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Nullité Du Mariage

Dissertation : Nullité Du Mariage. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Février 2015  •  1 372 Mots (6 Pages)  •  1 458 Vues

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elle est donc la place de la religion en ce domaine ?

Dans un arrêt fort instructif du 13 décembre 2005 (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, n° 02-21259), la Cour de cassation a refusé d’annuler un mariage en raison d’une liaison antérieure que l’époux avait entretenu durant huit années. L’épouse blessée soutenait que « l'erreur sur les qualités substantielles de la personne ne saurait s'apprécier de façon purement abstraite, sans considération pour les convictions religieuses ou philosophiques qui ont pu déterminer le consentement de l'autre partie ». À quoi la Cour suprême rétorque que si l’époux « reconnaissait avoir entretenu avant son mariage des relations avec une autre femme, il n'était pas démontré qu'il ait eu l'intention de poursuivre cette liaison après son mariage » ; en conséquence, le fait pour cet époux « d'avoir caché à son épouse l'existence de cette relation antérieure ne constituait pas une tromperie sur ses qualités essentielles » et les juges du fond avaient pu « souverainement estimé que les convictions religieuses de [l’épouse] ne permettaient pas d'établir que celle-ci n'aurait pas contracté mariage si elle avait eu connaissance de cette liaison passée de son mari dans la mesure où les aspirations de [l’époux] à une union durable n'étaient nullement mises à mal par cette circonstance ».

Cette décision témoigne du contrôle approfondi qu’exerce la Cour de cassation sur la notion de qualité essentielle. Elle laisse aussi augurer d’une possible approbation de l’analyse du TGI de Lille : en l’espèce, la « tromperie sur les qualités essentielles » pourrait ressortir des convictions religieuses ou du moins culturelles du mari de confession musulmane dont les « aspirations à une union durable » furent pour le moins « mises à mal » par la défloration de son épouse, qui n’a pas seulement gâché la nuit de noces.

Dans la même ligne, la qualité de divorcé d’un époux est une cause de nullité éventuelle du mariage civil lorsque le divorce et le (re)mariage religieux ne sont pas admis. Le fait pour l’époux « d'avoir caché à son épouse qu'il avait contracté un premier mariage religieux et qu'il était divorcé, avait entraîné pour son conjoint une erreur sur des qualités essentielles de la personne ; cette circonstance était déterminante de son consentement pour [l’épouse] qui, désirant contracter un mariage religieux, entendait, par là même, épouser une personne non divorcée » (Cass. 1re civ., 2 déc. 1997, n° 96-10498).

Néanmoins, il y a matière ici à restaurer la frontière entre le droit civil et la religion, une frontière essentielle en Occident où les sociétés politique et religieuse sont distinctes. Ce phénomène capital, la laïcisation du droit occidental, prend d'ailleurs sa source dans le christianisme qui sépare l’Église (pouvoir spirituel) de l’État (pouvoir temporel) (Jésus, à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde » [Jean XVIII, 36] ; aux pharisiens qui lui demandent s’ils doivent payer l’impôt à César : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » [Saint Matthieu XXII, 21]).

Le droit n’est pas la religion parce qu’il ne vise pas aux mêmes fins que celle-ci. Cependant, entre ces deux ordres normatifs, l’influence est réciproque et profonde. De manière synthétique, il s’avère que le droit protège la croyance religieuse de chaque individu (CEDH, art. 9) mais refuse de consacrer le précepte religieux comme une norme collective opposable juridiquement. Témoignent de ce refus d’opposabilité (parmi d’innombrables illustrations) :

- la loi du 12 juin 2001 « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales » (loi contre les sectes manipulatrices) ;

- la loi du 15 mars 2004 interdisant, « en application du principe de laïcité », « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans les écoles, collèges et lycées publics (C. éduc., art. L. 141-5-1) ; cette loi, qui déchaîna les passions, se justifiait autant par la nécessité de garantir le principe de laïcité que de protéger la liberté individuelle des jeunes filles voilées ; en ce sens, la remarque de la Garde des Sceaux, qui qualifia le jugement du TGI de Lille de mesure de

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