Lecture linéaire – Ouragan, Laurent Gaudé (2010)
Fiche de lecture : Lecture linéaire – Ouragan, Laurent Gaudé (2010). Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Coralie INNOCENTI • 9 Mai 2025 • Fiche de lecture • 616 Mots (3 Pages) • 41 Vues
Lecture linéaire – Ouragan, Laurent Gaudé (2010)
Introduction
L’extrait étudié est tiré du roman *Ouragan* de Laurent Gaudé, publié en 2010. Ce roman polyphonique donne la parole à plusieurs personnages confrontés à la catastrophe de l’ouragan Katrina qui ravagea La Nouvelle-Orléans en 2005. Ici, c’est la voix de Joséphine Linc. Steelson, une femme noire centenaire, qui s’exprime dans un monologue à la première personne. Elle témoigne d’une vie marquée par la ségrégation raciale et la résilience. Elle est l’incarnation d’un personnage en marge, qui transforme sa condition en fierté. Dans le cadre du parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque », ce texte est emblématique de la figure du marginal assumé qui défie les normes sociales et historiques.
Problématique
Comment Joséphine, personnage en marge, transforme-t-elle sa marginalité en acte de résistance et en conquête de dignité à travers le récit de sa routine quotidienne ?
Plan
1. Lignes 1 à 9 : Affirmation d’une identité et d’une routine revendiquée
2. Lignes 10 à 19 : Une résistance symbolique face à l’histoire raciale américaine
3. Lignes 20 à 25 : Une victoire intime et une reconquête du pouvoir
1. Affirmation d’une identité et d’une routine revendiquée (l.1-9)
- Usage de la première personne : « Moi, Joséphine… » marque une prise de parole forte et personnelle.
- Répétition du prénom et identité raciale : « négresse depuis presque cent ans » — revendication d’une mémoire vivante de l’histoire noire américaine.
- Champ lexical de la routine et du déplacement : « je prends le bus tous les matins », « je veux faire le tour de la ville ».
- Figures de style : accumulation (« un bus de Blancs… »), expressions familières (« je m’assois. Et je le fais toujours avec un sourire d’aise ») renforcent la voix vivante, orale, incarnée.
- Le rythme est haché, ponctué par des points courts qui miment un ton affirmé et déterminé.
- L’ironie affleure dans les remarques sur les Blancs qui la « dévisagent » et qu’elle provoque volontairement.
2. Une résistance symbolique face à l’histoire raciale (l.10-19)
- Évocation d’une « victoire » : « j’ai gagné le droit de le faire », revendication d’un combat personnel.
- Opposition symbolique : l’avant et l’arrière du bus — rappel de la ségrégation.
- Animalisation des discriminations : « comme un animal honteux ».
- Ironie mordante : elle prend plaisir à croiser des « vieux Blancs » — inversion du stigmate.
- Champs lexicaux de la guerre et du conflit : « gagner », « face à face », « tirer dessus », « leur mécontentement croisse ».
- Champ lexical de la résistance collective : « nous sommes unis », « d’une pensée commune » — solidarité implicite dans la communauté noire.
3. Une victoire intime et une reconquête du pouvoir (l.20-25)
- Reprise de l’incipit : boucle narrative qui donne une dimension cyclique et ritualisée.
- Métaphore finale : « faire la tournée de mon empire » — valorisation de son trajet quotidien, détournement du réel en symbole de pouvoir.
- La grandeur d’âme et la ténacité s’expriment ici dans une forme d’héroïsme quotidien.
- Champ lexical de la conquête et de la fierté : « j’ai gagné », « tournée », « empire ».
- Le ton est revendicatif, presque solennel, soutenu par des phrases courtes, incisives.
Conclusion
Ce texte est une célébration de la résilience d’un personnage en marge. Joséphine, femme noire centenaire, s’approprie un acte banal (prendre le bus) pour en faire une déclaration politique et intime. Par la force de sa voix et de son récit, elle renverse les stigmates pour revendiquer sa place, sa dignité et même une forme de pouvoir symbolique. À travers cette parole, Laurent Gaudé fait émerger un personnage romanesque d’une grande richesse, en écho au plaisir du romanesque et à la force des récits de marginalité.
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