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Jean de Léry, L’Histoire d’un voyage en terre de Brésil

Dissertation : Jean de Léry, L’Histoire d’un voyage en terre de Brésil. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Mai 2023  •  Dissertation  •  3 703 Mots (15 Pages)  •  268 Vues

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« J’ai dans ma poche Jean de Léry, bréviaire de l’ethnologue » a écrit Claude Lévi-Strauss dans son ouvrage Tristes Tropiques. Lors d’un entretien recueilli par Dominique-Antoine Grisoni, l’ethnologue et anthropologue qualifie pourtant l’œuvre de Jean de Léry « comme un extraordinaire roman d’aventures ».

En effet, peut-on dire que Léry, dans L’Histoire d’un voyage en terre de Brésil, fait œuvre d’ethnologue ? Jean de Léry est avant tout un écrivain qui a eu l’opportunité de voyager en Amérique et a voulu partager tout ce qu’il a vu, entendu et vécu en cette terre étrangère avec le public français, à travers un ouvrage édité des années plus tard après son voyage. Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil retrace donc son expérience personnelle vécue aux côtés de la tribu brésilienne des Toüoupinambaoults. Son expérience est ainsi contée à la première personne et ne peut donc qu’être subjective puisqu’elle relève de son point de vue. L’ethnologie pourtant, est une étude scientifique des sociétés dans l’ensemble de leurs manifestations linguistiques, politiques, coutumières, religieuses et économiques dans leur histoire. Nous pouvons supposer que l’ethnologie, relevant de la science, se doit d’être la plus exacte qui soit et s’apparenter à l’objectivité. L’ouvrage de Léry est subjectif puisqu’il s’appuie sur ses impressions, ses pensées et opinions. La subjectivité du récit peut-elle empêcher de classer Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil comme un recueil scientifique, ethnologique ?

Pour établir une hypothèse quant au genre même de l’œuvre et ses ambitions, nous présenterons les caractéristiques de l’ouvrage qui correspondent à la pensée ethnologique. Nous limiterons cet argument en faveur de l’ethnologie en rappelant combien le récit de Jean de Léry est personnel. Enfin, nous expliquerons les objectifs principaux de l’auteur concernant la publication de son livre, ces objectifs répondront sans doute à la question qui relève du genre de l’ouvrage.

Le voyage de Jean de Léry en terre du Brésil en 1557 s’insère dans une période de grandes découvertes géographiques et de colonisation. La Renaissance est une époque d’ouverture sur le monde et de quête de connaissances. Pourtant, les récits de voyage rédigés au XVIème siècle cherchent à se conformer à des stéréotypes prédéfinis. Léry a pour but de rétablir la vérité et démentir les préjugés qu’entretiennent les français à l’égard des peuples américains dans son ouvrage et rend ainsi service à l’avancée des savoirs ethnologiques.

Les Singularités de la France Antarctique de Thevet est une des raisons principales qui a décidé Jean de Léry à publier Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil vingt ans après son périple. En effet, Léry n’est absolument pas d’accord avec la description des populations américaines d’André Thevet et déclare dans sa préface vouloir répondre à ses diffamations. Le livre de Thevet relève d’une collaboration entre son éditeur, un étudiant en médecine, Mathurin Héret et Thevet. André Thevet s’est bien rendu au Brésil mais n’y est resté que dix semaines tandis que Léry a observé ce Nouveau Monde durant dix mois. De plus, Thevet fut malade pendant son voyage ce qui, on imagine, l’a restreint dans son expérience. Son ouvrage est constitué d’une multitude de références antiques, plus que de réelles constatations obtenues sur place. Etant nommé cosmographe du roi, Thevet décide de continuer à publier des ouvrages s’apparentant à la science ethnologique et publie en 1575 La Cosmographie universelle où il dénigre par ailleurs les ministres calvinistes envoyés de Genève, ce qui concerne et offusque Léry. Un an après, Léry constitue sa réponse envers Thevet : « à fin, dis-je, de repousser ces impostures de Thevet, j’ay esté comme contraint de mettre en lumière tout le discours de nostre voyage » page 63 de la préface. Léry accuse ouvertement Thevet de mensonges « je reciteray icy les calomnies qu’il a mises en avant contre nous », à la page 63 de la préface. Tout au long de son ouvrage, Léry pointe du doigt les clichés entretenus par la littérature quant aux coutumes des peuples dits « sauvages » et tente d’en libérer son lecteur afin que celui-ci ait conscience de la vérité juste. « Tellement que ces choses n’estans non plus vrayes que le conte de Rabelais touchant Panurge, qui eschappa de la broche tout lardé et à demi cuit, il est aisé à juger que ceux qui font telles Cartes sont ignorans, lesquels n’ont jamais eu cognoissance des choses qu’ils mettent en avant. » à la page 365 du chapitre XV ; cette phrase reprend un passage de Pantagruel de Rabelais et plus précisément le passage où Panurge échappe aux Turcs. Cette référence a d’ailleurs été utilisée par Thevet, c’est pourquoi Léry la reprend afin de continuer à lui répondre.

En plus de vouloir rétablir la vérité concernant les stéréotypes entretenus par les récits de voyage du XVIème siècle, Jean de Léry nourrit son récit de descriptions extrêmement détaillées de tout ce qu’il a pu observer de près afin d’en délivrer un tableau plus que réaliste du Brésil auprès de ses lecteurs européens. A l’origine, l’ouvrage de Léry se présente comme un recueil regroupant toutes les observations de l’auteur, comme un témoignage, c’est ce qu’il explique au chapitre I « mon intention et mon sujet sera en ceste histoire, de seulement déclarer ce que j’ay pratiqué, veu, ouy et observé tant sur mer […] que parmi les sauvages Ameriquains ». Les choses dont il témoigne sont présentées avant tout de manière objective et purement descriptive. Au chapitre III par exemple, il réunit tous les poissons observés durant la traversée vers l’Amérique en une sorte de glossaire animalier, d’encyclopédie. Il y décrit chaque espèce les unes après les autres : « Partant pour descrire ce poisson […] : il est de forme assez semblable au haren, toutesfois un peu plus long et plus rond, a des petits barbillons sous la gorge, les aisles comme celles d’une Chauvesouris et presques aussi longues que tout le corps : et est de fort bon goust et savoureux à manger ». De plus, l’inventaire des espèces est organisé selon leur utilité et nocivité pour l’homme. En

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