Fiche de lecture - "Les Naufragés", Patrick Declerck

Les Naufragés, avec les clochards de Paris.

Patrick Declerck

2001, Éditions Plon, collection Terre Humaine

Patrick Declerck :

Né en 1953

Psychanalyste, formation de philosophe, doctorat d'anthropologie.

S'est intéressé à l'exclusion, l'errance et l'alcoolisme.

→ a publié plusieurs articles sur ces sujets.

A étudier la population des clochards de Paris pendant plus de 15 ans (1980-2000)

L’une des choses dont il s'est aperçu c’est qu’il y avait des distinctions à faire entre les gens qui sont dans la pauvreté et dans l’exclusion sociale et ceux qui sont confrontés à quelque chose qui est bien plus compliqué et bien plus difficile à traiter, la clochardisation ou la désocialisation. Il a donc choisi le terme de "clochard" pour désigner ce monde extrême de l’exclusion sociale, la vie chronique à la rue, les laisser-aller les plus radicaux et l’alcoolisme profond dans lequel sont la plupart d'entre eux.

Il a aussi choisi ce terme parce qu'il renvoie une image qui fait appel à nos représentations.

En tant que psychanalyste:

→ a créé les premières permanences d'écoute réservées à cette population (Médecins du monde = ONG)

→ a assisté le Dr Patrick Henry durant de nombreuses consultations médicales destinées aux SDF(environ 5000) au Centre d'Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre.

→ a vécu des expériences d'immersion, notamment une nuit qu'il a passée au Centre d'Hébergement et d'Assistance aux Personnes Sans-Abri de Nanterre en se faisant passer pour un SDF et dont il nous offre un témoignage effrayant.

Après toutes ces années d'observations, de réflexion et d'analyse, Patrick Declerck nous livre ce récit biographique qui est sa thèse.

Son écriture est simple, naturelle, aussi humoristique que poétique.

Ce livre est séparé en deux parties :

→ "Routes" dans laquelle il nous soumet ses observations et ses réflexions, des comptes-rendu cliniques et des extraits de ses consultations à Nanterre. Une vision du monde des clochards au plus près de la réalité puisqu'il va jusqu'à retranscrire des paroles, des récits de vie tels qu'ils sont formulés.

PD commente tous ces témoignages dans le but d'éclairer le lecteur, mais toujours avec pertinence et respect. Même s'il ne cache pas les détester autant qu'il les admire.

→ "Cartes" est une analyse psychanalytique de la "grande désocialisation" suivie d'une vive critique sur les stratégies et pratiques d'aide envers cette population.

“ A cette époque ” → il faut tout de même garder à l'esprit que ce livre relate des observations faites il y a au moins 15 ans, voire plus.

ROUTES .

Dans cette première partie Patrick Declerck tente de nous faire découvrir la vie des clochards (10 000/15 000 vivent dans les rues de Paris). Cette vie combine l'alcool et la mendicité, dont ils n'usent que pour satisfaire leur besoin de boire. Et c'est bien un besoin puisque sans alcool ils risquent de mourir. Il y a la fatigue et la confusion « qui sert aussi à protéger le sujet d'une lucidité qui ne pourrait être que terrifiante », les troubles psychiatriques, les problèmes de santé et blessures que l'on a abandonnés, comme cette femme rencontrée lors d'une consultation, qui a un cancer du sein en phase terminale, jamais soigné et qui mourra le lendemain. Et puis il y a l'abandon de soi, la saleté : poux de tête et poux de corps, chaussette incrustée dans la peau, etc.. mais surtout la puanteur. « C'est l'odeur dont je me souviendrai le plus longtemps. L’écœurante exhalaison de pieds qui n'ont pas été déchaussés depuis des semaines, des mois, qui ont macéré, ulcéreux et purulents. Puanteur tiède et enveloppante comme une brume (..) Souvent il était nécessaire de sortir un instant respirer l'air frais. »

Mais au milieu de cette misère il y a ce que Patrick Declerck décrit comme des moments de décence.

Cette première partie se décline en rencontres. L'écriture de Patrick Declerck arrive à nous plonger dans son univers, leur univers. Nous assistons à ses consultations, nous l'accompagnons au centre d'accueil où il passe la nuit et après avoir lu cette première partie on a fait des dizaines de rencontres. Il nous a semblé important de vous lire certains extraits, parce que ce livre, notamment cette première partie, est difficile à raconter. Il faut la vivre avec lui, avec ses mots et son regard.

Ces clochards sont inadaptés, sans aucun doute mais ce que Patrick Declerck souligne c'est surtout l’inadaptation de l'aide sociale qui leur est proposée.

En commençant par les centres d'accueil : ils manquent de sanitaires (par rapport au nombre de personnes accueillies) et ceux-ci n'ont aucune intimité. Les lits sont superposés, alors que la plupart des clochards sont incontinents. Les vêtements sont confisqués et lavés à très haute température afin d'enlever toute bactérie, mais ils reviennent rapetissés. Certains SDF accueillis sont lavés de force au balai brosse afin, là aussi, d'éradiquer toute

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