Le tutoiement en psychiatrie

ALIBERT Zoé                                                                 Promotion 2018 / 2021

                        Analyse de pratique professionnelle Semestre 6A

        J'effectue mon premier stage de semestre 6, mon stage pré-professionnel, dans un service psychiatrique à secteur fermé. Le service comporte 32 chambres dont 6 chambres dites « d'apaisement » qui sont utilisé lors d'une entrée jusqu'à que le test PCR pour la Covid-19 soit négatif, et, 2 chambres d'isolement. Les différentes pathologies de ce service sont : des psychoses et des troubles de l'humeur. L'équipe soignante est composée par garde de trois infirmiers, 3 aides soignants, un médecin psychiatre, un interne, une cadre de service et un agent de service hospitalier.

La situation que je vais analyser est le fait d'utiliser le tutoiement avec les patients dans un service de psychiatrie.

Ce service accueil des patients de tout âge. En effet, durant ma période de stage, j'ai connu des patients de 16 ans à 85 ans. Les patients sont souvent connus du service car ils reviennent assez régulièrement pour des rupture de traitement par exemple.  

Lors de mon arrivée, je remarque que l'équipe soignante tutoie certains patients. Quelques jours plus tard, par mimétisme, sans trop me poser de questions je fais de même sur une patiente de mon âge. Un infirmier me le fait remarquer en m'expliquant que la difficulté des unités psychiatriques est de garder une juste distance avec les patients et que pour les étudiants cela passe aussi par le vouvoiement. Il me dit également, qu'ils connaissent les patients depuis des années et qu'ils ont remarqué que le fait de les tutoyer majore l'alliance thérapeutique, car cela créé une relation de confiance. Enfin, il m'explique que notamment parce qu'on avait le même âge et que j'étais étudiante, il ne fallait pas quelle pense qu'on soit amie. Je comprend alors, et je vouvoie tous les patients a partir de ce moment-là.

Personnellement, au fur et à mesure du stage j'ai remarqué que le tutoiement créé une certaine convivialité au sein de l’unité, mais qu'il pouvait également constituer un frein à la prise en charge de certains patients qui ne distinguaient plus la distance entre le soignant et le soigné, et pouvaient

même se montrer irrespectueux envers les professionnels. C'est le risque que m'avait expliqué l 'infirmier auparavant. J’ai aussi pu constater également, que de mettre une distance trop importante entre le soignant et le soigné pouvait aussi limiter la prise en charge de ce dernier.

Je me suis alors demandé en quoi le tutoiement influe la juste distance dans les soins en service de psychiatrie ?

        Le rôle des soignants en santé mentale est de trouver du sens à des éléments de souffrance aiguë comme des angoisses, de l'anxiété, des délires, des agitations, afin de soulager le patient de ses affects négatifs. Pour ce faire, le soignant doit pouvoir favoriser les échanges thérapeutiques, plus ou moins formels, ce qui le conduit à une implication personnelle. Ce lien particulier est d’autant plus privilégié que le soignant peut être amené à s’occuper d’un patient pendant des années. Ainsi, le soignant et le patient partagent une histoire commune, où un professionnel accompagne un malade dans les actes de la vie, au plus près de son intimité. Mais, si cette relation privilégiée peut expliquer exceptionnellement un tutoiement des deux parties, elle doit rester une situation d’exception car le risque de cette « convivialité » est un dérapage vers une habitude généralisée, une négligence, voire même une domination.

        Tout d'abord, le tutoiement est un concept grammatical et linguistique défini par le CNRTL comme  le fait de «s ‘adresser à quelqu’un en lui disant tu ».

Cette pratique est plus courante, dans les milieux jeunes et professionnels, depuis les années 1950.

De nos jours, le «vous» est une formule de politesse, une règle de bienséance. En général, on vouvoie les personnes que l’on rencontre pour la première fois, son supérieur hiérarchique et les personnes plus âgées que soi. Le vouvoiement exprime le respect, la distance et garantit l’intimité. Mais le refus du tutoiement peut aussi être perçu comme un refus d’engagement ou une absence de reconnaissance de la personne en tant qu’individu.

        La distance thérapeutique est le positionnement du soignant par rapport au patient. En psychiatrie, cette distance est très importante car elle permet d'éviter des situations qui peuvent entraîner de l'agressivité voire des passages à l'acte violents.
Le vouvoient peut être donc utilisé pour mettre une personne à distance. Mais, chez le soignant, le vouvoiement stricte peut aussi être le témoin d’une trop grande mise à distance, d’une fuite du patient et de sa souffrance.

        Aujourd’hui, l’usage du tutoiement est de plus en plus répandu. On l’utilise pour les proches, les pairs, notamment dans la vie professionnelle. Tutoyer marque l’expression d’une certaine sympathie. Utiliser le «tu» créé une certaine familiarité, non entachée d’irrespect, qui permet d’accéder davantage à une personne, pour la réconforter. Attention cependant à ne pas tomber dans l’infantilisation ou la condescendance, ce qui constituerait alors un manque de respect vis à vis de l’interlocuteur, de même qu’un tutoiement de pseudo camaraderie peut être mal perçu, notamment dans le domaine du soin ou les limites doivent être évidentes entre le soigné et le soignant. Le «tu » permet aussi d’accéder plus facilement à l’autre avec un impact plus important, d’établir un contact plus immédiat, par exemple dans des situations de souffrance extrême, de violence ou de passage à l’acte, dans des situations que nous pouvons retrouver en psychiatrie.

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