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Charles Quint et la Religion

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Par   •  7 Décembre 2017  •  Dissertation  •  5 848 Mots (24 Pages)  •  2 244 Vues

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DISSERTATION HISTOIRE

CHARLES V ET LA RELIGION

        Il est aisé, lorsque l’on traite du XVIème siècle, de le faire rimer avec Renaissance et Humanisme. Parler de ce renouveau intellectuel et artistique qui a trouvé ses sources en Italie avant de marquer durablement toute l’Europe ou encore des Grandes découvertes est assez spontané. Mais il est aussi important de se souvenir que ce siècle fut l’hôte des plus grands Empires de l’Histoire comme des premières guerres de religion. Il a également vu naître en 1500 à Gand l’homme qui, au grès des héritages et des alliances matrimoniales, a réuni sur sa tête des couronnes de toute l’Europe. Ces dernières feront de lui le souverain le plus prestigieux à défaut d’être le plus puissant. Malgré ses atouts il ne cessera, en effet, de se heurter à de nombreux obstacles et finira par abdiquer à l’âge de 55 ans. Alors qu’aujourd’hui l’on a tendance à associer, de façon un peu flou, l’idée d’Empire à l’image d’un système de domination qu’il est complexe de cerner et qui inspire, à la fois, ancrage territoriale et hégémonie ideologico-militaire, il est intéressant de se pencher sur le cas de cet homme : Charles Quint. Il y a tant à dire de la façon dont a tenté ce souverain européen de faire sien l’idéal d’unité hérité de la chrétienté médiévale. Il semble en effet que malgré la diversité des regards posés sur Charles Quint et la pluralité des interprétations qui ont pu être faites de sa politique, la seule chose en laquelle tout le monde s’accorde est sa profonde religiosité, mais cela ne pourrait suffire à expliquer le rôle centrale qu’a tenu la question religieuse durant tout son règne. A cette époque où l’humanisme tend à faire de l’homme « la mesure de toutes choses », l’influence de Dieu sur l’existence de ses fidèles ne semble pourtant pas perdre de son importance. Il apparaît donc légitime de se demander : Quel rôle Dieu a t-il tenu dans le règne de Charles V, « Empereur d’une fin des temps » ?

Nous nous appliquerons premièrement à interroger le rôle de la chrétienté dans l’avènement de l’Empereur, par le biais de son éducation, de l’utopie prophétique, mais aussi de la tradition de la  translatio imperii. Nous poursuivrons notre réflexion en observant comment la religion s’est imposée comme le cœur des agitations qui n’ont cessé de rythmer le règne de Charles Quint, pour enfin interroger  la pertinence de l’idée de « fin des temps ».

        Plusieurs historiens se sont essayés à définir ce qu’était pour Charles Quint l’idéal impérial et  ils ont pour cela procédé à la mise en évidence, des différentes sources de son inspiration, des différentes personnes ayant pu l’influencer. Mercurino Gattinara, par exemple, qui est le chancelier de l’Empire, tient un rôle certains dans la politique exercé par l’Empereur et son attachement pour l’ambitieux projet d’une monarchie universelle. Les maximes de ses grands parents, les rois catholiques : « paix aux chrétiens, guerre aux infidèles », ont, tout aussi certainement, du l’influencer. Il est également défendu par M. Fernandez Alvarez, l’idée que Charles Quint a su se forger seul ses convictions et ambitions, d’autres historiens encore s’en moque relativement et perçoivent surtout Charles comme l’héritier d’un premier rôle dans le long - et complexe - métrage qu’est l’Histoire. Dans tous les cas, il ne fait aucun doute que la chrétienté à tenu, elle aussi, un rôle majeur dans cette histoire.

Commençons par resituer le contexte dans lequel Charles Quint se trouve plongé dès sa venue au monde. Appartenant à la ligné Habsbourg il est, dès sa naissance, archiduc d’Autriche, puis il hérite à l’âge de 6ans, suite à la mort de son père Philippe Ier, du duché de Bourgogne avec ses possessions en Flandres. Dix ans plus tard, son grand père maternel, Ferdinand V,  décède et il hérite des royaumes de Castille, d’Aragon, de Naples et de Sicile. Trois ans plus tard s’y ajoute l’archiduché d’Autriche qui lui vient de son autre grand père, l’Empereur romain germanique, Maximilien Ier. Empire dont il sera élu à son tour l’Empereur en 1530,  après avoir rivalisé avec François Ier et avoir marchandé les voies. Sans oublier les territoires possédés au Mexique et en Amérique du Sud conquis par les espagnols dont il est le roi. Charles V a passé son enfance à la cour des Pays-Bas sous la tutelle de Marguerite d’Autriche et d’Adrein Utrecht, ses parents s’occupant du trône de Castille depuis ses quatre ans, il y apprend à parler couramment français et flamands. Durant sa jeunesse il est influencé par les conseilles de Guillaume de Croy et du seigneur de Chièvres, et s’est Adrien de Floriszoon qui est responsable de son éducation religieuse. Charles est donc avant tout élevé dans les traditions de la cour de Bourgone, et le peu d’Espagnols qu’il est amené à fréquenter sont des ennemis politiques de Ferdinand qui eux mêmes n’ont pas vu l’Espagne depuis plusieurs années.  Part la suite il développe peu à peu sa personnalité propre et apprend de lui même l’Espagnol. Son éducation nourrit sa profonde méfiance vis-à-vis des rois de France qui ne fera que s’amplifier au fil des années. Les complications, effectivement, commencent pour Charles Quint avant même qu’il soit élu par la diète de Francfort Empereur du Saint Empire romain germanique, le 25 juin 1519, et Dieu semble déjà tenir sa part de responsabilité comme nous nous apprêtons à le voir.

Si l’historiographie a longtemps perçu le début du XVIème siècle comme un moment crucial du processus de formation de l’État-nation, reléguant l’universalisme de l’empire à un rôle de survivance médiévale condamnée à une disparition rapide, en réalité, la politique national des états est encore loin d’être institutionnalisée. Des changements sur différents plans s’amorcent effectivement mais les aspirations médiévale persistent ; entres autres l’idéal de croisade mais aussi les croyances prophétiques sont encore très ancrées.  L’habitude de prophétiser, de pronostiquer de grands changements, qu’ils soient d’ordre politiques ou religieux est encore présente dans l’imaginaire collectif au début du XVIème siècle et ces prophéties jouent un rôle diplomatique important. Les attentes eschatologiques ne concernait pas que les gens du peuple mais aussi les hommes politiques et d’autorités religieuses. Le climat de cette époque est nourrit d’angoisses, d’incertitudes mais aussi, et en conséquence, d’un certains nombres d’espoirs. Cette situation est bénéfique à la diffusion de la littérature prophétique traditionnelle, et il était courant que de nombreux pronostics soient imprimés par les astrologues. Les attentes envers le nouvel empereur étaient communes à toutes les couches sociales et ce système de croyance que tous partageaient fut largement exploité comme outil de propagande. Des textes ont en effet étaient diffuser, ils se présentaient comme de véritables pamphlets politiques, ainsi, habilement remaniés et justement ciblés, ils ont permis de persuader leurs lecteurs qu’ils avaient effectivement à faire à la réalisation des desseins de la Providence. On a pu observer, par exemple, la prophétie dite du « second Charlemagne », illustration des attentes millénariste, selon laquelle cette nouvelle incarnation de l’Empereur serait aussi la dernière. Le « dernier empereur » est prétendument celui qui va reconquérir l’Empire de Constantinople, réunir les églises orientales et occidentales, reformer la société et ainsi rétablir une époque de splendeur sur terre. Dans la même idée l’on peut aussi relever la prophétie se trouvant dans l’Apocalypse (17,9) ; prophétie de la « quatrième des sept montagnes sur laquelle la femme est assise », autrement dit, la quatrième des  sept résurrections prophétisées de l’Empire romain qui devrait annoncer le retour de Jésus Christ comme Roi des rois. Il était prêté à ces prophéties une valeur d’exégèse historique là ou l’on considérait l’histoire comme l’évolution linéaire que déterminait la Providence. Des textes comme ceux de Joachim de Flore et Grégoire le Grand ont donc su convaincre du fait que le monde se voyait arriver à un tournant majeure de son histoire. Comme Gattinara, nombreux sont ceux qui ont pu voir en Charles ce prince prédestiné par la providence à réaliser la prophétie évangélique annoncée par Jean : l’unification du Monde sous un seul pasteur. Bien que cela n’induise pas une conception strictement déterministe et fataliste des choses puisque la pensée selon laquelle l’homme est l’artisan de son destin à l’intérieur d’un monde ou s’opposent le bien et le mal demeure elle aussi présente, fidèlement à son époque. Les textes prophétiques ont donc largement servi à accompagner la propagande affichée par la cour et a ainsi permis de justifier la stratégie politique qu’adoptera Charles Quint en Europe par la suite. Dans cette même logique on peut rappeler le pamphlet rédigé peu avant le Sac de Rome par Alfonso de Valdès : pro divocarolo apologia, ainsi que le discours adressé au peuple romain en 1529 la veille du départ de Charles Quint pour l’Italie. Toujours dans cette même logique, après la réconciliation du pape Clément VII avec Charles V, les vers de l’Arioste ont permis la diffusion d’ un enthousiasme certains parmi la population puisque la guerre était fini et de nombreux pronostics avaient perçu l’avènement du nouvel empereur comme un événement salutaire pour toute la chrétienté. L’interprétation de la guerre, en tant que fléau envoyé par Dieu, annonciateur du jugement dernier, s’est donc changé en l’annonciation d’un possible renouveau moral de l’humanité. Ainsi, de la même façon que Dieu avait permis à Auguste de ramener la paix universelle, il semblait, en favorisant son triomphe, conférer à Charles Quint le pouvoir d’instaurer à son tour une nouvelle époque de paix. Un nouvel âge d’or allait succéder à l’âge de fer. Le fait que la diplomatie impériale emploie des arguments millénaristes pour appuyer ses ambitions est donc l’illustration de la première intervention de Dieu, ou plus largement de la religion dans l’avènement de l’Empereur.  De plus ce projet prophétique et eschatologique, bien qu’il puisse paraître intrinsèquement lié aux croyances vieillies du passé médiévale, n’en demeure pas moins inscrit dans les meurs de son époque puisque son objectif est clair : la paix entre chrétiens en Europe, la diffusion de la foi chrétienne et le triomphe de l’ordre et de la paix. Cette situation idéale est souvent imaginée par les chrétiens comme la fin de l’histoire, en effet un souverain prédestiné devait vaincre les infidèles et conquérir la Terre Sainte, ces attentes eschatologiques permettent finalement d’appuyer les objectifs militaires. Ces croyances et cette volonté de diffusion de la chrétienté justifiée, par exemple l’évangélisation du Nouveau Monde qui est entreprise sous Charles Quint malgré ses « bavures ».  L’évangélisation s’est poursuivie dans toute l’Amérique du Sud grâce aux ordres religieux, l’imprimerie fut ainsi introduite au Mexique, et des universités furent fondées à Saint-Domingue, Lima ou encore Mexico. La tradition prophétique n’est pas la seule tradition qui a servi à légitimer le règne de Charles Quint. Celle de la Translatio Imperii a, elle aussi, tenu un rôle considérable dans la justification de la politique entreprise par l’Empereur.

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