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Loi Laicité

Dissertation : Loi Laicité. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  30 Mai 2014  •  2 748 Mots (11 Pages)  •  1 023 Vues

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I. LE CADRE JURIDIQUE ACTUEL NE RÉSISTE PAS À LA MONTÉE DES PRESSIONS COMMUNAUTAIRES A L'ÉCOLE

A. INSUFFISANCES ET LIMITES DE LA JURISPRUDENCE

1. Le cadre général : l'avis du Conseil d'Etat de 1989

L'avis sollicité par le ministre de l'éducation nationale en 1989 auprès du Conseil d'Etat, dans le climat passionnel de l' « affaire des jeunes filles voilées de Creil », constitue, aujourd'hui encore, le socle et la référence de la jurisprudence en matière d'application du principe de laïcité dans les établissements scolaires. Il portait à titre principal sur la question de la compatibilité, ou non, avec le principe de laïcité, du port de signes d'appartenance à une communauté religieuse, et les conditions susceptibles de justifier, le cas échéant, une décision d'exclusion définitive.

L'avis rendu le 27 novembre 1989 opère une conciliation délicate, mais juridiquement incontestable, entre deux principes potentiellement contradictoires :

- d'un côté, « le principe de la laïcité de l'enseignement public, qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics ». Ce principe de valeur constitutionnelle a été consacré par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui fait de « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés un devoir de l'Etat », et l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » et qu' « elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » ;

- de l'autre, la liberté de conscience des élèves, qui résulte du principe du respect égal de toutes les croyances, garanti par l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et reconnue par les textes législatifs et les engagements internationaux de la France. L'article 10 de la loi d'orientation sur l'éducation de 19899(*) reconnaît explicitement la liberté d'expression religieuse des élèves : « Dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression ». Il ajoute néanmoins que « l'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement ».

Il résulte de cette synthèse juridique une distinction entre :

- d'une part, une stricte obligation de neutralité qui s'impose aux programmes et aux enseignants. S'agissant de ces derniers, s'applique sans ambiguïté la tradition législative et jurisprudentielle de stricte neutralité des agents publics, déjà posée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Abbé Bouteyre de 191210(*), et confirmée par l'avis contentieux du 3 mai 2000, Mademoiselle Marteaux, dans lequel le Conseil d'Etat a considéré que le fait, pour un agent de l'éducation nationale, de manifester ses croyances religieuses, en arborant notamment un signe d'appartenance religieuse, constituait un manquement à ses obligations.

- d'autre part, le respect de la liberté de conscience des élèves, dans la limite des obligations scolaires qui leur incombent et du bon fonctionnement du service public d'enseignement : « La liberté ainsi reconnue aux élèves comporte pour eux le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité ».

Dès lors, « dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels il entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ».

2. Les limites de la solution jurisprudentielle

Comme nous l'a indiqué Mme Hanifa Chérifi, médiatrice de l'éducation nationale pour les questions liées au port du voile, la position de principe du Conseil d'Etat, laquelle, proscrivant toute interdiction générale et absolue du foulard, en autorise implicitement le port, a eu pour effet d'augmenter le nombre de jeunes filles voilées dans les établissements.

Même si le juge administratif a ouvert des possibilités de restriction de la liberté d'expression des élèves, ces dispositions sont demeurées difficiles à apprécier et appliquer.

Ainsi, le Conseil d'Etat a sanctionné d'illégalité, dans l'arrêt Kherouaa du 2 novembre 1992 ou l'arrêt Yilmaz du 14 mars 1994, l'exclusion d'élèves voilées sur la base d'une disposition d'un règlement intérieur d'établissement prévoyant l'interdiction générale et permanente du port de tout signe d'appartenance religieuse par les élèves.

Il s'agit d'une décision classique au regard du droit administratif. Il n'est pas possible d'interdire, par principe, le port de tout signe religieux, dans la mesure où les autorités administratives ont l'obligation, avant toute décision administrative de portée individuelle (le cas d'une décision d'exclusion), de procéder à un examen particulier des faits dans leur contexte de temps et de lieu. De plus, cette décision est conforme à la tradition juridique issue de l'arrêt Benjamin11(*), comme le rappelle le commissaire du gouvernement David Kessler dans les conclusions à l'arrêt Kherouaa : « La laïcité n'apparaît plus comme un principe qui justifie l'interdiction de toute manifestation religieuse. L'enseignement est laïque, non parce qu'il interdit l'expression des différentes fois, mais au contraire parce qu'il les tolère toutes. ».

Toutefois, le Conseil d'Etat a retenu, dans l'avis de 1989, une série de critères limitant la liberté d'expression religieuse reconnue aux élèves. Il a dressé une longue liste d'exigences qui désigne autant de cas où l'interdiction peut légalement intervenir, dès lors que les signes arborés par

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