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Les Oulémas Musulmans Et L'impérialisme Colonial Français En Méditerranée : Égypte, Afrique Du Nord, Levant (1830-1954)

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Par   •  26 Mars 2014  •  1 639 Mots (7 Pages)  •  1 569 Vues

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Principaux interprètes du dogme et, à ce titre, figures essentielles des sociétés où l’islam est la religion majoritaire, les oulémas musulmans sont des personnages révélateurs de l’impact de l’impérialisme colonial français en Méditerranée, depuis les débuts de la conquête coloniale en Algérie en 1830 jusqu’aux premières contestations armées qui éclatent lors de la Toussaint Rouge en 1954. Dans la variété de leurs fonctions, les oulémas forment un groupe caractérisé par la possession du savoir (‘ilm) religieux au sens large et par l’utilisation de ce savoir pour répondre aux besoins de la société. Il s’agit d’un groupe soudé par une certaine hiérarchie et la transmission des savoirs au cours de leurs études et de leurs voyages, mais aussi divisé par des cadres et des positionnements politiques dont les différences sont exacerbées par l’impérialisme colonial européen.

Il nous faut donc éclairer et expliquer les réactions d’un groupe particulier aux différentes formes prises l’impérialisme colonial français selon les territoires envisagés (Algérie colonial, protectorats marocain et tunisien, mandats du Levant et Égypte sous tutelle britannique) mais aussi selon les époques. Nous nous attacherons à étudier les positionnements variés des oulémas musulmans face aux formes de l’impérialisme colonial français en Méditerranée, et les politiques menées par la France à destination de ces oulémas, au moment du développement de l’impérialisme (du XIXe siècle au début du XXe siècle), puis en situation coloniale des années 1900 aux années 1920, et enfin au cours des mobilisations anticoloniales des années 1930-1950.

Le rôle social des oulémas place le groupe qu’ils constituent au cœur des relations entre les puissances impérialistes européennes et les sociétés méditerranéennes. Nous montrerons dans cette partie qu’ils exercent des activités structurantes pour la société, qu’il s’agisse de l’organisation du culte, les différentes formes de piété, de l’enseignement dans les madrasas et les universités, et de la justice, en particulier lorsqu’il s’agit du statut personnel qui relève – même dans l’Algérie coloniale, avec le statut de l’Indigénat – des tribunaux religieux. Cette place centrale suscita en retour la mise en place de stratégies politiques particulières de la part des administrations coloniales, pour contrôler ce groupe et l’associer aux pouvoir colonial. Mais nous verrons que dès la fin du XIXe siècle, des oulémas musulmans, en particulier les tenants du réformisme, se font les avocats d’une réaction face à l’impérialisme européen, qui passe par une réforme à la fois religieuse et sociale et n’hésite pas à critiquer ceux qui, parmi les oulémas, adoptent une position quiétiste ou s’accommodent de l’influence européenne.

On peut considérer que l’impérialisme colonial français en Méditerranée est « religieux » à différents égards, dans les politiques déployées et les terrains sur lesquels ces politiques sont déployées. Il s’agit d’abord d’une politique d’influence qui rencontre la présence structurante des oulémas. Leur rôle est varié. L’éducation dans les madrasas et les grands universités-mosquées d’Égypte (al-Azhar) et d’Afrique du Nord (la Zaytuna de Tunis et la Qarawiyyin de Fès), dont l’influence rayonne sur l’ensemble du monde musulman, leur est confiée. Ils sont aussi responsables de la pratique de la justice. Même en Algérie coloniale, le code de l’indigénat mis en place au cours des années 1880 réserve aux tribunaux religieux (présidés par les cadis) l’application du statut personnel, faisant des oulémas les gardiens d’un islam préservé, mais aussi les symboles d’une arriération aux yeux de l’administration coloniale. A ce titre, les administrateurs coloniaux adoptent des stratégies de contrôle de la religion par lesquelles les oulémas sont les premiers concernés. En Algérie coloniale, cas le plus abouti de contrôle, la conquête de 1830 entraîne la confiscation rapide des biens habous, inscrits désormais comme propriétés de l’État qui se retrouve par conséquent maître des fondations jusque-là réservées au financement des activités gérées par les oulémas (culte et enseignement dans les mosquées et madrasas, fonctionnement des dispensaires, financement de confréries et du personnel du culte). Ces mesures aboutissent à la fonctionnarisation de fait du personnel cultuel, désormais rémunéré par l’administration coloniale – capable de retirer les traitements aux récalcitrants- et selon un système de hiérarchie et de catégorisation mis en place par l’arrêt ministériel de 1851. Enfin, ces politiques impérialistes n’hésitent pas à recourir à un idéal

civilisateur chrétien, manifeste dans le soutien aux missionnaires et aux écoles des congrégations (comme en Égypte et au Levant), ce qui inquiète évidemment les oulémas.

S’il n’est pas né avec l’impérialisme européen, le réformisme musulman est un mouvement de réforme de la société par la réforme de la religion qui est rendu plus urgent par les progrès de l’impérialisme en Méditerranée. L’adresse que le réformiste égyptien Muhammad ‘Abduh adresse depuis le Liban au shaykh al-islam, en 1887, manifeste la crainte de ces oulémas devant les menaces de l’enseignement européen et en particulier des congrégations (‘Abduh évoque en particulier le Collège Protestant Syrien créé par des missionnaires protestants américains en 1866, l’université Saint-Joseph fondée par les Jésuites en 1875) pour l’éducation des jeunes musulmans ottomans. L’ouléma réformiste

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