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Organisation politique des touaregs

Dissertation : Organisation politique des touaregs. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Octobre 2021  •  Dissertation  •  6 383 Mots (26 Pages)  •  419 Vues

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DEORA Antonin        Etats et Gouvernements en Afrique

2A Sciences Po Bordeaux         Paper de fin de semestre (11.01.2021)

« Les Touaregs ont toujours eu à composer avec des politiques qui les dépassaient, dans des géostratégies africaines et mondiales aux acteurs multiples et aux intérêts divergents ». Pierre Boiley, chercheur et historien français, spécialiste du Sahara et des Touaregs résume la situation de ce peuple en ces mots.

Les Kel Tamajeq  (« ceux qui portent le voile ») sont un peuple nomade d’origine berbère, habitant dans le désert du Sahara. Ils sont appelés les Touaregs mais n’utilisent pas ce terme pour se définir. Leurs activités se concentrent autour du commerce transsaharien, à travers des caravanes. Ils portent des habits traditionnels, adaptés aux conditions climatiques du Sahara, habits dont ils tirent le surnom « d’hommes bleus ». Depuis que littérature s’intéresse aux Touaregs, il existe un stéréotype construit autour de ces derniers. Ils sont peints en braves guerriers traversant le Sahara à dos de chameau. Cette image n’a que peu changé mais elle date d’un autre temps, où les Touaregs étaient encore maitres de leurs lieux de vie. La littérature et la recherche scientifique autour de ce peuple s’est largement développée avec la colonisation puis dans un second temps avec les indépendances. Etudier un tel peuple avec des outils scientifique moderne est délicat. En effet les idéaltypes ou autres modèles ne s’adaptent pas à un tel peuple. C’est une structure précoloniale qui n’a rien à voir avec les états modernes. Aujourd’hui les Touaregs se répartissent entre 5 pays différents dans lesquels ils sont minoritaires. Les rapports de force ont changé mais pas l’essence de la société qui se heurte au modernisme des états-nations. Les Touaregs ont été forts et puissants mais ils ne le sont plus aujourd’hui. Ce glorieux passé est d’ailleurs un pilier unificateur chez les Kel Tamajeq. Bien qu’aujourd’hui séparés, ils s’identifient tous à ce peuple unifié et puissant. L’écroulement de leurs sociétés est associé aux politiques géostratégiques concernant le Sahara. En effet ce désert recouvrant une bonne partie de l’Afrique est convoité par les puissances coloniales dans le « rambling for Africa ». De plus le Sahara regorge de ressources (pétrole, or) ce qui attire encore plus les pays à la recherche de richesses. Ainsi la constance dans l’histoire des Touaregs est qu’ils évoluent dans un espace qui ne leurs est pas associé aux yeux des puissances étrangères. La plupart des plans (de partage ou d’organisation territoriale) concernant le Sahara ont été réalisé sans se préoccuper des Touaregs. Cette négation de la souveraineté touarègue puis de la colonisation des peuples et enfin de la violation du droit fondamental d’un peuple à disposer de lui-même auront pour conséquence un peuple en conflit permanent avec les autres groupes. Les dernières années ont connu de multiples rébellions touarègues. Aujourd’hui certains groupes Touaregs s’allient avec des groupes salafistes et usent de méthodes terroristes pour revendiquer une autonomie.

Ici, il s’agit de dresser un portrait sociétal et historique des Touaregs tout en se demandant comment analyser une structure précoloniale en comparaison avec les états modernes occidentaux. Comment les Touaregs souffrent-ils face à la modernité autant en tant que société qu’en tant qu’objet de recherche ?

La première partie concerne la période précoloniale et aux premières tentatives d’analyser et de connaître l’essence des sociétés touarègues. Puis la seconde partie aura pour thème la conquête coloniale à travers une certaine « mission civilisatrice » qui provoquera le début de la destruction du tissu touarègue. Enfin la dernière partie abordera la période postcoloniale et les processus d’indépendances de nouveaux états africains qui divisera profondément et durablement les Touaregs.

Le peuple Touareg ne possède pas son propre pays. Ainsi, appréhender le peuple touareg revient également à étudier l’espace géographique dans lequel il évolue, c’est-à-dire le Sahara. Bien qu’il existe des traces des Touaregs datant de la préhistoire, Il existe peu d’écrits scientifiques français avant le XIXe siècle. Cette période coïncide avec l’exploration de l’Afrique par les puissances européennes, voyant alors le continent comme des opportunités d’agrandir leurs empires.

En 1860, un explorateur, Henri Duveyrier voyage chez les Touaregs pendant plusieurs années. Il s’intègre dans la communauté et prend de nombreuses notes sur ce peuple. Il rédige les Touaregs du Nord¸ devenue depuis une référence incontournable pour quiconque prévoit d’étudier les Touaregs. Cette œuvre majeure a participé à créer le stéréotype touareg, produit d’un marketing colonial. Duveyrier les considère comme « des chevaliers modernes, avec leur bouclier et leur épée, noblement montés sur leurs dromadaires » (Casajus, Henri Duveyrier chez les Touaregs, 2003). Il y a une représentation positive et valorisée de ce peuple en France, en tout cas tant que les intérêts des Touaregs n’ont pas heurtés ceux de la puissance coloniale française. Ce sont des grands et farouches combattants qui vivent dans le Sahara, des nomades qui se déplacent à dos de chameaux et qui vivent du commerce transsaharien. Dans les Touaregs du nord, Duveyrier peint le portrait des Touaregs, à la manière d’un ethnographe. Ils sont braves, fidèles, patients, résignés, aimant et haineux de la dépendance. Les valeurs de la famille sont primordiales et le mensonge et le vol sont inexistants. C’est un portrait généralisateur. L’auteur rapporte un certain exotisme de cette population. Duveyrier voit des similitudes avec les européens « en plein désert, une civilisation qui a tant d’analogies avec l’Europe chrétienne du Moyen Âge » (Duveyrier, Les Touaregs du Nord, 1864). Des relations cordiales sont instaurées entre certains chefs touaregs et les français, notamment avec ’accord du 8 novembre 1862 qui instaure « amitié et échange mutuel de bons offices entre les autorités françaises et indigènes de l’Algérie, ou leurs représentants, et les chefs des différentes fractions de la nation touarègue ».

Les ancêtres des Touaregs sont berbères. Les peuples Touaregs sont multiples, ils vivent en confédération. Ils se regroupent autour d’une conscience historique d’un peuple uni sous la reine fondatrice, Tin Hinan. L’ancêtre commun et le principe lignager sont les piliers (Claudot-Hawad, Des États-Nations contre un peuple : le cas des Touaregs., 1987). Ils sont organisés en « tribus » autonomes qui ont des liens souples les unes envers les autres. Ils considèrent que leur désunion actuelle sont dues aux arrivées des missionnaires musulmans et plus tard à celle du colonisateur français. Hélène Claudot-Hawad, spécialiste française des sociétés touarègue associe leur organisation à une « anarchie nomade », sans organisation centrale ni « unité organisée et qui sont parfois rivaux ». Elle parle de « sociétés touarègues au pluriel » (Claudot-Hawad, Le politique chez les touaregs : un ordre absent, insoupçonné ou occulté ?, 1993) où le pouvoir serait dispersé. Au sein de ces « tribus touarègues », on retrouve à première vue un mode d’organisation traditionnel. L’entité première est celle de la famille nucléaire autour d’ordres patriarcal (dans les domaines militaires) et matriarcal (dans les domaines sociétaux). La femme est l’éminence grise, elle est paire de l’homme. La société touarègue est représentée par la métaphore d’une « tente dont les divers éléments, indissociables, garantissent la solidité de la charpente » ou encore « han ikarassan as nieraw tigetawin d senat wer akaras as iyet » (“la tente qui se bâtit avec douze piquets ne se bâtit pas avec un seul”) (Claudot-Hawad, La coutume absente ou les métamorphoses contemporaines du politique chez les Touaregs, 1993). Ces sociétés sont autonomes, appelées autrement « ettebelan », ce qui signifie tambour, symbole du pouvoir dans ces sociétés. Elles sont organisées en groupes hiérarchisés (chefs, militaires, esclaves, etc.). Il existe des chefs de confédérations qui ont un rôle d’arbitre, ils tranchent en cas de désaccord mais n’ont en aucun cas un rôle décisionnel.

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