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Baudelaire, "Une charogne", analyse Linéaire

Commentaire de texte : Baudelaire, "Une charogne", analyse Linéaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Juin 2023  •  Commentaire de texte  •  1 712 Mots (7 Pages)  •  147 Vues

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BAUDELAIRE, « Une Charogne », étude linéaire

Ce long poème de douze quatrains où alternent alexandrins et octosyllabes, se situe dans la section « Spleen et Idéal ». Le titre qui évoque un animal en décomposition est de toute évidence provocateur. Baudelaire choisit comme source d’inspiration l’objet anti-poétique par excellence, le summum de l’horreur. Nous allons voir comment la célébration paradoxale d’un cadavre répugnant est l’occasion pour le poète d’une incroyable alchimie poétique.

I. Premier mouvement ( les 5 premiers quatrains) : une description choquante

a) Le poème est adressé à la femme aimée comme le montrent l’apostrophe pleine de tendresse « mon âme » et « rappelez-vous » qui ouvre sur un souvenir commun. Ce début rend le contraste encore plus saisissant entre

d’un côté, le plaisir de la promenade amoureuse, avec ses assonances douces en « ou » (vous, nous, doux, détour) dans un cadre bucolique évoqué avec une suite de mots connotés positivement : beau, matin, d’été, si doux

de l’autre, la brusque découverte d’une « une charogne infâme », c’est-à-dire ignoble, qui suscite de la répugnance par son aspect sordide. Le lyrisme champêtre disparaît alors immédiatement devant cette vision immonde.

b) Suit une description particulièrement crue, où aucune précision ne nous est épargnée. La scène est décrite avec tous les détails répugnants de la putréfaction : la raideur du cadavre (« les jambes en l’air »), les liquides coulant du corps (« suant les poisons »), la puanteur (« exhalaisons »).

La scène est rendue encore plus choquante par l’analogie établie par le poète entre ce cadavre d’animal et une prostituée, avec la comparaison explicite « comme une femme lubrique», et les éléments du corps : « les jambes » (alors qu’on attendrait « pattes ») et « le ventre ». Le poète mêle deux thèmes tabous : la sexualité et le macabre, c’est-à-dire les aspects d’Éros et de Thanatos les plus cachés par la société. En plus d’être répugnant, le tableau devient obscène, avec les expressions « jambes en l’air » et « femme lubrique » (lubrique = qui a un penchant, une obsession pour les plaisirs sexuels). Une syllepse de sens (figure qui consiste à employer en même temps un mot dans son sens propre et dans son sens figuré ) est visible dans l’expression « brûlante et suant les poisons » : le sens propre évoque les liquides s’écoulant du corps en décomposition sous la chaleur du soleil ; mais le sens figuré évoque une femme brûlante de désir et suant dans la frénésie des ébats amoureux. La personnification se poursuit avec les adjectifs « nonchalante et cynique » qui associe le cadavre de l’animal à une prostituée indolente, paresseuse et violemment provocante, sans pudeur. L’allitération en « a », voyelle la plus ouverte de l’alphabet, souligne encore l’éclatante impudeur de la scène :  jambes, femme, brûlante suant, poisons, façon, nonchalante, ventre, exhalaisons).

c) Le poète joue sur les contrastes de points de vue et passe d’un plan large à un plan rapproché, puis à un gros plan :

plan large : Le soleil, l‘allégorie de la Nature personnifiée par le N majuscule, et le ciel entourent la charogne de leur immobilité et de leur indifférence. « Le soleil rayonnait » mais l’astre lumineux est immédiatement réduit à une vulgaire source de chaleur qui permet la cuisson répugnante d’un morceau de viande : « comme afin de la cuire à point ». On assiste à une mystérieuse cuisine, incompréhensible pour l’homme, celle de la création éternelle et du cycle de la vie au sein de la nature : la créature éphémère, qui constituait jusque-là un tout, se désagrège, se décompose en une multitude d’atomes, qui vont rejoindre l’infinité des composants de la nature (« Et de rendre au centuple à la grande Nature/ Tout ce qu’ensemble elle avait joint ».)

plan rapproché : on revient à la charogne présentée de façon paradoxale, avec l’adjectif inattendu de l’oxymore « carcasse superbe ». La comparaison est aussi surprenante : « comme une fleur s’épanouir » : la mort est montrée de façon provocatrice comme un ultime accomplissement. Il s’agit pour le poète de surprendre le lecteur, de l’inviter à porter un regard nouveau sur les choses, d’extraire la beauté de l’horreur. Dans les deux vers entre tirets, la fragilité de la femme aimée, incapable de supporter cette réalité immonde, peut être aussi une allusion un peu moqueuse du poète à son lecteur trop sensible. On notera les dures sonorités du passé simple « crûtes », proches de « crudité » et de « cruauté », les thèmes majeurs du poème.

gros plan de plus en plus insoutenable : le poète a recours à l’hypotypose pour nous faire voir la décomposition dans ses moindres détails. Les sens sont sollicités ou plutôt agressés : l’ouïe ( « les mouches bourdonnaient », l’odorat («la puanteur était si forte »,  ce ventre putride »), la vue «  de noirs bataillons de larves », « un épais liquide »). L’enjambement « de noirs bataillons de larves qui coulaient… » imite le liquide en train de se répandre. L’expression « ces vivants haillons » suggère que le cadavre accouche d’autres vies.

II. Deuxième mouvement (quatrains 6 à 8) : un processus chimique

a) « Tout cela » : l’indéfini gomme cet horrible tableau dans une expression abstraite reprise ensuite par « ce monde » qui fait du cadavre une

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