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Frère d'âme de David Diop

Commentaire de texte : Frère d'âme de David Diop. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  2 310 Mots (10 Pages)  •  1 630 Vues

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Frère d’âme est un roman ayant obtenu en 2018 le prix Goncourt des lycéens s’adressant ainsi à un lectorat particulier de plus en plus difficile à satisfaire : les adolescents. Dans cet ouvrage moderne, David Diop, un auteur contemporain francophone met en avant un personnage tourmenté et torturé au temps de la première guerre mondiale : Alfa Ndiaye. En effet, le roman relate l’histoire d’un tirailleur sénégalais, Alfa Ndiaye, ayant perdu son meilleur ami durant la guerre. Victime de la Grande guerre, il se met alors à agir de manière violente et à commettre des actes inhumains.

A travers les mots de l’auteur d’origine africaine, le lecteur découvre les thématiques de la mort, la trahison, les remords et cela se ressent dès la lecture de l’incipit qui permet habituellement de présenter les personnages et comprendre les enjeux du livre. Ainsi, cet incipit in médias res, traditionnel et original, présente le changement d’état d’esprit du personnage qui s’opère après la mort de son ami Mademba Diop. Il s’agit d’ailleurs de la partie dont nous traiterons et qui se situe par conséquent au début du roman. Nous verrons donc comment cet incipit augural dont la fonction est informative, tout en laissant planer le mystère, permet de révéler un personnage tourmenté pris entre devoir et réalité.

Pour répondre à cette question, dans un premier temps, nous verrons en quoi cet incipit est traditionnel et original avant de nous intéresser au personnage tourmenté, Alfa Ndiaye, mis en exergue par cet extrait.

        Premièrement, pour prouver que cet incipit est à la fois traditionnel et original, nous pouvons affirmer que l’incipit de frère d’âme tient bien un rôle informatif puisqu’en effet, un incipit a pour but de renseigner le lecteur sur les éléments nécessaire à la compréhension de l’histoire, notamment sur le point de vue choisi par l’auteur. Ainsi, nous découvrons dès le début de cet extrait deux des personnages les plus importants de cette histoire : Mademba Diop et Alfa Ndiaye, narrateur-personnage. Au cours de ce texte, Alfa nous dévoile ses pensées dans un point de vue interne qui permet de nous inclure directement et effectue ainsi une sorte de monologue intérieur. Nous pouvons le voir par exemple au travers de l’utilisation de la première personne du singulier « je sais » (l.19), de la reprise nominale « moi » (l.1) ou bien encore l’épithète homérique « fils du très vieil homme » (l.2) qui vient également appuyer l’identité du narrateur. Nous sommes donc plongés dans les pensées de celui qui semble incarner un narrateur expressif. Cette accentuation de l’expression est d’autant plus appuyée par le rythme ternaire du récit « je sais, j’ai compris, je n’aurais pas dû » et les différents marqueurs d’oralité « par la vérité de Dieu », « ça m’est tombé sur la tête ». Par ailleurs, ce rythme de récit rappelle fortement la rhétorique de la langue wolof qui repose sur une grande culture de l’oralité, dont sont probablement issu Mademba et Alfa au vu de leur nom. De plus, l’entièreté du discours repose sur les temps de l’énonciation avec le futur ayant une valeur de certitude « je ne parlerai pas » (l.5) ou bien encore le présent « je sais » et le passé composé « j’ai compris » qui mette en avant l’idée de conviction qui habite Alfa. Ainsi, cet incipit nous renseigne sur les origines d’Alfa, son état d’esprit déterminé par les temps employés et le caractère obsessionnelle de ses pensées par le rythme ternaire du récit et les répétitions.

        En outre, l’incipit de frère d’âme nous informe également sur le contexte particulier de l’histoire. En effet, celle-ci se déroule durant la guerre sur un champ de bataille. Les différents champs lexicaux en présences nous permettent de l’affirmer avec par exemple le champ lexical du front de guerre : mes frères d’armes », « guerre », « défigurés ». La Première guerre mondiale étant une guerre de mutilation, le champ lexical des blessés (« défigurés », « estropiés », « éventrés ») nous permet de deviner qu’il s’agit ici de cette dernière. Toutefois, au-delà du contexte historique, l’extrait nous renseigne sur un évènement qui marque une rupture dans la vie d’Alfa : la mort de Mademba. En effet, le monologue intérieur d’Alfa se finit sur les mots « le jour où Mademba est mort » ce qui montre combien cet incident va influer sur le reste du récit. La brutalité de l’impact qu’a cet événement est refléter par la comparaison « ça m’est tombé sur la tête brutalement comme un gros grain de guerre du ciel métallique » qui contient également une allitération en « g » qui rappelle en les explosions d’obus et l’atrocité de la guerre. Cette mort va donc grandement influer notre personnage et soulève d’ailleurs de l’intérêt auprès du lecteur puisqu’elle soulève le mystère.

D’autre part [effectivement], ce qui fait la particularité et l’originalité de cet incipit est l’instance sur le mystère dont fait preuve l’auteur dès le début. En effet, dès les premières lignes, nous assistons à un début surprenant et énigmatique in medias res qui nous fait faire irruption dans les pensées du personnage « mes pensées secrètes » (l.7). Cette impression d’invasion est renforcée par le manque de majuscule dès la première phrase et les points de suspension qui laissent à penser que l’histoire à déjà débuter et fait planer le mystère. Par ailleurs, tout au long de l’extrait, le mystère et l’ambiguïté sont entretenus autour du personnage d’Alfa qui fait alors référence à ses actions sans jamais les explicités, laissant le lecteur dans le flou, c’est-à-dire qu’on retrouve par exemple le conditionnel passé « je n’aurais pas dû » qui n’est ni précisé ni accompagné d’un COD. D’autre part, on remarque également les pronoms qui ne précisent pas ce qui est désigné, il n’y a pas de référent « ce que j’ai pensé, ce que j’ai fait » (l.16-17) « je me suis permis l’impensable » (l.22). A la ligne 26, « je te le jure » montre l’interpellation d’un interlocuteur inconnu ce qui prouve au lecteur qu’Alfa est, dans une certaine mesure, prêt à se confesser : cela ne fait qu’augmenter la curiosité du lecteur. Cette absence de clarté, de réponse et cette censure de ses actes intrigue le lecteur. Le mystère soulevé par cette mise au silence le pousse à poursuivre sa lecture pour découvrir à qui s’adresse Alfa et connaitre la nature de ses actes imprononçables.

Après avoir vu de quelle manière cet incipit insiste sur le mystère tout en nous renseignant sur les différents personnages et contextes, nous pouvons nous intéresser à Alfa Ndiaye, un personnage en plein tourment en proie à un dilemme.

        Lors de la lecture de l’incipit nous remarquons rapidement qu’Alfa Ndiaye est un personnage tiraillé qui semble en plein combat avec ce que lui impose la tradition. En effet, à de nombreuse reprise, le poids des traditions et du devoir moral sont évoqués puisque nous discernons le champ lexical du devoir avec des mots tels que « poids de la honte », « honneur de façade », « interdire ».  Ainsi, Mademba est soumis à deux sens de moral qu’il juge différents avec d’un côté celle des traditions et de l’autre celle de son devoir moral. Effectivement, ses actes semblent être en contradiction avec son éducation et il n’hésite d’ailleurs pas à convoquer des figures d’autorités qui viennent encore une fois rappeler la présence de ces traditions auxquels Alfa a failli « mon vieux père […] ma mère » (l.12-13). Les traditions sont par conséquent symbolisées par cette présence parentale. A contrario, l’anaphore du mot « honneur » (l.17-18) montre l’opposition entre sa morale et ce qu’on lui a inculqué depuis son enfance. Il ne s  ait plus quoi suivre et pourtant en utilisant l’expression « honneur de façade » (l.18) Alfa montre bien que ce qu’on lui a inculqué est différent de ce qu’il est et réellement, il se contente de maintenir une sorte d’image. Ainsi, la mort de Mademba vient créer une rupture avec son monde d’avant et son monde actuel qui ne peuvent finalement plus coïncider. On peut ainsi le voir avec l’expression au conditionnel passé « je n’aurais pas osé » qui désigne ce qu’on lui a appris (l.21-22). Toutefois, son dilemme avec les traditions ne s’arrête pas seulement à sa propre moral mais touche également à sa liberté.

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