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Le portrait d'Anne d'Autriche par le Cardinal de Retz

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Par   •  5 Janvier 2024  •  Commentaire de texte  •  1 759 Mots (8 Pages)  •  106 Vues

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Le Cardinal de Retz, Mémoires, 1717

LE PORTRAIT DE LA REINE (Anne d'Autriche)

La reine avait, plus que personne que j’aie jamais vu, de cette sorte d’esprit qui lui était nécessaire pour ne pas paraître sotte à ceux qui ne la connaissaient pas. Elle avait plus d’aigreur que de hauteur, plus de hauteur que de grandeur, plus de manières que de fonds, plus d’inapplication à l’argent que de libéralité, plus de libéralité que d’intérêt, plus d’intérêt que de désintéressement, plus d’attachement que de passion, plus de dureté que de fierté, plus de mémoire des injures que des bienfaits, plus d’intention de piété que de piété, plus d’opiniâtreté que de fermeté, et plus d’incapacité que de tout ce que dessus.

Le Cardinal de Retz, Mémoires, extrait, 1717

Article du Robert des noms propres :

Le Cardinal le Retz, Jean François Paul de Gondi : homme politique, pamphlétaire et mémorialiste français né à Montmirail en 1613 et mort à Paris en 1679. La mort de Richelieu en 1642 et celle de Louis XIII en 1643 marquèrent le début de sa vie d’intrigant. Nommé coadjuteur de l’archevêque de Paris en 1644, il se heurta à l’hostilité croissante d’Anne d’Autriche et de Mazarin. Proche des Princes pendant la Fronde , il feignit de se dévouer à la cause de Mazarin, mais continua d’intriguer contre lui, obtenant par deux fois son renvoi temporaire (1651 et 1652). Nommé cardinal par Innocent X qui détestait Mazarin, il fut pourtant incarcéré en 1652, mais parvint, depuis sa prison, à être nommé archevêque de Paris en 1654. Transféré à Nantes, il s’échappa et commença une vie mouvementée qui le mena jusqu’à Rome. Le nouveau pape, Clément V, ne le soutenant plus, il poursuivit sa vie errante à travers l’Europe. En 1657, circule son pamphlet contre Mazarin. Contraint de démissionner de l’archevêché de Paris en 1662, il fut autorisé à regagner Paris en 1664. S’étant retiré à l’abbaye de Saint Denis en 1678, il y fut inhumé, mais Louis XIV interdit qu’on lui dressât le moindre monument. Outre son pamphlet qui le révéla comme écrivain, Retz est connu pour ses Mémoires, œuvre conçue comme une justification de ses actions qui met en avant la personnalité de son auteur dans un siècle ou le « moi » est haïssable. L’œuvre un des derniers témoignages de la morale héroïque.

Son œuvre mêle classicisme, baroque et préciosité et intègre la littérature morale du XVIIème siècle.

INTRODUCTION:

Dans une époque où la politique est troublée par des querelles intestines, où l’état est sclérosé par la Fronde, le Cardinal de Retz est remarqué pour ses talents d’intrigant et d’écrivain pamphlétaire. Ce texte, extrait de ses Mémoires, publiées à titre posthume à Nancy en 1717, fait partie du genre biographique, et plus précisément de l’autobiographie. Mais il intègre surtout la littérature morale, fragmentaire, très à la mode au siècle précédent.

L’œuvre donne les circonstances de la vie du Cardinal et trace le portrait de certaines personnalités d’état, telle la reine Anne d’Autriche . L’écriture de ces mémoires permet au cardinal de critiquer le pouvoir royal et notamment contre Mazarin auquel il était fort opposé. En effet, il fut un virulent conspirateur et sera même jeté en prison et obligé de se résoudre à l’exil, ne se réconciliant jamais avec la cour. Voyons en quoi ce texte montre le double talent du pamphlétaire. Nous verrons d'une part qu' il dresse un portrait satirique de la reine et blâme sa manière de gouverner et d'autre part nous montrerons la nature prescriptive du portrait.

I. Un portrait moral satirique

Tout d'abord, le texte est un extrait des Mémoires , appartient donc à l'autobiographique et crée la vraisemblance. L'usage de la première personne du singulier, du verbe "voir", ou du verbe "paraître" dès les premières lignes le présente comme témoin de son époque, dans laquelle regard et apparence tenaient pour valeur absolue.

A. Une présentation malicieuse de la reine, dans la veine du portrait précieux.

Toute la malice de ce portrait vient de ce qu’il commence comme un éloge , par l'usage hyperbolique de la formule comparative de supériorité, « La reine avait, plus que personne que j’aie jamais vu, de cette sorte d’esprit ». Ici il donne l’impression du caractère exceptionnel de la reine, notamment avec l’adverbe « jamais » et le subjonctif passé du verbe voir, mode de l'irréel. Mais ce premier sentiment créé par le rythme effréné d’une ponctuation forte (multiplicité des virgules), est doublement trompée par la suite, d’abord par « pour ne pas paraître sotte » et ensuite par « à ceux qui ne la connaissaient pas ». Le premier met alors l’accent, de manière très péjorative avec l’adjectif, empreint d'une certaine légèreté: « sotte » , sur l’incapacité intellectuelle de la Régente, l’autre sous-entend que ceux qui la connaissaient ont perçu facilement sa sottise. Ainsi, cette "sorte d'esprit" demeure vaine, soulignée par la maligne paronomase entre "sorte" et "sotte".

De même, dans chacune des deux phrases complexes du texte (l’une relativement longue, et l’autre très longue puisqu’elle comporte 6 lignes), la reine présente une forme dégradée de ce qui pourrait être une qualité. La reine est sujet du verbe de possession « avoir »( donc ce qu'elle a au fonds), suivi d'une gradation de C.O.D sous forme de comparatifs de supériorité qui donnent cette impression d’éloge et crée l’ironie. Toutefois, le sens des comparatifs devient progressivement clair, et malgré la polyphonie de certains termes, leur ambivalence et oppositions , le Cardinal dresse bien la satire de la reine.

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