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Commentaire corrigé: le grand renfermement des pauvres

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Par   •  21 Septembre 2017  •  Commentaire de texte  •  3 113 Mots (13 Pages)  •  1 363 Vues

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Commentaire corrigé – Le Grand renfermement des pauvres

Au XVIIe siècle, se met en place dans le Royaume de France, une vaste opération désignée par l’expression « Grand renfermement des pauvres », de Michel Foucault : il l’emploi dans deux ouvrages, « L’histoire de la folie à l’âge classique » et « Surveiller et punir ». Le document qui nous est donné à étudier reflète et témoigne de ce mouvement à la fois social, culturel et institutionnel. C’est un mouvement social car il agit directement sur la société notamment sur les sociétés urbaines ; c’est un mouvement culturel car il va y avoir des modifications conjoncturelles telles que l’augmentation des pauvres et la précarité : c’est la paupérisation. Ces modifications conjoncturelles vont entrainer des modifications culturelles : Le pauvre est considéré différemment, plus comme le corps du Christ mais désormais comme des nuisibles. Pendant un moment, vont cohabiter ces deux visions du pauvre aussi bien très positive que négative, c’est la deuxième qui l’emportera finalement. Ce processus culturel en traine aussi un mouvement institutionnel car c’est tellement fort qu’on va créer de nouvelles institutions pour endiguer ce problème de pauvreté.

Il s’agit d’un extrait de l’institution de l’Aumône générale de Lyon, c’est un livret de propagande pour l’œuvre qu’est l’Hôpital de la Charité et qui relate les étapes de sa création. L’objectif de cet ouvrage, qui ne connaît pas moins de 7 rééditions au cours du XVIIe siècle, est de susciter des dons et des legs puisque la charité privée constitue une ressource essentielle de l’Aumône générale. Aucun auteur, individuel ou collectif, n’est mentionné ici. En revanche, la nature même du document laisse à penser que l’ouvrage a probablement été rédigé par les recteurs de l’Hôpital eux-mêmes. L’adresse au Cardinal-Archevêque de Lyon est clairement signée de la main des recteurs. Le document qui est donné ici est tiré de la 5e édition de l’institution parue en 1647 mais il est probablement identique à celui des éditions précédentes. Deux indices laissées par le texte laissent à penser qu’il a été rédigé quelques années seulement après la création de l’Hôpital. Celle-ci intervient en 1614  (l.1 et 2), tandis que les bâtiments situés Place Belle Court sont achevés « en moi de 6 années » (l.25-26), donc en 1622. La 1ere édition du livret est donc à situer après cet achèvement.

Le texte s’inscrit dans un contexte d’accroissement général de la pauvreté depuis le milieu du XVIe siècle. A partir de la décennie 1560, les conflits religieux aggrave les effets pervers de la hausse des prix entamée depuis le début du siècle : Le pouvoir d’achat, exprimé en blé, des manouvriers (= ceux qui travaillent de leurs mains, travaillant généralement à la journée) baisse de 40% au cours du XVIIe siècle. De plus, à Lyon, l’occupation protestante des années 1562-1563 et l’épidémie de peste qui suit en 1564 (perte d’1/3 de la population lyonnaise) portent un coup rude à l’économie. Au chômage, à la guerre et à la peste, s’ajoutent les famines qui sont répétées entre 1580-90 suivant notamment à la dégradation des conditions climatiques. Les villes sont alors submergées par l’afflux des gueux (=misérables, vagabonds) qui viennent du plat-pays (= campagnes environnantes) pour trouver du travail à la journée. A Lyon, la pauvreté massive devient, dès 1575, un phénomène organique-institutionnel, c’est-à-dire que de conjoncturelle, la pauvreté devient institutionnelle. A cette présence d’une masse permanente de pauvres valides appellent d’autres remèdes que la traditionnelle charité ou les distributions de vivres organisées par l’Aumône générale (qui est une institution créée par des marchands en 1533-34). C’est dans ce contexte qu’apparaissent, dans les dernières années du XVIe siècle et l’époque du règne d’Henri IV, les 1eres tentatives d’enfermement des pauvres. A Lyon, l’idée est énoncée dès 1581 sans résultat immédiat ; à Rouen, la solution est évoquée en 1610 mais il n’y a aucune trace de cet enfermement ; à la même date ou presque, cette opération est préconisée à Paris. Dès 1611, 3 établissements d’accueil à Paris, deux ans plus tard, les recteurs de l’ Aumône générale de Lyon décide d’imiter Paris : L’expérience lyonnaise réussi d’amblée contrairement à l’œuvre parisienne qui échoue dès 1617, ce qui explique que l’expérience lyonnaise soit présentée comme un modèle jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

On a là l’extrait d’un ouvrage de propagande destiné à exalter l’œuvre charitable des recteurs -mentionnés à 6 reprises dans le texte (l.1, 8, 43-44, 46-47)- ainsi que les bienfaits de cette œuvre qui va rejaillir sur les pauvres et sur la ville entière (l.38-41). Le document dresse un tableau des conditions  socioéconomiques qui ont précédées à la création, en 1614, de l’Hôpital de la Charité (1er paragraphe). Il retrace les différentes étapes de son établissement (paragraphes 1, 3 et 4) avant de présenter, au moins partiellement, le fonctionnement de cette assistance laïque (paragraphe 5, 6 et 7).

Le récit de cette création, qui marque un tournant essentiel dans le traitement du problème de la pauvreté, nous éclaire indirectement sur la vision d’une société que pouvait avoir de ces pauvres dans la 1ere décennie du XVIIe siècle et sur les ressorts profonds de ce renfermement.

Comment est-ce que cet ouvrage de propagande, qui relate l’apparition de cet Hôpital de la Charité, nous révèle un creux dans la représentation qu’on avait sur la pauvreté au début du siècle ?

  1. LA PAUVRETE A LYON AU DEBUT DU XVIIe SIECLE 

  1. Du pauvre au mendiant : essai de définition

Le document ne nous donne une définition de ce qu’est un pauvre ni à Lyon ni dans le reste du Royaume. Pourtant, le contenu du 1er paragraphe incite à préciser le concept de pauvreté et à mettre en lumière ce qui, pour les contemporains, distingue le pauvre du mendiant. Les lignes 3 à 5 montrent clairement que c’est la mauvaise conjoncture et particulièrement le chômage ainsi que l’augmentation du coût de la vie qui transforme toute une population de pauvre structurelle en mendiant. Il y a une dichotomie qui va se faire entre les bons et les mauvais pauvres : les mendiants seront les « mauvais pauvres » et les pauvres seraient les « bons » car ils sont, ce qu’on appelle aujourd’hui, les travailleurs pauvres. (l.4-5) Dans le vocabulaire de la France moderne, le pauvre c’est celui qui n’a que son travail pour subsister et faire vivre les siens ; c’est celui qui est simplement menacé par la pauvreté alors que le mendiant est celui qui a déjà succombé au paupérisme, sans travail il est oisif. Cette distinction montre d’amblée à quel niveau se situe l’instabilité et la dureté de la condition du petit peuple. Ainsi à Lyon au XVIe siècle, 1 habitant sur 5 court le risque de manquer de l’indispensable en temps de crise : les plus menacés sont les affaneurs (= personnel employé à la journée), les gales deniers (=petits métiers de ville comme porteurs d’eau…) ; les artisans modestes ; les compagnons ou domestiques. Le risque est aussi grand de basculer dans la misère donc dans la mendicité au moindre coup du sort.

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