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Texte De Michelet

Dissertation : Texte De Michelet. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Avril 2014  •  573 Mots (3 Pages)  •  784 Vues

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A lire ce qui précède [les démarches de Turenne auprès de Mazarin dans le contexte de la Fronde], on le croirait un Machiavel, un égoïste et hardi courtisan, qui eût calculé que, cadet et pauvre, simple vicomte de Turenne, il arriverait plutôt au commandement général des armées en se donnant pour maître un étranger isolé, méprisé [Mazarin]. Mais ce n’est pas cela. Ses vrais motifs furent autres, tout militaires. Pour les comprendre, il faut connaître les hommes de la guerre de Trente-Ans.

Turenne et sa petite armée était une seule et même personne. [...]

Comprenons bien ce que c’est que Turenne.

Les très bons portraits qu’on en a donnent une tête assez forte, médiocre, bourgeoise, où personne ne devinerait le descendant des Turenne du Midi, ni le frère de M. de Bouillon. C’est un terne visage hollandais (il l’était de mère et d’éducation) qui tournerait au bonasse s’il n’avait la bouche fort arrêtée, réservée, mais très ferme.

Cet homme de si grande résolution était hésitant de paroles, trivial, ennuyeux, filandreux. L’état d’infériorité où il fut longtemps, comme cadet et bas officier dans les armées de la Hollande, resta en lui toute sa vie. Il était fort modeste, fort serré, non avare, mais extrêmement économe. Ses lettres de jeunesse le disent assez. Il y parle et reparle de son habit qui passe. Lui-même il était né râpé.

Son flegme était extraordinaire, et rien, pas même la plus brusque surprise, ne l’en faisait sortir. Tout le monde sait l’anecdote suivante., qui, du reste, lui fait honneur. Il se levait de fort bonne heure. Un matin qu’il prenait l’air à la fenêtre, un de ses gens, accoudé là en bonnet de coton, le prend pour un camarade, et lui applique un énorme soufflet au bas du dos. L’homme se retourne, et c’est Turenne. « Monseigneur, s’écrie le frappeur à genoux, j’ai cru que c’était Georges… -Mais quand même c’eût été Georges, dit Turenne en se frottant, il ne faut pas frapper si fort. »

L’homme était excusable. Et tout le monde croira voir Georges si vous mettez à ses portraits un bonnet de coton.

En ce temps d’emphase espagnole et de héros à la Corneille, la prose apparut dans Turenne. On y vit que la guerre était chose logique, mathématique et de raison, qu’elle ne demandait pas grande chaleur, tout au contraire, un froid bon sens, de la fermeté, de la patience, beaucoup de cet instinct spécial du chasseur et du chien de chasse, parfaitement conciliable avec la médiocrité de caractère.

[Voir les horreurs de cette guerre de Trente-Ans fin chapitre XXV].

Des romanciers ont travesti Turenne en je ne sais quel philanthrope, un Fénelon guerrier. Il n’y a rien de tout cela. La réalité est que la guerre de Trente-Ans, ayant perdu ses fureurs, ses chaleurs, ayant usé cinq ou six générations de généraux, de plus en plus indifférents, sans passions et dégagés d’idées, a fini par produire l’homme technique ou l’art incarné, lumière, glace et calcul. Nulle émotion ne reste plus. C’est la guerre quasi pacifique, mais non moins meurtrière.

Un froid mortel saisit ; une Sibérie à geler le mercure. On voyage dans la nuit des pôles,

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