Analyse de l'arrêt du 16 juin 2022
Commentaire d'arrêt : Analyse de l'arrêt du 16 juin 2022. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Vīeel Viteel • 18 Mai 2025 • Commentaire d'arrêt • 2 147 Mots (9 Pages) • 16 Vues
16 juin 2022
Introduction
Accroche : L’arrêt de cassation du 16 juin 2022 est relatif à l’exigence de la garde comme condition essentielle de la responsabilité du fait des choses, lorsqu’une présomption pèse sur l’occupant des lieux.
Faits : En l’espèce, une bougie allumée a causé un préjudice significatif à Mme [X], dont les vêtements ont pris feu au domicile de Mme [E], entraînant des brûlures graves. Mme [X] a assigné Mme [E] et son assureur, la société Avanssur, pour réparation. Aucun élément n’a prouvé que Mme [E] possédait, avait disposé ou allumé la bougie.
Procédure : La cour d’appel de Montpellier (9 décembre 2020) a retenu la responsabilité de plein droit de Mme [E] comme gardienne de la bougie, elle condamne n solidum Mme [E] et son assureur à verser 15 000 euros à Mme [X], la considérant comme gardienne en tant qu’occupante des lieux. Mme [E] forme un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel de l’avoir condamnée sans prouver qu’elle avait le contrôle effectif de la bougie, estimant que la présomption de garde a été mal appliquée. La Cour de cassation a cassé l’arrêt pour défaut de base légale, relevant que la cour d’appel n’a pas vérifié si Mme [E] exerçait un contrôle effectif sur la bougie, malgré l’absence de preuve qu’elle l’avait placée ou allumée. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Intérêt : L'arrêt souligne l'importance de la garde dans la responsabilité objective (art. 1242), rappelle le rôle de contrôle de la Cour de cassation, met en lumière la tension entre protection des invités et responsabilité des hôtes, et insiste sur la nécessité de prudence face aux objets du quotidien, comme une bougie allumée.
Problématique : L’occupation d’un lieu où s’est produit un dommage permet-elle, à elle seule, de qualifier son occupant de gardien de la chose ?
Annonce du plan : La Cour de cassation rappelle d’abord l’importance de la garde comme condition essentielle de la responsabilité objective sous l’article 1242, alinéa 1er, une exigence négligée par la cour d’appel de Montpellier (I), avant que le renvoi devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’invite à réexaminer les implications de cette garde et les autres conditions de la responsabilité (II)
I– La garde, condition essentielle négligée par la cour d’appel sous l’article 1242
A. La responsabilité objective, un principe rigoureusement rappelé
Dans son raisonnement, la cour de cassation commence par rappeler le principe
fondamentale de l’article 1242 du code civil : « On est responsable du dommage causé par les choses que l’on a sous sa garde ». Dégagé par l'arrêt Teffaine du 16 juin 1896, qui a posé les bases de la responsabilité objective pour les accidents industriels, ce principe a été consacré par l'arrêt Jand'heur du 13 février 1930, qui a étendu ce régime à toutes les choses, établissant une responsabilité sans faute. Ce mécanisme, conçu pour protéger les victimes, engage une personne pour le dommage causé par une chose, sans nécessiter la preuve d'une faute, mais repose sur une logique stricte : il suffit que la chose soit l’instrument du dommage pour que la responsabilité soit engagée, à condition que plusieurs critères soient réunis. Parmi ces conditions, outre la reconnaissance d’un gardien et d’un fait actif de la chose qui sera développé ultérieurement, il y a l'existence d'une chose, la responsabilité s'applique à une "chose" au sens large, qu'elle soit mobilière (ex. : une bougie, une voiture) ou immobilière (ex. : un immeuble, un arbre), corporelle ou incorporelle. Dans l'arrêt du 16 juin 2022, la chose en cause est une bougie allumée, clairement identifiée comme l'instrument du dommage. Un dommage certain, le dommage doit être certain, direct et personnel, qu'il soit corporel (ex. : blessure), matériel (ex. : destruction d'un bien) ou moral (ex. : souffrance psychologique). La victime doit prouver qu'elle a subi un préjudice réel. En l’espèce, le dommage est évident : la victime a subi des brûlures graves, un préjudice corporel certain. La jurisprudence exige que le dommage soit actuel et non hypothétique. Enfin il doit exister un lien de causalité direct entre la chose et le dommage autrement dit un rôle causal. La chose doit être l'instrument ou la cause du préjudice subi qu’il soit corporel, matériel ou moral. La victime doit démontrer que le dommage résulte de l'intervention de la chose. Dans l'arrêt de 2022, ce lien est établi : la bougie, en contact avec les vêtements de Mme [X], a provoqué ses brûlures.
Ce cadre juridique, bien que protecteur, exige une application rigoureuse, comme le souligne la Cour de cassation dans cet arrêt de 2022, où elle censure la cour d'appel de Montpellier pour avoir négligé une condition essentielle, à savoir l'identification du gardien, malgré un rôle causal établi. Cet arrêt illustre ainsi l'exigence de vérifier chaque condition avec précision, la Cour s'appuie sur l'article 1242, alinéa 1er, pour rappeler qu'on est responsable des choses que l'on a sous sa garde, mais seulement si toutes les conditions sont correctement analysées.
B– La garde, toujours une condition essentielle de la responsabilité objective
La responsabilité du fait des choses, engage le propriétaire d’une chose dès lors qu’elle est l’instrument du dommage, à condition qu’il en ait la garde effective. Cette condition de garde, au cœur de cet arrêt, se manifeste à travers plusieurs dimensions essentielles. *Tout d’abord, la garde se définit comme un pouvoir juridique de contrôle sur la chose, impliquant l’usage, la direction et le contrôle effectif de celle-ci. Depuis l’arrêt Franck de la Cour de cassation du 2 décembre 1941, la garde n’est pas nécessairement liée à la propriété juridique, mais repose sur une autonomie dans la maîtrise de la chose. Ainsi, le gardien est celui qui décide de l’utilisation de la chose, de son emplacement ou de son fonctionnement – par exemple, une personne qui place une bougie allumée dans une pièce exerce un pouvoir de direction sur cette chose, et peut être distincte de l’occupant ou du propriétaire des lieux où la bougie a été allumée, ce dernier n’étant pas nécessairement le gardien pour autant.
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