Petits Poèmes En Prose
Commentaires Composés : Petits Poèmes En Prose. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar Fusag • 26 Janvier 2013 • 299 Mots (2 Pages) • 728 Vues
LE SPLEEN DE PARIS
CHARLES BAUDELAIRE
LE SPLEEN DE PARIS
OU
PETITS POÈMES EN PROSE
CHARLES BAUDELAIRE
Le Spleen de Paris
A Arsène Houssaye
Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans
injustice, qu’il n’a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et
queue, alternativement et réciproquement. Considérez, je vous prie, quelles admirables
commodités cette combinaison nous offre à tous, à vous, à moi et au lecteur. Nous pouvons
couper où nous voulons, moi ma rêverie, vous le manuscrit, le lecteur sa lecture ; car je
ne suspends pas la volonté rétive de celui-ci au fi l interminable d’une intrigue superfl ue.
Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront
sans peine. Hachez-la en nombreux fragments, et vous verrez que chacun peut exister à
part. Dans l’espérance que quelques-uns de ces tronçons seront assez vivants pour vous
plaire et vous amuser, j’ose vous dédier le serpent tout entier.
J’ai une petite confession à vous faire. C’est en feuilletant, pour la vingtième fois
au moins, le fameux Gaspard de la Nuit, d’Aloysius Bertrand (un livre connu de vous,
de moi et de quelques-uns de nos amis, n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ?)
que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description
de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait
appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.
Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle
d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée
pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux
soubresauts de la conscience ?
C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs
innombrables rapports que naît cet idéal obsédant. Vous-même, mon cher ami, n’avezvous...
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