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Histoire économique et sociale

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Par   •  15 Avril 2021  •  Cours  •  33 558 Mots (135 Pages)  •  384 Vues

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Histoire économique et sociale (2) I. La France au début du XIXe siècle A> La société 1) Population, démographie 2) Classes sociales B> L’économie 1) Agriculture La France est un pays essentiellement rural et agricole au début du XIXe siècle. L'agriculture est prépondérante dans l'économie française : en 1847 encore, 44% du revenu provenait de l'agriculture, contre 29% pour l'industrie. L'investissement se fait dans l'achat de terres, mais pas dans les transformations techniques. Les céréales restent la principale production. En 1789, la base de l'alimentation est le pain. Les céréales épuisent la terre. On utilise le système de la jachère pour la faire se reposer. La production les bonnes années suffit souvent à peine à nourrir la population. On en est donc resté en France à une agriculture encore assez archaïque, du type de celle du XVIIIe siècle, de l’Ancien Régime. Deux types d'agriculture coexistent. Une agriculture de subsistance, traditionnelle et routinière, domine le sud, l'ouest et le centre du pays. La jachère reste la règle. Les labours se font encore à l'araire et non à la charrue. Les moissons se font à la faucille. On pratique la polyculture. L'autre agriculture s'impose dans le nord du pays. L'assolement est déjà devenu définitivement quadriennal. Les travaux agricoles sont « mécanisés », dans les limites techniques de l'époque. On produit pour le marché national voire international. Dans les deux cas, les paysans sont endettés auprès des notaires ou des usuriers (les banques n’existent pas encore pour les campagnes). Cet endettement est dû aux difficultés de subsistance dans le premier cas, et aux dépenses d'investissement dans le second cas. Le nombre de ruraux s’est accru par la période de la Révolution Française avec le transfert de propriétés effectué lors de la vente des Biens Nationaux (biens de l’Église, de la Couronne principalement). Avant 1848, la majorité des électeurs (suffrage censitaire) sont des propriétaires fonciers ruraux. Après 1848, la majorité des électeurs (suffrage masculin) sont des paysans. Les migrations des campagnes françaises vers les villes françaises ne sont pas alors de l'exode rural, car elles n'entraînent pas de dépeuplement. Cette « congestion rurale » (l'Ariège, les Flandres ou l'Alsace avaient une densité supérieure à 100 habitants par kilomètre carré) explique le maintien de la manufacture dispersée, la faible consommation industrielle par une population rurale à faible pouvoir d'achat et les migrations saisonnières lors de la morte-saison agricole. Ces migrations temporaires sont nécessaires pour les campagnes. Elles permettent un flux monétaire indispensable pour payer les impôts ou les fermages. Cependant, elles ont des effets néfastes en perturbant le calendrier démographique. 2) Le commerce, base de la production manufacturière. Le commerce est à la base du développement de l'industrie et de la finance. Il est contrôlé par la bourgeoisie. Les échanges locaux ou au long cours (commerce atlantique par exemple) ont suscité le développement industriel : textile, mines ou métallurgie. La production de biens manufacturés se pratique encore en ville principalement de façon très artisanale : par petits ateliers regroupant autour du maître compagnons et apprentis. La forme la plus répandue de la production manufacturière reste rurale, car prévue pour contourner sous l’Ancien Régime les restrictions et monopoles des corporations, surtout pour le textile. Un négociant entrepreneur apporte la matière première et achète les produits finis aux paysans pauvres. La Révolution Française a transformé profondément l'activité économique. Pour le commerce international, surtout atlantique, les Blocus continentaux ont été mortels. Les ports atlantiques Bordeaux, Nantes, Le Havre, Rouen ont subi une très forte diminution de leur activité portuaire : le commerce d'abord, mais aussi la construction ou la voilure. On assiste alors à une pastoralisation et à une désindustrialisation de l'ouest de la France. La commercialisation des productions manufacturières françaises change peu dans la première moitié du XIXe siècle. Les exportations se font principalement vers la GrandeBretagne et les États-Unis (alors nation agricole important des produits manufacturés). Ces exportations sont surtout des produits de luxe, donc dans des quantités limitées. Les exportations françaises sont donc très dépendantes des conjonctures internes des pays importateurs. Les produits de luxe sont bien sûr les premiers à disparaître en cas de difficultés économiques. Ce commerce extérieur limité dépend aussi des navires britanniques. La flotte marchande française se développe lentement. Le commerce intérieur est entre les mains de plus d'un million de patentés (900.000 en 1815 et 1.400.000 en 1850). La petite boutique reste la norme : sombre, exiguë, familiale, avec un ou deux commis. Le renouvellement du stock est lent, les prix flottants et les bénéfices unitaires exorbitants. La période révolutionnaire a été calamiteuse pour la monnaie. Dans les années 1790, est mis en place l'Assignat, du papier-monnaie émis en remplacement des pièces qui ont disparu à cause de la thésaurisation. Cependant, pour que la population ait confiance en une monnaie faite de papier, il faut qu'elle ait confiance en l'émetteur de ce papier-monnaie. Mais, la confiance faisait défaut car l'autorité de l'État n'était pas générale. L'Assignat s'effondra. Le pays n'avait plus de monnaie ; l'économie s'éteignait. Le Consulat et l'Empire ont redressé la monnaie du pays. Napoléon (Consulat et Empire) joue un grand rôle. La mise en place des nouvelles structures étatiques, administratives et législatives (Code civil de 1804, Code du Commerce de 1807) ramènent un fonctionnement correct du pays, et donc la confiance. Vient ensuite la restauration monétaire. Pour le bon fonctionnement de l'économie, il faut une monnaie stable. C'est le but de la création du Franc Germinal. Cette monnaie est solide et stable durablement. Sa définition : 322 mg d'or (pour un Franc) ne varie pas jusqu'à 1928. Napoléon met en place aussi la Banque de France, qui assure la mise en ordre du monde financier. II. La révolution industrielle Le prérequis à la révolution industrielle est la révolution agricole. Le terme « révolution industrielle » a été inventé par l’économiste Adolphe Blanqui, après 1848. Il a été ensuite repris par Friedrich Engels et développé par Arnold Toynbee à la fin du XIXe siècle. Le terme « révolution agricole » a quant a lui été inventé au XXe siècle, sur le modèle de celui de « révolution industrielle ». Ces deux termes sont forgés à partir du concept de révolution politique et désignent (dans les trois cas), un changement rapide et irrévocable. Par ailleurs, les termes « révolution agricole » et « révolution industrielle » doivent être compris pour ce qu’ils sont : une étiquette mise par les économistes et les historiens permettant de désigner un phénomène, pas une réalité de la période. Les Français (et Européens) du XIXe siècle ne sont pas conscients qu’ils vivent une « révolution agricole » ou une « révolution industrielle ». Cependant, ce sont malgré tout des décisions volontaires qui sont à l’origine de phénomènes non volontairement désirés. A>Révolution agricole L'augmentation de la population et la recherche de profits plus importants de la part des propriétaires terriens poussent à l'intensification de l'exploitation agricole. L'évolution commence en Grande-Bretagne. On constate l'abandon de l'assolement triennal traditionnel et donc de l'improductive jachère au profit du quadriennal où toutes les années sont productives. Apparaissent aussi de nouvelles méthodes d'exploitation : remembrement, drainage, engrais, machines, sélection des espèces. Tout cela accroît les rendements. Entre 1815 et 1851, le produit agricole français croît de 78 %. Attention, les évolutions ne sont pas radicales. La jachère survit longtemps. On ne voit sa disparition définitive en France que dans les années 1950. Cette révolution agricole a deux conséquences fondamentales. Elle permet de nourrir une population urbaine de plus en plus nombreuse à cause des migrations des campagnes vers les villes qui s'accélèrent puisque les besoins de main-d'œuvre agricole diminuent. En France, l'amélioration des communications sous le Second Empire permet l'ouverture du marché national aux produits agricoles. La peur de la disette disparaît définitivement dans les années 1850. Les campagnes peuvent nourrir les villes. La surpopulation rurale trouve donc un véritable exutoire dans les villes. La baisse de la population rurale tire les salaires agricoles vers le haut, tandis que le marché urbain tire les prix agricoles vers le haut. Cette hausse de revenu agricole est absorbée par l'achat de terres, mais aussi par la modernisation des techniques de culture. L'agriculture française s'est transformée dans la première moitié du XIXe. La production a augmenté grâce à l'extension des surfaces et l'amélioration des rendements. La diversification des productions joue un grand rôle, principalement le développement de l'élevage. Le bétail est alors d'ailleurs le principal fournisseur d'engrais. Les défrichements, commencés au Moyen Âge, continuent au XIXe siècle, un peu partout en France : Alpes, Massif Central, Bourgogne, Bassin Parisien, Picardie. La pression démographique dans les campagnes pousse à des défrichements sur des terres jusque là ignorées car considérées comme difficiles ou ne valant pas les efforts à consentir. Cela fait que certains défrichements, en Picardie par exemple, finissent par être abandonnés, car de qualité trop médiocre. La mise en culture de sols acides ne peut de plus passer que par le chaulage, impossible dans certaines régions : faire venir la chaux coûte trop cher et les moyens de transport sont insuffisants. Les défrichements se heurtent parfois à des intérêts inverses : les industriels et le gouvernement tiennent à sauvegarder des forêts afin de conserver des réserves de matières premières (le bois est utilisé dans la métallurgie). L'extension de la surface cultivée ne suffit pas à faire face à la pression démographique rurale et ne permet pas l'augmentation suffisante des revenus. Pour intensifier la production, il faut faire disparaître la jachère : 25% des terres arables et 47,5% des terres céréalières en 1840. Les situations varient selon les régions : vaste dans les massifs anciens (Bretagne, Massif Central), la jachère ne couvre que 13 à 15% de la surface dans la région toulousaine ou en Bourgogne et n'atteint pas 6% dans le Bassin Parisien. Elle n'existe plus en Basse-Alsace. La suppression des jachères amène à une modification radicale des assolements, difficile en zone de petites exploitations. De plus, il faut penser à ne pas épuiser le sol. Les diverses techniques employées pour améliorer les terres récemment défrichées peuvent aussi être utilisées pour la faire disparaître. Cependant, la meilleure solution est l'élevage (qui fournit de l’engrais naturel) en alternance avec les céréales. Les perfectionnements du matériel agricole peuvent aussi offrir des gains de productivité, mais ils sont lents. Les charrues modernes ne concernent que les zones de grande culture du Nord. La faucille est à peine concurrencée par la faux, malgré un rendement double. Le battage se fait au fléau. Les machines à battre sont quasi-inexistantes. L'élevage reste ici encore la clé de la révolution agricole. Mais, les prairies appartiennent aux riches propriétaires (notables) qui peuvent se permettre ces revenus différés. Ces grands propriétaires ont un rôle politique important dans la première moitié du XIXe siècle. Pour favoriser l'agriculture, ils ont obtenu la mise en place du protectionnisme au début de la Restauration. La Monarchie de Juillet maintient cette politique, malgré l'opposition des producteurs viticoles. Ils sont favorables au libre-échange car ils sont exportateurs (vers la Grande-Bretagne surtout) et redoutent des mesures de rétorsion. La Monarchie de Juillet a aussi œuvré au désenclavement des campagnes, avec un développement et un entretien obligatoire des chemins vicinaux, avec une utilisation du revêtement inventé par l'Écossais Mac-Adam. La modernisation passe aussi par un développement de l'enseignement agricole et la circulation de l'information, grâce surtout aux sociétés d'agriculture. 1831 création du Conseil Général d'Agriculture ; 1832 mise en place des Comices Agricoles ; 1839 création du Ministère du Commerce et de l'Agriculture ; 1841 création du corps des Inspecteurs Généraux de l'Agriculture. La production agricole française croît d'un peu plus d' 1% par an dans la première moitié du XIXe siècle, soit plus vite que la population (0,5% par an). Pourtant, la majorité de la hausse de la production est à imputer à une extension de la surface agricole utile ou à un surcroît de travail sur les parcelles. En effet, le recul de la jachère est lent. La révolution agricole fut beaucoup plus lente en France qu'en Grande-Bretagne. Les céréales progressent surtout grâce à l'extension des surfaces cultivées. Le blé progresse face aux céréales pauvres, passant d'un tiers de la production céréalière en 1820 à la moitié en 1850. Le blé (+ 25%) et l'avoine progressent rapidement, tandis que les autres céréales suivent un rythme plus lent. Betterave et pomme de terre sont aussi de plus en plus cultivées. Les progrès de la pomme de terre (doublement des surfaces) sont stoppés par la maladie de 1845. La vigne s'étend, mais grâce à des vignobles de piètre qualité et qui subissent la crise de 1847-1850 à cause de récoltes surabondantes. Le cheptel s'accroît. Dans l'élevage, le nombre de porcs croît plus vite que celui des bovins (importation de races anglaises) et ovins. Les cultures industrielles ont un essor rapide, grâce au développement industriel : betterave à sucre dans le Nord (même si le sucre de betterave ne constitue que 13% de la consommation de sucre en 1850), colza au Nord-Ouest, garance autour de Toulouse, mûrier (soie) dans la région méditerranéenne. B> La « première » révolution industrielle La révolution agricole permet la révolution industrielle, en libérant des bras tout en pouvant les nourrir. Les entrepreneurs (artisans, patrons de fabrique) en profitent alors pour augmenter leur activité et leur production. Le passage d'une économie de fabriques quasi artisanales à des structures industrielles s'appelle le décollage, le Take-Off suivi de la révolution industrielle. Les historiens économistes évoquent trois types de révolution industrielle, trois phases : phase du textile, du charbon et de l'acier au XIXe siècle ; phase de l'automobile et de la chimie au début du XXe siècle ; phase de l'électronique à la fin du XXe siècle. On a même subdivisé la première révolution industrielle en sous-phases : première phase avec d'abord le textile et la vapeur ; puis le chemin de fer et le charbon et enfin l'acier. C’est ici cette première révolution industrielle : textile et la vapeur (fin XVIIIe-début XIXe) ; puis le chemin de fer et le charbon (années 1820-1840) et enfin l'acier (1860) qui nous intéresse. Cette révolution industrielle vient d'une application plus rapide que dans les siècles précédents de découvertes de plus en plus nombreuses. L’idée est de toujours produire plus grâce à une utilisation plus rationnelle des techniques et surtout de l’énergie et par cela on entend la suppression du facteur humain. La production textile en est un bon exemple. Si au départ, tout pouvait se faire à la main, peu à peu le travail se mécanisa. Le filage se fit au rouet de plus en plus complexe : d’abord un rouet à main puis activé avec le pied. Le tissage se fit aussi avec des métiers de plus en plus complexe. Mais, longtemps, ces mécanismes reposaient sur l’énergie humaine et ne fonctionnaient qu’au rythme de la personne qui les activait. L’idée fut alors de séparer l’énergie qui activait le métier de la personne qui l’utilisait. La première énergie non-humaine fut celle des animaux qui tournaient en rond. En parallèle, on utilisa aussi des moulins à vent ou à eau pour activer les métiers. Pour arriver à l’utilisation de ces mécanismes, il fallut inventer divers systèmes, de la roue dentée à l’engrenage. Cela prit des siècles. Cependant, toutes ces sources d’énergies : humaines, animales, éolienne ou hydraulique avaient le même défaut : elles n’étaient ni assurées (absence de vent, saison sèche), ni régulières (plus ou moins de vent ou de courant). Diverses observations et expériences amenèrent au XVIIIe siècle à s’intéresser à la vapeur qui constitue une source d’énergie assurée, régulière et réglable. Si les premiers travaux furent l’œuvre du Français Denis Papin, la première machine à vapeur fut mise au point par le Britannique Watt dès les années 1760. Elle fut utilisée presque immédiatement dans le textile : 500 machines de Watt actionnaient des métiers textiles dès 1800 en Grande-Bretagne. D’autres procédés mécanisant le textile et pouvant s’adapter à des machines à vapeur furent mis au point au XVIIIe siècle : la machine à filer d'Hargreaves ou la célèbre mule-jenny de Samuel Crompton. Des liens se formèrent alors entre textile et métallurgie. De même, ce fut pour le tissage qu'ont été inventés les systèmes à perforation qui sont à l'origine de la programmation informatique. La machine à vapeur a aussi des conséquences dans l'exploitation du charbon. Si au départ, on utilise le bois comme combustible principal, on passe assez rapidement au charbon de bois puis au charbon « de terre » car il est plus efficace comme source d'énergie. De même, la machine à vapeur est à l’origine de la révolution des transports. Si le principe des rails (au départ en bois) est connu depuis longtemps (wagon sur des rails tirés par des hommes ou des animaux), c’est au début du XIXe siècle qu’on a l’idée en Grande-Bretagne d’utiliser la machine à vapeur comme force motrice. Il s’agit bien souvent d’aller chercher (à l’origine sur de très courtes distances, mais pour un coût moindre) le charbon nécessaire pour faire fonctionner les machines à vapeur du textile. Pour cela, il faut construire toujours plus de machines à vapeur, ainsi que des rails solides, donc en fonte, capables de soutenir le poids (et la vitesse) des machines à vapeur. La métallurgie puis la sidérurgie se développent. On doit produire des machines à vapeur pour aller chercher le charbon nécessaire à la construction de machines à vapeur pour aller chercher le charbon nécessaire à l’utilisation des machines à vapeur de l’industrie textile. On perçoit ici l’extrême accélération que constitue la Révolution industrielle. Le take-off en France a lieu dans les années 1840. En fait, l'investissement industriel se fait en deux temps, en deux poussées. D'abord dans les années 1820 avec la création de grandes sidérurgies à l'anglaise et de filatures de coton. Ensuite, de 1834 à 1839, dans les mêmes secteurs ainsi que dans les mines de charbon. Cette croissance en deux temps est liée aux deux dernières grandes crises dites d'Ancien Régime en France et dans la majeure partie de l'Europe entre 1827 et 1832 et 1846 et 1850, autour des deux grandes phases révolutionnaires de 1830 et 1848. Vers 1827 et 1846 commencent des crises économiques et sociales dites de type Ancien Régime. Tout d'abord, l'agriculture subit les aléas climatiques qui entraînent de mauvaises récoltes. On assiste alors à une hausse du prix du pain et par conséquent à une baisse des ventes des autres produits. La crise agricole devient alors une crise « industrielle ». Ne pouvant vendre, les patrons du secteur manufacturier procèdent à des diminutions des salaires, voire au licenciement de leurs employés. Cette baisse des revenus et cette augmentation du chômage (il n'y a pas alors d'assurances sociales) ne facilitent pas la reprise de la consommation du pain ou des autres produits. La crise se creuse. Elle a alors deux conséquences politiques importantes : la bourgeoisie n'a plus aucun intérêt à soutenir un régime qui n'assure plus la prospérité. Les classes populaires des quartiers ouvriers, de plus en plus mécontentes, et au chômage, n'ont rien d'autre à faire que de manifester ce mécontentement. De là découlent les phases révolutionnaires de 1830 et 1848. Ces crises économiques font aussi prendre du retard au développement économique continental, toujours devancé par la Grande-Bretagne. Au début du XIXe siècle, la Grande-Bretagne est très en avance sur la France d’un point de vue industriel. Ce décalage de la France par rapport à la Grande-Bretagne est lié à différents facteurs. Les Britanniques ont interdit toute exportation de machines, et donc de technologie, jusqu'en 1843. En 1816, le parc français de machines ne représente que 13,5% du parc britannique, et seulement 24% en 1850. En fait, la mise en place de l’usine telle qu’on l’imagine de nos jours est lente en France au XIXe siècle. En 1847, sur 2.300 entreprises textiles, 1.650 fonctionnent à la vapeur mais, elles n’ont en tout que 2.494 machines à vapeur. Dans les années 1860 encore, le nombre moyen d’ouvriers par établissement industriel est de 9,6 ; dans le textile : 10,5. Dans les régions les plus industrialisées comme dans la laine à Rouen 56 ; la laine dans le Nord : 132 ; le coton dans le Nord 134 ; le coton en Alsace 301. Une entreprise de grande taille comme l’entreprise textile Dolfuss-Mieg (DMC aujourd’hui) en Alsace avec 3000 ouvriers est une exception. Le charbon français est moins immédiatement disponible. Dès 1709, un maître des forges britanniques, Darby, utilise du charbon « de terre » (coke) à la place du charbon de bois pour la production de la fonte. En 1807, 97% de la fonte britannique est obtenue au coke. Le Français De Wendel avait fait des essais d'utilisation du coke en Lorraine dès 1769 et Schneider faisait fonctionner en 1785 quatre hauts-fourneaux à coke au Creusot. Cependant, en 1805, seul 2% de la fonte française est au coke ; 50% en 1850 et 81% en 1870. En France, les gisements houillers du Nord et du Massif Central ne se trouvent pas, contrairement à la Grande-Bretagne à proximité des industries textiles. Ils connaissent cependant une exploitation de plus en plus forte. La production double entre 1834 et 1845, passant de 2 à 4 millions de tonnes. Mais, les choix de développement sont primordiaux. La France favorise longtemps la voie d'eau. Le développement du chemin de fer est lent et anarchique. Il faut attendre 1842 pour voir se mettre en place un plan, imité du plan des routes royales du XVIIIe siècle, organisant le développement des chemins de fer. L'État prend à sa charge l'achat des terrains et les gros travaux d'infrastructure, laissant l'exploitation aux compagnies privées, dans un superbe exemple de l'application du libéralisme tel que défini par A. Smith : l’État doit aussi en plus de la défense de la propriété assurer la création et l’entretien des infrastructures nécessaires à la communauté (comme les ponts ou les routes) mais ne rapportant pas assez pour justifier l’investissement du privé. Entre 1847 et 1854, la voie d'eau assure le transport de 1.700 millions de tonnes par kilomètre, le rail 300 millions de tonnes. En 1845, la France compte encore moins de voies ferrées que la Belgique. Les Britanniques sont de plus très présents dans ce développement : ingénieurs et terrassiers anglais et irlandais sont à la base de la ligne Paris-Rouen commencée en 1841. Surtout, en France, les entrepreneurs bourgeois se contentent de poursuivre la manufacture dispersée dans les campagnes et se méfient de la concentration en usine des ouvriers, considérés comme une « classe dangereuse ». En fait, la manufacture dispersée dans les campagnes, la production artisanale et domestique reste la règle jusqu’au Second Empire. Ainsi, en 1851, on recense : 1,3 millions d’actifs dans la grande industrie (soit les industries de plus de dix ouvriers) et 4,5 millions dans la petite industrie. La part de l’industrie à domicile augmente même avec l’industrialisation générale du pays. La manufacture dispersée dans les campagnes se trouve même au cœur des régions les plus industrielles. Ainsi, à Roubaix en 1840, on compte 40.000 tisserands dans les campagnes environnant la ville et seulement 10.000 dans la ville elle-même. Ce système existe toujours car l’investissement de base reste faible, tout comme le coût de la main d’œuvre. Surtout, la flexibilité est totale. Lorsque l’entrepreneur ne reçoit pas de commande, il n’a pas à débaucher les ouvriers de son usine. Il ne passe juste pas de commandes dans les campagnes. Il en est de même quand il s’agit de changer de production. Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, les techniques disponibles faisaient qu’il fallait six à dix fileurs pour un tisseur. Lorsque la filature se mécanise, les proportions s’inversent : on a besoin de beaucoup de tisseurs. Ainsi, au XVIIIe siècle, le filage se faisait dans les campagnes, au XIXe siècle, c’est le tissage. Les relations entre les ruraux et les patrons sont variables. Il existe toujours la relation directe type XVIIIe siècle entre le marchand-entrepreneur et le paysan-ouvrier, mais de plus en plus, se développe le système du contremaître installé dans le gros village et servant d’intermédiaire entre le paysan et l’entrepreneur. Ce système a cependant des défauts, qui sont à l’origine de sa disparition progressive. La productivité est faible. Le rythme de production reste lié à celui des travaux de champs. La qualité ne peut être correctement ni contrôlée ni assurée. On assiste même à de nombreux et graves conflits quant à la qualité du produit fini ou quant au prix à payer. Au milieu du XIXe siècle, ces conflits se font de plus en plus nombreux, surtout avec le contremaître qui parfois passe deux fois par jour dans l’habitation pour surveiller la production. Une autre forme très répandue de la manufacture dispersée est la manufacture à domicile. Le même type de contrat que celui des campagnes est proposé dans les logements ouvriers urbains où il est pris par les femmes des ouvriers d’usine lorsqu’elles doivent rester chez elles par exemple en raison des maternités. Enfin, les capitaux mobilisables sont insuffisants, en grande partie immobilisés dans l'investissement immobilier. Les grandes banques sont concentrées à Paris. Ces grandes banques préfèrent cependant l'investissement commercial à l'investissement industriel qui immobilise les capitaux trop longtemps pour des résultats pas toujours assurés. Seul Laffitte s'engage résolument dans l'industrie, avec la Caisse Générale du Commerce et de l'Industrie fondée en 1837 avec Kœchlin et Lebaudy. L’industrie est en fait dominée par les sociétés de personnes. Les entreprises sont familiales et de petite taille. La principale forme légale est la SNC (Société en Nom Collectif : 2 à 10 personnes associées) : 77% des entreprises créées entre 1807 (mise en place du code du commerce) et 1867 (date de la libéralisation totale de la création d’entreprise). Dans la SNC, les associés ont une responsabilité illimitée. Ils sont responsables sur l'intégralité de leur fortune propre des dettes de l'entreprise. En contrepartie, ils dirigent eux-mêmes l'entreprise. Cette forme correspond aussi à une stratégie patrimoniale : les héritiers sont très tôt associés à l'entreprise, ce qui évite sa dispersion à la mort du fondateur. Elle permet bien sûr aussi de jouer sur les alliances matrimoniales. Une deuxième forme d'entreprise est la SC (Société en Commandite Simple ou Société en Commandite par Actions) : 23% des entreprises. Dans ce cas, des commanditaires apportent des capitaux, mais ne sont responsables que dans la limite de la somme apportée, dans la limite de la commandite. Ils financent, mais ne peuvent intervenir dans la gestion de l'entreprise. En revanche, le commandité a la direction effective de l'affaire, mais il est aussi responsable sur sa fortune propre des dettes de l'entreprise. La transformation de SNC en SC permet l'apport de capitaux extérieurs (banquiers ou notaires) et le développement de l'entreprise. Dans le cas de Société en Commandite par Actions, le capital en commandite est fractionné en titres mobiliers négociables en bourse. Dans ce cas, la SCA regroupe de très gros actionnaires (banquiers, négociants ou industriels) car les parts sont chères pour des investissements lourds, comme la sidérurgie (Schneider en 1837) et les grandes entreprises textiles. La SC permet de réunir d'importants capitaux sans pour autant remettre en cause le pouvoir familial sur l'entreprise, d'où son succès auprès des patrons du textile du Nord (Motte et Cie à Roubaix). Quant à la SA (Société Anonyme) sa création est très difficile. Il faut en effet une autorisation du gouvernement après avis du Conseil d'État, procédure longue, restrictive et coûteuse qui montre combien l'État se méfiait de l'irresponsabilité de la SA. Tous les ans ensuite, l'administration fiscale surveille les comptes de la SA. De 1807 à 1867, seules 651 SA sont autorisées. Il s'agit souvent de grandes sociétés qui existaient déjà sous l'Ancien Régime (souvent des manufactures royales achetées par les bourgeois au moment de la vente des Biens nationaux), donc des entreprises sûres. Il n'y a, en 1867 que 40 SA industrielles. Dans la SA, les actionnaires sont tous à égalité (avec une modulation en fonction de leur nombre d'actions). Un conseil d'administration est désigné par les actionnaires pour une durée déterminée (un à trois ans en fonction des statuts de l'entreprise). Le CA élit un directeur. Mais, en cas de faillite, le directeur, « simple employé » n’est pas responsable des dettes de l’entreprise. De même, les actionnaires sont considérés comme des créanciers de l’entreprise et ne sont pas non plus responsables de ses dettes. On conçoit la méfiance de l’État. À partir de 1863 la création de SARL est autorisée. Leur capital est cependant limité à 20 millions de Francs. Le Crédit Lyonnais est une des premières entreprises à profiter du changement de la législation. En 1867, la liberté de création est étendue à toutes les sociétés anonymes. C> Évolution de la condition ouvrière (en présentiel)

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