LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Les naufragés

Fiche de lecture : Les naufragés. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Février 2019  •  Fiche de lecture  •  5 724 Mots (23 Pages)  •  873 Vues

Page 1 sur 23

        Fiche de lecture :

Les naufragés

Patrick Declerck

Patrick Declerck, né à Bruxelles le 18 novembre 1953, philosophe de formation, docteur en anthropologie de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, est ethnologue et psychanalyste, membre affilié de la société psychanalytique de Paris.

Il a commencé à travailler auprès de la population des "clochards" en 1982, d'abord en tant qu'ethnologue et ensuite comme psychanalyste.

P. Declerck a suivi cette population durant plus de quinze ans. Il a vécu des expériences d'immersion, se faisant par exemple recueillir et amener parmi d'autres en centre d'hébergement d'urgence. Il a également assuré une permanence d'écoute de Médecin du Monde puis une consultation psychanalytique au centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, institution spécialisée dans l'accueil sanitaire des sans domicile fixe.

Patrick Declerck a publié divers articles ethnologiques et psychanalytiques sur la désocialisation, l'errance et l'alcoolisme dans diverses revues. De ces années passées à travailler auprès du "noyau dur" des personnes les plus désocialisées, pour qui la misère se conjugue avec un total abandon de soi, est né son livre "les naufragés".

L'ouvrage est composé de deux parties intitulées "routes" et "cartes":

"Routes" offre des histoires de vie au travers des témoignages et des situations cliniques.

La seconde partie,"cartes", qui sera étudiée dans ce travail, est une approche théorique en deux chapitres

: L'un s'intitule "une folle ataraxie"; l'autre "de la charité hystérique à la fonction asilaire".

L'épilogue du livre relate la tentative de l'auteur de savoir ce qu'il est advenu du corps de Raymond, l'hébergé qui servait a la salle de garde du service médical et qui est décédé devant l'hôpital.

Outre les indexs et quelques annexes intéressantes,  la fin de l'ouvrage comporte un  échange de correspondance entre jean Malaurie, (directeur de la collection Terre Humaine), et Patrick Declerk.    

                                         

   

                                                 

                                                -UNE FOLLE ATARAXIE-

Le chapitre commence par une triple question qui annonce son contenu: "Au-delà du bourdonnement des discours, du tumultueux désordre des actes, de l'inquiétante anomie de ces existences, quel sens attribuer à ces êtres qui semblent se détourner du monde avec une sorte de souverain et terrible mépris? Que tentent d'exprimer par leurs souffrances ces hommes et ces femmes qui se détruisent sous nos yeux? Comment penser tant de déliquescence et de néant?

Patrick Declerk aborde d'emblée la façon dont ces gens sont appelés. On ne sait trop quel terme employer: sans abris, exclus, vagabond. L'auteur explique qu'en étant ainsi "innommables ", ils échappent à toute tentative d'appréhension claire", car on ne peut clairement comprendre ce que l'on a des difficultés à nommer. Lui choisit de parler de clochards pour désigner cette population qui est la plus pathologique et la plus extrême du processus d'exclusion. Les termes de "sans abris" ou de "sans domicile fixe" ont des connotations très négatives qui ne disent rien de l'identité des sujets. Selon P. Declerk, le terme "clochard" induit chez les uns et les autres cet ensemble de représentations d'hommes dans le relâchement, dans la saleté. C'est une figure bien visible.

Le choix  de la dénomination expliqué, l'auteur annonce alors "une étiologie complexe": Car on ne peut réduire l'errance et la dégradation des clochards aux seuls facteurs socio-économiques. Il y a chez eux des graves traumatismes de la petite enfance et des pathologies lourdes et très invalidantes.

Souvent la pathologie essentielle est la désocialisation elle-même, équivalent d'une psychose mais comportant des traits psychopathologiques propres, qu'on ne peut considérer comme cause ou conséquences d'autres troubles qui, eux seraient spécifiquement mentaux. Ainsi l'auteur écrit: la clochardisation est aussi, profondément, un symptôme psychopathologique.

P. Declerck explique que la tendance de la psychiatrie classique à réduire la clochardisation à un problème de société empêche de cerner et d'analyser les caractéristiques spécifiques du phénomène. Cela en fait une entité négative, un concept en creux.

L'auteur aborde ensuite la notion d'exclusion avec les aspects idéologiques du concept d'exclusion. "Concept sociologiquement douteux que l'exclusion, car enfin qu'est-ce que la marge ou l'envers de la société, sinon encore la société?" Pour P Declerck le terme est à reconsidérer; Il véhicule des représentations impropres à la réalité. Il regroupe toute une catégorie de personnes pourtant très différentes: les "exclus" sans aucune pertinence clinique, il fait d'eux une somme de victime, sans que soit abordée la dimension du refus ou de la transgression que l'on observe chez certains. Selon l'auteur, ce terme tel qu'il est utilisé ,implique également que si la souffrance est liée a l'exclusion, le bonheur est alors lié au fait d'être "inclus" à la société, dans un fonctionnement considéré comme normal.

Ce terme poserait également la question du statut de victime ("victime de l'exclusion") dont l'identité absout toute faute, mais réduit à la passivité, à la faiblesse et à l'humiliation.

P. Declerk  parle alors de "syndrome de désocialisation" et la perte réitérée des papiers d'identité, source de "paralysie sociale", en est un indice très clair. L'auteur pour expliquer ce syndrome, dans lequel le sujet n'organise rien moins que sa propre désertification, étudie les conduites révélant l'incapacité psychique des clochards d'accomplir des actes élémentaires bien qu'ils possèdent les moyens intellectuels pour les réaliser, et également leurs capacités de mise en échec de soi même et des autres. On observe fréquemment chez ces individus marqués par ce syndrome de désocialisation,  la destruction de tout lien qui pourrait insuffler des pulsions de vie.   

...

Télécharger au format  txt (37.5 Kb)   pdf (198 Kb)   docx (335.3 Kb)  
Voir 22 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com