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Explication Du Chapitre VIII De La 2° Partie: « Comment Les Américains Combattent L'individualisme Par La Doctrine De L'intérêt Bien Entendu »

Mémoire : Explication Du Chapitre VIII De La 2° Partie: « Comment Les Américains Combattent L'individualisme Par La Doctrine De L'intérêt Bien Entendu ». Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Avril 2013  •  1 945 Mots (8 Pages)  •  1 327 Vues

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La naissance de la doctrine de l’intérêt bien entendu

Le premier paragraphe évoque la morale aristocratique : une certaine conception du bien et de la vertu, liée à un certain type de société. C’est la doctrine morale dominante, qui, pourrait-on dire, correspond à l’idéologie de la classe sociale dominante : « la doctrine officielle de ce temps » est celle du « petits nombre d’individus puissants et riches » (§1).

Le devoir moral est entendu comme sacrifice, acte désintéressé, oubli de soi. C’est une morale de la gloire, si la gloire naît de l’oubli de ses intérêts vitaux. Est « glorieux » celui qui sait mettre sa vie en danger, et oublier ainsi son intérêt dans l’effectuation de son devoir. La gloire n’est que secondairement le renom qui accompagne les actions méritantes ; elle est d’abord l’éclat de ces actions mêmes. Ce ne sont pas les autres qui glorifient le héros, mais ses actions. L’oubli de soi est une forme du dépassement de soi, où l’ego se transcende en négligeant ses intérêts. On pourrait dire que la gloire est une affirmation non égoïste de soi. Car la gloire est indissociablement notion morale et religieuse. La gloire de Dieu désigne la splendeur de ses manifestations ; la gloire éternelle, c’est la béatitude des élus ; les glorieux participent de la gloire céleste. L’oubli de soi glorifie le héros en le rapprochant de Dieu. Dieu n’a pas d’ego ; oublier son ego, c’est donc agir divinement et être conduit dans la ville de gloire. Manifester Dieu dans des actes désintéressés, c’est en quelque sorte participer à la gloire de Dieu. Le devoir est bien ici une idée « sublime » : le dépassement de soi, et l’élévation jusqu’à Dieu. Cette morale du sacrifice consiste, dans une société aristocratique, à songer au corps avant de songer à soi.

Le second paragraphe retrace la naissance d’une nouvelle morale : la doctrine de l’intérêt bien entendu, lorsque la société devient démocratique. La morale démocratique est donc aussi une morale sociale. La démocratie a besoin de cette morale pour contrer les effets néfastes de l’individualisme, qui, dans sa tendance à l’égoïsme, menace la société de désagrégation (voir le chapitre II de la 2° partie). Cette morale est nécessaire à la survie de la société. On se rappelle en effet que la société démocratique, par l’égalisation des conditions, se caractérise par l’absence de tout système organique de corps, et sécrète ainsi un individualisme inquiétant, car portant les germes du despotisme, et, dans une certaine mesure aussi, d’un état de nature. La doctrine morale de la démocratie est là pour faire obstacle à la menace permanente d’un état de nature. Cette morale est plus adaptée à la nature de l’homme que la morale aristocratique, car, on le verra, elle travaille cette nature égoïste, elle l’exploite. Voilà pourquoi la morale aristocratique est davantage un discours idéologique que le moteur d’actions effectives : les hommes des sociétés aristocratiques sont moins vertueux qu’ils ne parlent de vertu. En effet, la morale de la gloire est tellement divine qu’elle en devient humainement impraticable ; d’autre part, cette morale est élitiste : elle est réservée aux « puissants » (§1), c’est-à-dire aux élus, tant par la naissance que par Dieu ; enfin, le puissant n’en est pas moins un homme, dont la nature est fondamentalement égoïste (voir le chapitre II) : la vertu est donc rare, elle est le privilège du héros. On pourrait en fait considérer la gloire ou dépassement de soi comme une expression en réalité triomphante de l’égoïsme –il suffit de songer à la gloire du héros cornélien. D’ailleurs, le discours sur la vertu s’oppose aux actes, comme la beauté à l’utile : les « beautés de la vertu » se rapportent à son caractère désintéressé, s’il est vrai que la beauté est inutile ; l’utilité de la vertu désigne les ressorts cachés et profondément intéressée de l’action vertueuse, ressorts analysés par tous les moralistes du 17s.

Avec l’émergence d’une société démocratique, l’égalité des conditions s’installe, et une morale d’élection ou morale héroïque de la gloire n’est plus envisageable. En même temps, l’apparition de l’individualisme rend impossible une morale de l’oubli de soi (« les moralistes s’effrayent à cette idée de sacrifice », §2). Il faut donc élaborer une morale compatible avec l’individualisme, une morale proprement démocratique, sans quoi la société court à sa perte. Il s’agit d’une morale de l’intérêt : une morale qui démontre qu’il est dans l’intérêt de l’individu de s’intéresser aux autres, à la collectivité, ou encore, que l’intérêt général est toujours aussi l’intérêt de chacun. Certes Tocqueville ne cite jamais les utilitaristes anglais, ni même Helvétius, il n’en est pas moins légitime de qualifier d’utilitariste la doctrine de l’intérêt bien entendu. Car il ne s’agit plus d’opposer l’intérêt général à l’intérêt privé, comme si la considération de celui-là devait passer par le sacrifice de celui-ci, ou comme si la considération de celui-ci devait conduire à l’indifférence à l’égard de celui-là. Une morale utilitariste comprend que dans « intérêt général », il y a bien « intérêt », et que l’intérêt est toujours aussi ce qui est utile à l’individu.

La présence de cette doctrine en Amérique (§§3-11)

Cette doctrine n’est pas proprement américaine, mais c’est en Amérique qu’elle est devenue « populaire ».

La doctrine de l’intérêt bien entendu n’est pas une invention de la société américaine. Tocqueville cite Montaigne en précurseur (Essais, livre II, chap.XVI : « De la gloire »). Dans ce passage des Essais, Montaigne cite Quintilien (Institution oratoire, I, 12) : « La Providence a fait aux hommes cette faveur que les choses honnêtes apportent plus de profit ». On pourrait songer aussi au chapitre I du livre III : « De l’utile et de l’honneste ». Mais on pourrait avant tout évoquer La Rochefoucauld, qui analyse les motivations intéressés des actions vertueuses : l’honnêteté ne pousse à l’action que parce qu’elle s’avère utilité. Pascal, quand il évoque les hommes comme membres du Christ qui est corps, écrit :

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