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Je Vous Salue Ma France

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Par   •  17 Décembre 2012  •  1 722 Mots (7 Pages)  •  1 017 Vues

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Le Musée Grévin, VII

Louis Aragon (1897-1982) s’est déjà illustré dans les derniers combats de la Grande Guerre, où sa conduite lui a valu d’être décoré. D’abord proche du mouvement Dada, il participe aux débuts du surréalisme (Feu de joie en 1920, Mouvement perpétuel en 1926) au côté d’André Breton, qu’il a rencontré en 1917 mais dont il se séparera après s’être engagé au parti communiste en 1927 – de fait, Aragon n’a jamais conçu le surréalisme que comme un moyen poétique de libération révolutionnaire.

Dès lors, son art procéde d’un dialogue avec la tradition poétique française, entre continuité et renouvellement ou, comme dirait l’Enjolras des Misérables, entre révolution et civilisation. La part très active qu’il prend dans la Résistance, après avoir reçu sur le front, en 1940, la croix de guerre et la médaille militaire, donne tout son sens à cette dialectique. La poésie d’Aragon (Le Crève-Cœur en 1941, Les Yeux d’Elsa en 1942, La Diane française en 1944), à la fois patriotique et révolutionnaire, se place alors ostensiblement dans la lignée du Ronsard des Discours, mais aussi des Châtiments. Comme on voit dans Les Quatre Vents de l’esprit, au livre épique (« La Révolution »), les statues des rois s’animer, Aragon imagine, dans La Diane française, la statue de Victor Hugo qui marche dans les rues en criant : « La France n’est pas morte ! »

C’est le cas du Musée Grévin, long poème qu’il publie à la fin de l’été 1943 sous le pseudonyme François-la-Colère, que son titre affiche comme un conservatoire des gloires françaises et dont les derniers quatrains composent, à partir de l’évocation du passé national, une apothéose et la promesse d’un avenir heureux.

Une évocation de la France

Au sens strict et étymologique, ce poème constitue une é-vocation, c’est-à-dire que le poète appelle et suscite par la parole sous les yeux du lecteur la réalité de son propos, ici l’âme éternelle de la patrie momentanément martyrisée.

La terre : une géographie providentielle

Non seulement le poème prend en charge l’intégrité du territoire national, mais il en fait le signe vivant et éternel de sa vocation humaniste et universaliste : « la géographie » a dessiné la « France de toujours ». Ainsi, sa façade océanique l’a doublement vouée à l’accueil fraternel de l’étranger, parce qu’elle est ouverte « comme une paume » et parce que les « souffles de la mer » ont offert à ce pays « où les vents se calmèrent » une douceur tempérée, à la fois gage et symbole de mesure et d’accueil. C’est de même « au soleil de la diversité » que « les blés et les seigles/ Mûrissent ». Cette diversité des terroirs appelle celle des hommes, celle des expédients, que suggère l’enjambement prolifique des vers 21-22, et celle des ressources morales, dont témoigne le chiasme des vers 17-18 (« à la colombe ou l’aigle »/ « De l’audace et du chant »), ainsi, peut-être, que le choix des rimes croisées. De fait, « De Lille à Roncevaux de Brest au Montcenis », les quatre points choisis pour orienter la France dessinent une croix qui, pour être finalement peu catholique, n’en est pas moins providentielle – in hoc signo uinces.

L’histoire : une geste réunifiée

Dans une concrétion poétique de l’unité nationale qui n’est pas sans rappeler « La Rose et le Réséda » et, plus largement, le parti pris du Crève-cœur, Aragon assume toute l’histoire et toutes les traditions du pays. La citation du Carillon de Vendôme (v. 3[1]) participe de la culture populaire et évoque évidemment une autre occupation et l’épopée libératrice de Jeanne d’Arc ; l’« arc-en-ciel » porté « pour écharpe », auquel l’allégorique « Liberté » paraît apposée, célèbre, au terme prophétique du poème, la Révolution française. La paraphrase de du Bellay[2], et la convocation ambivalente d’une acception désuète, proclament et réalisent en même temps cette volonté : « mon ancienne et nouvelle querelle », lyrisme et épopée, culture savante et culture populaire, passé et avenir. Mais c’est surtout, des cloches à l’Ancien Testament, l’inscription de l’héritage catholique de la France dans le poème, auprès des symboles révolutionnaires (« le déluge » côtoie aux derniers vers le drapeau tricolore) et de l’hommage aux prolétaires (les « travaux » du « peuple » sont des merveilles, miraculeux donc, comme au Mont-Saint-Michel), qui manifeste la volonté du militant communiste de transcender les antagonismes de l’histoire nationale. Le leitmotiv lui-même intègre (en la gauchissant nous l’allons voir) la tradition mérovingienne, régénérée par Louis XIII, d’une France fille aînée de l’Église et consacrée à la Vierge – Aragon semble dire, comme Bonaparte : « De Clovis au Comité de Salut public, je me sens solidaire de tout. »

Louis Aragon en 1945 faisant un discours en hommage aux femmes engagées dans la résistance. © Rue des Archives / AGIP Louis Aragon en 1945 faisant un discours en hommage aux femmes engagées dans la résistance.

© Rue des Archives / AGIP

L’Occupation : le martyre et la promesse

C’est aux prisonniers et aux déportés, dont « Les enfants baiseront [les] mains martyrisées », que s’adresse la dernière section du Musée Grévin. Ils se confondent insensiblement avec la France, elle-même « arrachée aux fantômes

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