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Le post-humanisme

Fiche : Le post-humanisme. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Avril 2021  •  Fiche  •  3 511 Mots (15 Pages)  •  456 Vues

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LE POST-HUMANISME (JUILLET 2013)

De Platon à Kant, la philosophie occidentale s'est pensée dans, par et pour l'humanisme. Le seul représentant majeur de la philosophie à s'inscrire dans une perspective qui n'était pas humaniste fut un penseur atypique, Nietzsche. S'appuyant sur le structuralisme mais aussi, précisément, sur sa lecture de Nietzsche, Michel Foucault a formulé progressivement, à partir du milieu des années 1950, l'hypothèse d'une pensée détachée de l'humanisme, cette « parenthèse » qui s'effacerait « de l'histoire humaine comme un visage de sable sur la grève ». Dans Les mots et les choses (1966), il diagnostiquait la fin de l'homme comme objet privilégié de pensée.

Le terme de post-humanisme, qui n'est pas explicitement présent dans l'œuvre de Foucault a resurgi à l'aube de la décennie passée, à la faveur d'un texte remarqué du philosophe allemand Peter Sloterdijk (1947) dans l'hebdomadaire Die Zeit, rédigé à l'occasion d'une intervention dans un colloque sur Heidegger tenu en juillet 1999.

Cette contribution, éloquemment titrée « Règles pour le parc humain » (pour mémoire, le parc humain est un concept forgé par Platon dans son dialogue Le Politique) se présente comme une réponse à la Lettre sur l'humanisme adressée par Heidegger à l'automne 1946 au philosophe français Jean Beaufret.

Dans Règles pour le parc humain, Peter Sloterdijk aborde le pouvoir autonome de redéfinition que le progrès technique et technologique en général et l'avancée accélérée des biotechnologies et des techniques d'intervention génétiques en particulier confère désormais à l'espèce humaine.

Il s'agit donc d'un essai sur le « plus grand impensé face auquel l'humanisme a détourné les yeux depuis l'Antiquité » : « la domestication de l'être humain ». Dans une logique heideggerienne d'opposition entre humanisme et développement technique, Peter Sloterdijk s'interroge sur le point de savoir « s'il existe un espoir de juguler les tendances actuelles de l'être humain à retourner à l'état sauvage ». Peter Sloterdijk montre, dans cette perspective, le rôle des humanités, de la lecture (plus précisément de « la bonne lecture »), du langage. Cette réflexion prend tout son sens à l'heure où les enseignements littéraires et la sélection sur ceux-ci se voient une nouvelle fois remis en cause. L' investigation du penseur allemand réinterroge à la fois Nietzsche, qui pointe sur « le combat entre les éleveurs du petit homme et les éleveurs du grand homme » et le Socrate du Politique qui indique que « la mission (du maître de l'art pastoral royal) ne serait autre que de planifier des qualités pour une élite qu'il faudrait spécialement élever au nom de la globalité ».

Si elle n'est pas entièrement nouvelle, la notion de post-humanisme a cependant irréductiblement partie liée au développement des sciences du vivant. Elle y puise un élan nouveau et une dimension sans précédent. Présenté par certains comme l'humanisme du XXIe siècle, le post-humanisme s'approche en effet de l'humanisme classique de la Renaissance lorsqu'il intègre en une nouvelle synthèse les toutes dernières avancées du savoir scientifique, principalement l'informatique et les biotechnologies.

1. De l'ambition prométhéenne à la posthumanité

1.1. Les racines humanistes de l'ambition prométhéenne

Dans un ouvrage publié en 2003, Humain posthumain, la technique et la vie, Dominique Lecourt dessine la généalogie du post-humanisme. Pour se faire, il esquisse une histoire intellectuelle des techniques et des technologies. Il note ainsi que le niveau scientifique ne suffit pas à expliquer le développement technologique. Le monde arabo-ottoman au Moyen Âge, la Chine jusqu'au XVIIe siècle détenaient sur l'Europe une avance incontestable, mais n'ont pas pour autant déployé de « projet technologique ».

Ce qui permet de passer des techniques au développement technologique continu n'est donc pas au premier chef le niveau scientifique, mais l'ambition prométhéenne, le désir d'agir sur le réel, la capacité de rêver le monde matériel, la force de projection de son humanité dans l'environnement. En un mot, le développement technologique puise sa source dans le renversement de la cosmogonie : il devient possible lorsqu'on passe d'une représentation de l'homme perdu dans une nature dominée par la transcendance à un homme au centre de son environnement.

L'explication du décollage technologique de l'Occident est donc à rechercher dans son « humano-centrisme » qui résulte de la double révolution des XVe et XVIe siècles : l'humanisme et la réforme religieuse.

L'humanisme toscan puise dans la redécouverte de l'héritage de l'antiquité la force d'émancipation du désir de savoir de la tutelle religieuse. En matière de savoir, l'homme devient sa propre mesure. Pic de la Mirandole (1463-1494), dans son oratio De hominis dignitate (1486) fonde la « dignité humaine » sur la soif de savoir, la capacité à se projeter dans le futur et de se réinventer sans cesse.

L'incipit du discours est à cet égard explicite :

« Je t'ai placé au milieu du monde afin que tu puisses plus facilement promener tes regards autour de toi et mieux voir ce qu'il renferme. En faisant de toi un être qui n'est ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, j'ai voulu te donner le pouvoir de te former et de te vaincre toi-même ; tu peux descendre jusqu'au niveau de la bête et tu peux t'élever jusqu'à devenir un être divin. En venant au monde, les animaux ont reçu tout ce qu'il leur faut, et les esprits d'un ordre supérieur sont dès le principe, ou du moins bientôt après leur formation, ce qu'ils doivent être et rester dans l'éternité. Toi seul tu peux grandir et te développer comme tu le veux, tu as en toi les germes de la vie sous toutes ses formes »

Au XVIe siècle, la réforme luthérienne (plutôt que calviniste) poursuit cette logique d'émancipation : elle décentre les perspectives immémoriales et place l'homme au centre du monde.

Un siècle plus tard, Descartes (1596-1650) pose les bases du « projet technologique » occidental. Dans le Discours de la méthode (1637), il assigne à l'homme le projet de « se rendre comme maître et possesseur de la nature » :

« Car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ».

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