LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Commentaire de texte : L’éducation religieuse d’une fidèle par un prêtre cathare à Montaillou, d’après le registre d’inquisition de Jacques Fournier (1318-1325).

Commentaire de texte : Commentaire de texte : L’éducation religieuse d’une fidèle par un prêtre cathare à Montaillou, d’après le registre d’inquisition de Jacques Fournier (1318-1325).. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Décembre 2015  •  Commentaire de texte  •  5 194 Mots (21 Pages)  •  1 557 Vues

Page 1 sur 21

Louis Cailliau

Commentaire de texte : L’éducation religieuse d’une fidèle par un prêtre cathare à Montaillou, d’après le registre d’inquisition de Jacques Fournier (1318-1325).

        Les sociétés médiévales vivent dans un espace et un temps entièrement contrôlé et organisé par l’Eglise. Mais à l’époque où sont reportés les faits que nous allons présenter, l’Eglise catholique connaît des contestations de mouvements mineurs, qualifiés d’hérétiques.

Le document proposé est le témoignage d’une fidèle, extrait d’un registre d’inquisition. Il s’agit donc d’actes sur la pratique, rendus compte dans un ouvrage bien particulier. En effet, les registres d’inquisition sont des registres dans lesquels il est question de s’informer sur les pratiques hérétiques, dans le but de permettre à l’Eglise de les réprimander, faisant suite aux décisions prises lors du Concile de Latran IV, en 1215.

L’auteur de ce registre est Jacques Fournier, évêque de Pamiers entre 1317 et 1325. Issu d’une famille modeste (né d’un père vraisemblablement meunier), il est reçoit un enseignement élémentaire par son oncle, moine cistercien, abbé de Fontfroide et futur cardinal. Après avoir été entraîné dans ce monastère, il suit un enseignement supérieur à Paris, fréquente les universités et devient docteur en théologie. Il devient ensuite abbé de Fontfroide, mais son érudition et sa rigueur le conduisent jusqu’au rang d’évêque de Pamiers en 1317. Son épiscopat est caractérisé par le zèle extrême avec lequel il combat le catharisme : il n’hésite pas à mettre en pratique une des décisions du Concile de Vienne (1312), qui permet alors à l’évêque de se joindre au tribunal d’Inquisition, régime juridique organisé par le pape Grégoire IX ente 1227 et 1235, et prend sa tête, avant de devenir le futur cardinal de Saint-Prisque en 1327 et pape Benoît XII en 1334. De 1318 à 1525, la cour d’Inquisition donne lieu à 578 interrogations, durant lesquelles l’évêque pose des questions sur des points plus ou moins précis. Le document proposé est donc une retranscription d’un de ces interrogatoires.

Le diocèse de Jacques Fournier se situe dans une région où l’influence cathare se fait extrêmement forte. En effet, Pamiers se situe dans le Midi-Pyrénées et l’hérésie cathare est particulièrement bien implantée en Italie et dans le sud-ouest de la France, où elle est même parvenue à mettre en place une sorte de véritable Eglise parallèle, grâce à la tolérance du comte de Toulouse Raymond VI, au début du XIIème siècle, où elle touche particulièrement la petite aristocratie, ainsi que le milieu des marchands et des artisans des bourgs castraux. Mais les tensions font rage entre l’autorité de l’Eglise catholique et les cathares. En effet, depuis le quatrième Concile de Latran (ou Concile de Latran IV) en 1215, la papauté ordonne un renforcement de l’encadrement des chrétiens par les clercs, face à une montée hérétique dangereuse. Les répressions d’abord extrêmement sévères (bûchers, massacres lors de croisades…) finissent par laisser place à des mesures plus modérées (conversion, emprisonnement ou encore excommunication).

        Ce texte s’organise donc autour de plusieurs thèmes, chacun mettant en image le contexte d’hérésie présent dans cette région en ce début de XIVème siècle.  En effet, une présentation de la situation et du prêtre est faite des lignes 1 à 5. Par la suite, les premières preuves d’hérésie sont citées, puisque le recteur conteste les enseignements que la fidèle à reçue par l’Eglise, des lignes 6 à 13, suite à quoi il condamne ouvertement l’Eglise catholique et leur exégèse du Premier Testament, des lignes 14 à 22. Il exemplifie alors les propos qu’il avance à travers trois exempla différents et, enseigne sa propre morale des lignes 23 à 53. Des lignes 54 à 60, la fidèle explique que le prêtre obtient ce qu’il veut et ce, sans faire preuve de la moindre forme de culpabilité. Enfin, des lignes 61 à 71, le recteur commet des actes de profanation et remet en question le sacrement de la confession.

        Nous sommes alors en mesure de nous demander en quoi ce registre permet de rendre compte de l’influence du phénomène hérétique sur les mentalités et les modes de vie paysans de cette époque et de cette région.

         Afin de répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps que ce discours retrace les différentes étapes de la conversion d’une fidèle au catharisme. Suite à cela, nous nous pencherons sur la méthode utilisée par le prêtre pour la conversion de la fidèle chrétienne catholique et nous constaterons ainsi que son style oratoire est efficace, convainquant et méthodique. Enfin, nous étudierons le phénomène de mise en place d’une nouvelle Eglise parallèle et réformatrice.

A travers son discours, cette fidèle retrace donc les évolutions de sa pensée et de ses pratiques au cours de sa conversion au catharisme. Cette partie sera donc principalement axée sur cette femme.

        Sa conversion a dans un premier temps été marquée par un sentiment semblable à de la réticence.

 En effet, les premières preuves de catharisme sont les avances de l’hérésiarque à la  fidèle, mais celle-ci les repousse. « Je voulus aller en carême me confesser à l’église de Montaillou. […] Dès que je me fus agenouillée devant  [Pierre Clergue, le recteur], il m’embrassa, en me disant qu’il n’y avait femme au monde qu’il aimât autant que moi. Dans ma stupéfaction, je partis sans m’être confessée. » (l1-5)

Le temps de l’Eglise est une « structure du quotidien omniprésente », qui domine les usages ordinaires, la liturgie étant l’ensemble des principes établissant le déroulement des actes culturels et la relation au sacré. Le Carême est un des deux temps marquants de l’année liturgique (avec l’Avent), puisque c’est la période qui précède Pâques (fête la plus importante du point de vue religieux puisqu’elle représente la mort et la résurrection du Christ) et dure quarante jours après le Mercredi des Cendres. Cette femme profite donc de cette période pour aller se confesser suite à la mort de son mari. Il faut prendre en compte que le carême est une période durant laquelle les campagnes de prédication des frères mendiants sont très fréquentes. Cette femme comptait sûrement sur ce point pour entendre des paroles saintes, mais elle ne s’attendait en aucun cas à ce genre « d’entrevue » avec le recteur qui devait lui délivrer le sacrement de la réconciliation. En effet, la réforme grégorienne (lancée dès la fin du XIème siècle par le pape Léon IX mais poursuivie par le pape Grégoire VII, qui lui a donné son nom) a réaffirmé l’importance du célibat des prêtres. Le comportement du père Clergue l’a donc « stupéfaite », ce qui a entraîné son départ prématuré avant même d’avoir pu se  confesser. Ce comportement a entraîné de la répulsion de la part de la fidèle envers le recteur. Elle dit même préférer « [se] donner à quatre hommes qu’à un seul prêtre, car [elle] avait entendu dire qu’une femme qui avait été connue charnellement par un prêtre ne pouvait voir la face de Dieu. » (l7-8). C’est la crainte de ne jamais connaître le salut comme elle l’avait entendu lors de sermons des prédicateurs qui la pousse à refuser les demandes du prêtre.

...

Télécharger au format  txt (32.3 Kb)   pdf (330.1 Kb)   docx (21.3 Kb)  
Voir 20 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com