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Privatisation Et Publicisation

Dissertation : Privatisation Et Publicisation. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Novembre 2014  •  2 323 Mots (10 Pages)  •  1 079 Vues

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Poser le sujet de la constitutionnalisation du Droit privé ou de la privatisation du Droit constitutionnel pourrait déranger chacun des spécialistes de chaque branche du Droit : droit public et droit privé. Le professeur Noël Gbaguidi (1) se préoccupe, d’entrée de jeu, de la pertinence à opposer l’ensemble du Droit privé à un seul élément du Droit public, le Droit constitutionnel. On ne saurait justifier un tel libellé du sujet sans tenir compte de l’actualité de la question. En effet, ce thème présente un vif intérêt pour les Etats africains en proie à l’évolution de leur système et de leur pratique juridiques et, à la construction du Droit africain. De plus en plus, le Droit constitutionnel se métamorphose à travers l’extension des règles constitutionnelles vers le Droit privé et/ou l’utilisation des règles de Droit privé par le juge constitutionnel. L’émergence des droits mixtes mais surtout la pluridisciplinarité qui caractérise désormais le raisonnement juridique met aujourd’hui en crise la distinction entre Droit privé et Droit public (Noël Gbaguidi). Par ailleurs, l’influence du droit international des droits humains dont les normes sont de plus en plus mobilisées par le Droit constitutionnel et la tendance du juge constitutionnel à utiliser les règles du Droit privé conduisent à relever un rapprochement ou une interaction accentuée entre le Droit constitutionnel et le Droit privé. Cela pourrait bien laisser croire que les outils traditionnels du Droit constitutionnel ne conviennent plus à eux seuls pour régir les réalités sociales d’aujourd’hui. Ainsi se justifie l’opportunité à mener la réflexion sur la privatisation du Droit constitutionnel et/ou la constitutionnalisation du Droit privé, et à interroger l’histoire du Droit dans la relation ambivalente entre Droit privé et Droit public.

La privatisation du Droit constitutionnel a fait l’objet d’un temps de réflexion entre le professeur Joseph Djogbénou et son collègue Ibrahim Salami. Dans une formule imagée, le privatiste, J. Djogbénou (2), affirme que les murs de la division entre le Droit privé et le Droit public sont bâtis dans du sable mouvant, ce qui rend mobiles les frontières entre les deux branche du Droit. La définition du doyen Vedel qui fait du Droit constitutionnel, « la branche fondamentale du Droit public » se trouve désormais ébranlée car la privatisation du Droit constitutionnel induit un glissement, une occupation voire une colonisation du Droit constitutionnel par le Droit privé. Cette mutation s’illustre bien par l’actualité en Afrique où le Droit constitutionnel est devenu « le Droit des crises politiques », « le Droit de consécration des rapports de force », « l’outil de règlement des difficultés », etc. Ce phénomène d’incursion ou d’emprise progressive du Droit privé sur le droit constitutionnel se traduit par une double manifestation : la migration de la signification du Droit constitutionnel et celle de la substance même de ce droit.

La migration de la signification du Droit constitutionnel s’entend, en effet, de la privatisation de son sens. Il s’agit essentiellement de l’évolution sémantique et des emprunts phénoménologiques du Droit constitutionnel. L’évolution sémantique du Droit constitutionnel rend bien compte de la migration du sens de ce droit. En effet, le Droit constitutionnel notamment sa pratique c’est-à-dire le procès constitutionnel ne concerne plus uniquement les intérêts collectifs ou publics ; il s’implique désormais dans les litiges concernant les particuliers et portant sur les matières telles que la fiscalité, les droits économiques, etc. Il s’intéresse donc aux problèmes individuels et, de ce fait, s’individualise et se privatise : le domaine public devient individuel. Dès lors, le Droit constitutionnel devient l’une des branches fondamentales du droit publicisé. Concernant les emprunts phénoménologiques, on remarque aisément qu’aujourd’hui, le Droit constitutionnel emprunte au Droit privé un certain nombre de notions comme la méthode contractuelle dans les accords, les feuilles de route, des éléments comme l’abus de droit, la réparation, la propriété, la liberté, etc. Aussi, la juridictionnalisation du Droit constitutionnel requiert-elle un normatisme juridique qui impose l’effectivité du procès et, par là-même, le respect des droits de la défense. Il ne serait pas superflu d’ajouter la justiciabilité de la justice constitutionnelle qui implique que les décisions du juge constitutionnel ne soient plus insusceptibles de recours. Tel a été le cas d’une décision de la Cour constitutionnelle de Lomé (Togo) déférée devant la Cour de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

La migration de la substance du Droit constitutionnel s’entend de la privatisation de l’essence de ce droit. Il faut ici considérer la mutation ontologique du Droit constitutionnel dont résulte la transfiguration idéologique de ce droit. La mutation ontologique se traduit par la place de plus en plus importante désormais accordée à l’individu par le Droit constitutionnel au détriment de la publicisation de l’Etat. On assiste ainsi à une métamorphose de l’Etat, ce qui effrite considérablement sa souveraineté. Quant à la transfiguration idéologique, elle résulte de la mutation ontologique et annonce le déclin du service public et par là même celui de la Puissance publique. Le professeur privatiste J. Djogbénou en conclut que le Droit constitutionnel n’est plus en tant que tel constitutionnel. Mais cette position est nuancée par d’autres points de vue notamment publicistes.

En effet, le professeur Ibrahim Salami (3) se demande bien s’il faut refondre le profil du juriste : sommes-nous des juristes sans frontières ? Le droit est-il sans frontières ? Qu’adviendrait-il d’un certain mélange des genres en droit ? Il reconnaît ensuite que le Droit constitutionnel, initialement considéré par Hauriou comme un droit politique, est aujourd’hui un système normatif qui assure la protection des droits et libertés. Il montre alors, sous l’angle publiciste, les circonstances dans lesquelles le Droit constitutionnel devient un droit de particulier à particulier et comment le Droit privé envahit le domaine constitutionnel. La privatisation du Droit constitutionnel revient donc à affirmer la privatisation du procès constitutionnel et celle des principes constitutionnels.

La privatisation du procès constitutionnel se fait par la question préjudicielle : c’est ce qu’a prévu le législateur béninois à l’article 164 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes (4). On convient que la question préjudicielle est un

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