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Discours de Charles Quint aux membres de son conseil prononcé en 1528

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Par   •  23 Février 2024  •  Discours  •  3 593 Mots (15 Pages)  •  47 Vues

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Discours de Charles Quint aux membres de son conseil prononcé en 1528

BEDARD Damien 41004320

        « Sire, puisque Dieu vous a conféré cette grâce immense de vous élever par dessus tous les rois et les princes de la Chrétienté à une puissance que jusqu’ici n’a possédé que votre prédécesseur Charlemagne, vous êtes sur la voie de la monarchie universelle, vous allez réunir la Chrétienté sous une seule houlette… » Cette citation tirée d’une lettre de Gattinara (chancelier de Charles Quint à son empereur) est particulièrement intéressante puisqu’elle résume de façon très succincte la certitude, confortée ici par son conseiller, que Charles détient sa légitimité de la grâce divine et qu’il se doit, en sa qualité de représentant de Dieu sur la terre, de réunir sous son pouvoir tous les chrétiens et ainsi prétendre à l’universalité.

        Le document que nous allons étudier est extrait de Cronica del emperador Carlos Quito écrit par Alonso de Santa Cruz vers la moitié du XVIè siècle. Ce fragment de chronique historique consiste ici en une retranscription d’un discours de Charles Quint aux membres de son conseil prononcé en 1528.

        Son auteur est un cosmographe et historien espagnol ayant vécu de 1505 à 1567. Il a pris part à des expéditions vers le Nouveau Monde puis, lors de son retour, s’est consacré à l’étude de l’astrologie et de la cosmographie. Cosmographe à la Casa de Contratación de Séville en 1536, il est rapidement engagé au service de l’empereur. Ses travaux ont été nombreux dans les domaines de la cosmographie, de la cartographie ou encore de l’astronomie. Comme le montre notre document, il s’est aussi attelé à la rédaction de chroniques historiques sur le règne de rois catholiques.

Roi d’Espagne sous le nom de Charles Ier (1516-1556) et empereur germanique (1519-1556), Charles Quint lui est le fils de l’archiduc Philippe le Beau et de Jeanne La Folle. Il était par son père le petit-fils de l’empereur Maximilien Ier de Habsbourg et par sa mère le petit-fils des Rois Catholiques, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille. Il hérita de son milieu des traditions chevaleresques de l’ancienne cour de Bourgogne et bénéficia d’une formation spirituelle selon les idées du mouvement de la « dévotion moderne » dans une foi chrétienne absolue. Par le jeu d’alliances matrimoniales calculées, de décès prématurés et l’impact des Grandes Découvertes, Charles s’est retrouvé jeune à la tête d’un territoire vaste et hétérogène. Maître de la péninsule ibérique et des possessions espagnoles d’outre-mer, de la Sardaigne, de la Sicile, de Naples, des Pays-Bas, de la Flandre, de l’Artois, de l’Alsace, de la Franche-Comté, de l’Autriche et des possessions allemandes des Habsbourgs, son empire est une constellation de royaumes et de principautés.

        Dans ce discours, Charles Quint fait part aux membres de son conseil de son intention de voyager en Italie pour recevoir des mains du pape la couronne impériale. Il annonce ne pas craindre les puissances ennemies qui forment la Sainte-Ligue, décline toute part de responsabilité dans le sac de Rome et ouvre la voie à une réconciliation avec le pape tout en dénonçant la duplicité du roi de France. Pour prévenir les objections et justifier son projet de départ pour l’Italie, il reconnaît des erreurs dans le passé (son absence prolongée hors d’Espagne lors d’une période de troubles notamment), souligne qu’il laisse dans le pays l’impératrice et un héritier et assure disposer de richesses suffisantes pour mener à bien son entreprise. Il justifie que les guerres qu’il a menées en Italie n’ont été qu’à visée défensive, que certains territoires italiens lui appartiennent par héritage. Il explique ensuite que son voyage a d’autres buts que son simple couronnement, qu’il souhaite la réunion d’un concile pour permettre de réformer l’Église et lutter contre le protestantisme, stabiliser et pacifier les territoires d’Italie et visiter les royaumes et états qu’il possède.

        Le discours est donc pour rappel prononcé en 1528. Nous sommes alors en pleine septième guerre d’Italie (1527-1529) qui voit s’affronter les territoires sous domination Habsbourgeoise et les États coalisés de la ligue de Cognac, une alliance comprenant la France, le pape Clément VII, la République de Venise, l’Angleterre, le duché de Milan et Florence. Au printemps 1527, l’armée impériale composée surtout de mercenaires n’ayant pas été payée depuis plusieurs mois devient incontrôlable et met à sac la ville de Rome. Le pape est emprisonné, le rapport de force tend à basculer en faveur de Charles Quint : Clément VII entend alors négocier avec Charles Quint.

        Afin de réaliser une critique historique de ce document, l’enjeu de notre travail sera d’analyser en quoi ce discours témoigne des défis et aspirations de Charles Quint pour mener à bien sa politique impériale. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les aspects de sa politique territoriale qu’il évoque et des rivaux qui menacent l’intégrité de ce qu’il prétend être ces territoires, dans un second temps, nous étudierons les arguments avancés par l’empereur pour obtenir l’approbation de son assemblée quant à son couronnement impérial (justification du sac de Rome et anticipation des objections relatives aux erreurs du passé), enfin dans un dernier temps, nous nous intéresserons aux mobiles qui le pousse à voyager en Italie, au rôle qu’il a l’intention d’y jouer (défenseur de la chrétienté, contrôle et pacification des territoires italiens du nord).

        

        Après l’élection impériale de 1519, le sacre et le couronnement d’Aix-la-Chapelle n’avaient fait de Charles que le roi de Germanie. Lorsqu’il se demande « dois-je me rendre en Italie pour y recevoir la couronne impériale » l.7-8, c’est de sa volonté de se faire sacrer empereur du Saint-Empire romain germanique dont il est question. De par le caractère composite des territoires sur lesquels il gouverne (et dont l’unité ne tient qu’à sa personne), les pouvoirs de Charles Quint doivent être reconnus par des assemblées régulières comme le cortès de Castille (c’est devant ce conseil à priori qu’il a prononcé ce discours), le cortès d’Aragon, le cortès de Barcelone, etc. Le consentement du peuple et des différents conseils sont des caractères importants de l’édifice politique construit par Charles, d’où la nécessité de s’en remettre à ses États comme il l’évoque en ligne 7. Il y a aussi cette idée de revendiquer et conserver à tout prix les territoires qu’il prétend être les siens par droit d’héritage. Les souverains de l’époque se considèrent comme propriétaires du royaume sur lequel ils règnent, la défense et l’augmentation du patrimoine dynastique ont une préoccupation majeure. Heureux bénéficiaire de combinaisons matrimoniales et patrimoniales réalisées depuis trois générations, il se pose en légitime dépositaire de territoires qu’il présente comme des héritages qu’il entend conserver : « si j’ai fait des guerres et levé des troupes, cela n’a été pour prendre le bien de quiconque, mais pour défendre mes propres biens. » l.55-56. À cette notion de patrimoine vient également s’ajouter celle du pouvoir féodal : « J’ai aussi l’intention de me rendre en Italie pour y visiter les royaumes et les États et les vassaux que j’y possède … les princes doivent visiter leurs vassaux » l.72-73, chaque héritage est aussi un fief, les vassaux par foi et hommage se soumettent au seigneur qui leur doit aide et protection. Cependant lorsque plusieurs princes arguent un droit d’héritage sur un même territoire comme c’est le cas entre l’empereur et le roi de France pour le Milanais et Naples, la concurrence débouche sur des conflits qui ne peuvent être réglés que par des rapports de force.

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