Les innovations survenues dans l’organisation du commerce de détail pendant le dernier quart du XIXe siècle
Compte Rendu : Les innovations survenues dans l’organisation du commerce de détail pendant le dernier quart du XIXe siècle. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar junglejey0 • 16 Juin 2013 • 5 766 Mots (24 Pages) • 784 Vues
Dans cet article, je me pencherai sur
les innovations survenues dans
l’organisation du commerce de
détail pendant le dernier quart du
XIXe siècle, et plus particulièrement sur la
création du grand magasin. Cet exemple
me fournira l’occasion d’examiner certains
aspects de l’émergence d’une culture de la
consommation, et les implications d’une
telle culture pour notre compréhension de
la modernisation (1). Ce texte s’inscrit
ainsi dans le cadre de mon intérêt persistant
pour la rhétorique culturelle de la vie
publique au XXe siècle. Comme tant
d’autres facettes de la modernisation, le
grand magasin se présenta lui-même et fut
ressenti par sa clientèle comme un surcroît
de liberté. Le magasin traditionnel était un
cadre très personnalisé, hautement normatif
pour le client, même si ce dernier était
traité avec servilité par le personnel. Dans
l’espace ouvert d’un grand magasin, l’individu
est en apparence plus libre ; il ou elle
décide de son itinéraire, et choisit ses
achats à son propre rythme. Poussant ce
contraste à l’extrême, le supermarché
moderne est l’endroit où le consommateur
dispose de la plus grande liberté pour se
constituer, par accumulation, un style de
vie, même si la « désindividualisation » du
client dans la consommation de masse suggère
que cette liberté est aliénante. Bien
que je m’occupe ici surtout de l’apparition
du grand magasin en Grande-Bretagne, le
recours à quelques comparaisons avec les
évolutions correspondantes en France et en
Amérique sera nécessaire, et malgré mon
insistance sur le dernier quart du
XIXe siècle, les spécificités de l’expérience
britannique exigeront aussi une brève
incursion dans le XXe siècle. Je structurerai
la présentation de mon matériel autour de
trois grandes préoccupations : l’incidence
économique des nouvelles formes de vente
au détail ; l’incidence matérielle ou
environnementale des nouveaux magasins,
et l’incidence culturelle des possibilités
de se créer un style de vie personnel par
le biais d’une consommation impersonnelle.
La thèse que le grand magasin a marqué,
avec d’autres innovations dans le
commerce de détail telles que les magasins
à succursales multiples et les coopératives,
une transformation des rapports économiques
se fonde sur l’existence d’un décalage
dans le temps entre industrialisation
de la production et modernisation de la
vente. Le modèle dominant, jusqu’à la
moitié du XIXe siècle au moins, a été ainsi
résumé par Jefferys (2) : « La structure de
base et les traits fondamentaux du secteur
de la distribution, la petite échelle des unités
impliquées dans le commerce, l’accent
mis sur la compétence et l’expérience en
matière de vente, l’ergotage quant au prix
et l’importance du rôle joué par la liberté
(1) J’emploierai, au cours de mon exposé, les deux termes modernisation et modernisme. J’entends par modernisation
ces changements dans les attitudes, les valeurs et les comportements institutionnalisés qui passent généralement
pour être concomitants des transformations fondamentales des modes de production dominants d’une
société donnée – bien qu’on soutienne parfois que, dans les sociétés du tiers-monde contemporain, la modernisation
constitue un préalable plutôt qu’une conséquence de l’industrialisation. Par modernisme, j’entends ces modifications
au sein des formes culturelles qui sont intervenues en Europe occidentale durant, en gros, la période
1880-1920, et qu’on peut décrire comme une évolution vers l’abstraction, la dissonance et la rupture de la
séquence narrative au détriment des conventions de la fidélité représentative. Se lancer dans des spéculations sur
les liens qu’entretenaient alors ces deux tendances serait une tâche trop ambitieuse, mais il me semble néanmoins
que certains aspects des grands magasins relèvent de ces deux courants de changement.
(2) JEFFERYS, 1954, p. 5.
des marchés, n’avaient pas été essentiellement
modifiés. Les méthodes
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