogue horrible et débordé, dévastateur
  • Métaphore : vieil ABCD = dictionnaire et dictionnaire de l’académie française, soit toutes les règles que celle-ci avait établies et qui sont partiellement remise en cause par Hugo.

Causons. Quand je sortis du collège, du thème,

Des vers latins, farouche, espèce d’enfant blême

  • Gradation descendante allant vers le plus précis dans la matière latine abordé au collège

Et grave, au front penchant, aux membres appauvris,

  • Enumération de caractéristiques qui répond à la gradation thème latin,…

Quand, tâchant de comprendre et de juger, j’ouvris

Rythme accéléré par divers procédés comme énumération, enjambements qui font qu’on tombe au final dans image du royaume, la comparaison est plus percutante. Amusement de l’enfant ? énergie juvénile (jouvencelle lol).

Les yeux sur la nature et sur l’art, l’idiome,

Peuple et noblesse, était l’image du royaume ;

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