Texte de Stuart Mill sur la religion extrait de Trois Essais sur la religion - 1874
Commentaire de texte : Texte de Stuart Mill sur la religion extrait de Trois Essais sur la religion - 1874. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Sylvain Lapo • 20 Mai 2025 • Commentaire de texte • 2 690 Mots (11 Pages) • 20 Vues
SUJET 3 : Texte de Stuart Mill sur la religion extrait de Trois Essais sur la religion - 1874
A – Éléments d’analyse
1 - La religion est à la fois une réponse à des peurs et à des besoins. Peurs de se reconnaître comme vulnérables, en tant qu’humains, dans un monde impitoyable, peurs de souffrir, de mourir, d’être abandonnés. Besoins d’être accompagnés, compris, conseillés. Comme Freud l’explique dans L’avenir d’une illusion nous sommes inconsolables lorsque nous devenons orphelins et beaucoup projettent dans l’idée de Dieu la croyance en un père de substitution, un père à la fois hyperbolique et à la générosité sans limite. La religion joue beaucoup sur l’espoir d’échapper au pire.
Rien de tel avec la poésie qui se présente comme une consolation d’une autre nature : esthétique, émolliente, sublimée. La poésie est comme une caresse posée sur notre sensibilité. Les alexandrins, sonnets ou proses poétisées nous bercent et grâce à des figures de style, des jeux de langage, ces procédés entretiennent l’ivresse légère suscitée par de douces mélopées. La religion, quant à elle, prétend nous fournir un mode d’emploi pour accéder à un merveilleux au-delà. Si la poésie n’a d’autre prétention que de nous faire bénéficier des effets curatifs de la parole, les prières, elles, sont censées être magiques et changer le cours des évènements par leur simple déclamation. Alors qu’aucune récitation d’un beau texte n’a l’outrecuidance d’améliorer la réalité.
2 – La religion satisfait des idéaux de justice (« le bon Dieu vous punira » lancent parfois les victimes à ceux dont elles estiment avoir subi un préjudice), des idéaux d’un monde meilleur grâce aux descriptions qu’elle fait du paradis, des idéaux de connaissance puisque notre âme, après notre décès, est censée se fondre dans l’infini d’un Dieu omniscient et omnipotent, des idéaux moraux car dans de nombreux passages, les textes religieux s’apparentent à des manuels de savoir vivre. Pour tous ceux qui trouvent leur séjour terrestre triste, terne et désespérant, la religion promet un au-delà qui serait enfin à la hauteur de leurs espérances.
Toutefois la poésie satisfait aussi un désir d’idéal qui est présent chez la plupart d’entre nous : désirs de beauté, d’harmonie, d’absolu, que le quotidien ne peut satisfaire. Au jour le jour, nous errons dans l’à peu près, le monotone voire le médiocre. Or la poésie par la richesse chamarrée de ses descriptions : « Tu me parles du fond d’un rêve – comme une âme parle aux vivants – comme l’écume de la grève – ta robe flotte dans les vents » écrit Victor Hugo dans Les contemplations, par ses précisions approximatives au sujet de nos états d’âme (oxymore rendant compte de sa justesse en même temps que de la marge d’interprétation qu’elle laisse au lecteur), la poésie console du mésusage habituel que nous faisons des mots, comme dans ces quelques vers d’Apollinaire : « Passent les jours et passent les semaines, ni temps passé, ni les amours reviennent, sous le pont Mirabeau coule la Seine, vienne la nuit, somme l’heure, les jours s’en vont, je demeure ».
3 – L’attitude religieuse de « ceux qui sont égoïstes » est opportuniste, intéressée, aux antipodes de la bonté que l’on prête aux croyants. On peut prier et se rendre régulièrement dans les édifices religieux sans pour autant être débordant de piété et de foi. De tout temps il a en effet existé des petits malins, adeptes du pari pascalien qui ont communié, se sont confessés et ont tâché de suivre les préceptes des textes sacrés mais pas par dévotion, uniquement par calcul. Ces croyants «égoïstes » ne visent pas le salut de l’humanité mais le leur, il leur importe peu que tous les pêcheurs soient sauvés du moment que les portes du paradis leur soient ouvertes. Il n’y a donc ni ardeur, ni passion, ni engagement sincère et entier dans leur foi mais plutôt mesure, prudence et attente. C’est qu’ après des années de respect forcé des dix commandements, ils attendent un retour sur investissement.
À l’opposé il y a l’attitude de «ceux qui sont tendres et reconnaissants» c’est-à-dire ceux qui pratiquent une morale visant l’amour du prochain sans rien en attendre en retour. Ceux dont la sensibilité s’accorde avec l’esprit des Évangiles, de la Torah et du Coran. Ceux qui sont, sans effort, portés à multiplier les beaux gestes et qui, même sans une contrepartie, du type une éternité de félicité au sein du paradis, continueraient à ne rien commettre qui puisse porter atteinte à autrui. Ils sont « tendres » car non violents, sans agressivité, dans l’empathie plutôt que dans la furie et reconnaissants du simple fait d’être en vie, en mesure de contempler tout ce que Dieu est censé avoir créé. Pour les « reconnaissants » tout est sacré alors que les « égoïstes » consacrent simplement un peu de leur temps aux saints sacrements et aux offices dans l’espoir d’en tirer, dans l’au-delà, une forme de bénéfice. Les premiers veulent alléger le poids des souffrances de l’humanité guidés dans leurs actes par un esprit de charité, les seconds veulent plutôt se payer une concession au sein du paradis.
B - Éléments de synthèse
1 – La question à laquelle l’auteur tente de répondre c’est : comment l’humanité s’y prend-elle pour étancher sa soif d’absolu, pour satisfaire son désir d’idéal, pour répondre à son besoin de transcendance ? Pour y parvenir elle a développé l’idéologie religieuse mais également la poésie (on pourrait ajouter les arts plus généralement). C’est de cette manière que la plupart des gens endurent les souffrances qui les accablent dans cette «vallée de larmes » qu’est la Terre. C’est ainsi que beaucoup continuent d’espérer malgré le déferlement régulier des trois maux répertoriés par Leibniz dans sa Théodicée : le mal moral, le mal physique et le mal métaphysique. C’est comme ça que beaucoup tiennent : en joignant les mains dans des moments de prière, persuadés qu’ainsi les choses pourront s’arranger ou alors en admirant des textes qui donnent l’impression de s’approcher de la beauté.
2 – Pour traiter ce genre de question, il faut à la fois indiquer où commencent et où s’achèvent chacune des parties relevées mais également, pour prouver à son correcteur que le contenu de chacune des parties a été compris, leur donner un titre qui en résume le contenu. Voici la structure du texte :
- Lignes 1 à 4 : Insuffisance des nourritures matérielles et nécessité des nourritures spirituelles
- Lignes 4 à 12 : Des constructions symboliques, religieuses et poétiques, comme échappatoires à notre triste condition
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