« L'art qui nous fait libres » extrait du chapitre XXVI « De l'institution des enfants » Essais (1580) Michel de Montaigne
Résumé : « L'art qui nous fait libres » extrait du chapitre XXVI « De l'institution des enfants » Essais (1580) Michel de Montaigne. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar Olda_54 • 13 Avril 2022 • Résumé • 568 Mots (3 Pages) • 346 Vues
Texte 4
« L'art qui nous fait libres »
extrait du chapitre XXVI « De l'institution des enfants » Essais (1580)
Michel de Montaigne
Il se tire une merveilleuse clarté, pour le jugement humain, de la fréquentation du monde. Nous sommes tous contraints et amoncelés[1] en nous, et avons la vue raccourcie à la longueur de notre nez. On demandait à Socrate d'où il était. Il ne répondit pas : « D'Athénes », mais : « Du monde ». Lui, qui avait son imagination plus pleine et plus étendue, embrassait l'univers comme sa ville, jetait ses connaissances, sa société et ses affections à tout le genre humain, non pas comme nous qui ne regardons que sous nous. [...] Mais qui se présente[2], comme dans un tableau, cette grande image de notre mère nature en son entière majesté ; qui lit en son visage une si générale et constante variété ; qui se remarque là-dedans, et non soi, mais tout un royaume, comme un trait d'une pointe très délicate : celui-là seul estime les choses selon leur juste grandeur.
Ce grand monde, que les uns multiplient encore comme espèces sous un genre[3], c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais. Somme[4], je veux que ce soit le livre de mon écolier. Tant d'humeurs, de sectes, de jugements, d'opinions, de lois et de coutumes nous apprennent à juger sainement des nôtres, et apprennent notre jugement à reconnaître son imperfection et sa naturelle faiblesse : qui n'est pas un léger apprentissage. [...]
On lui dira [...] que[5] c'est que savoir et ignorer, qui doit être le but de l'étude ; que c'est que vaillance, tempérance et justice ; ce qu'il y a à dire entre l'ambition et l'avarice, la servitude et la sujétion, la licence et la liberté ; à quelles marques on connaît le vrai et solide contentement ; jusqu'où il faut craindre la mort, la douleur et la honte : Et quo quemque modo fugiatque feratque laborem[6] ; quels ressorts nous meuvent, et le moyen de tant divers branles[7] en nous. Car il me semble que les premiers discours de quoi on lui doit abreuver l'entendement, ce doivent être ceux qui règlent ses mœurs et son sens, qui lui apprendront à se connaître, et à savoir bien mourir et bien vivre. Entre les arts libéraux, commençons par l'art qui nous fait libres.
[1] repliés sur eux-mêmes
[2] qui se représente
[3] que certains divisent en sous-catégories
[4] En somme
[5] ce que... ce qui...
[6] « et de quelle façon éviter ou supporter les peines » (Virgile, L'Énéide)
[7] mouvements
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