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« Femme, réveille-toi », Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges (1791)

Chronologie : « Femme, réveille-toi », Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges (1791). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Novembre 2022  •  Chronologie  •  2 322 Mots (10 Pages)  •  439 Vues

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Extrait • « Femme, réveille-toi »

Olympe de Gouges

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)

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POSTAMBULE.

Femme, réveille-toi ; le tocsin[1] de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation[2]. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire[3] est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets[4] de la nature.  Qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise[5] ? Le bon mot du législateur des noces de Cana[6] ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison[7], ne vous répètent : « Femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? » « Tout », auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence[8] en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité, réunissez-vous sous les étendards de la philosophie, déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles[9] adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir[10] ; vous n’avez qu’à le vouloir.

Le postambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, texte argumentatif du XVIIIème siècle comprend une partie initiale polémique et injonctive ; en fait, Olympe de Gouges, après avoir légitimé sa rédaction d’une déclaration des droits de la femme et de la citoyenne dans laquelle elle prétend proposer à l’assemblée nationale d’intégrer les droits de l’autre moitié de la société qu’elle prétend omise, rédige 17 articles reprenant parfois mot à mot les articles de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Dans le postambule, elle s’adresse directement aux femmes et aux opprimés pour mieux affirmer son souci d’égalité.

Plan du texte : Le texte commence par une interpellation et une injonction, sans préambule, la locutrice harangue la communauté féminine. S’ensuit une argumentation par le questionnement rhétorique. Le texte se termine sur une hypothèse et une injonction au combat.

En quoi ce texte est-il un plaidoyer pour la justice et l’égalité tout en imposant l’idée de ne cesser le combat (d’un combat incessant) ?

  1. La harangue : proche du discours oral, ce texte commence par une interpellation : « femme », l’emploi du singulier rapproche la destinataire de son émettrice et donne le ton. L’injonction est solennelle, et le verbe induisant le soulèvement initie un déferlement lexical polémique et guerrier : « le tocsin », « le puissant empire », « briser ses fers ». La violence du propos vient ponctuer le raisonnement instruit de la philosophie des Lumières : « la raison » implique que les maux de l’ancien régime sont battus en brèche : « préjugés », « fanatisme », « superstition », « mensonge » ; « sottise » et « usurpation » sont effacés à la lueur du « flambeau de la vérité ».  L’accumulation des maux est suivie d’un couple qui induit le crescendo : à la médisance, la calomnie induite par la superstition cultivée par l’Eglise mensongère qui plonge le peuple dans l’ignorance, s’ajoute l’idée que le pouvoir royal usurpait son rôle et que c’est au peuple que la raison rend la « flamme ». Ce langage métaphorique du « nuage » et de la « flamme » oppose nettement les lumières de la raison à l’obscurantisme.  D’ailleurs, au tocsin, image auditive, succède l’image visuelle du nuage qui s’oppose à la lumière. Tout s’éclaire en une formule ; on revient au propos énoncé dans l’injonction initiale : il s’agit bien d’égalité. Si la femme doit se réveiller, c’est parce qu’on l’a oubliée : « Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne » Si la femme a bel et bien été l’oubliée de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme le précise Olympe de Gouges dans la dédicace, elle revendique ici autre chose : elle est victime d’injustice et cela explique le ton virulent. Olympe de Gouges inspire par l’anaphore et le parallélisme de construction (participe passé + adjectif) à la destinataire et aux destinataires que sont les lecteurs de la déclaration de la femme et de la citoyenne, l’évolution malheureuse du statut des femmes après la Révolution : elle en impute la responsabilité à l’homme.  Le rythme balancé (4/12) insiste élégamment sur la notion d’injustice : l’alexandrin s’entend.  Alors ces paroles, cette harangue accusatrice, reprenant les griefs des révolutionnaires, vont se justifier par une argumentation rhétorique induite par le questionnement.
  2. Anticipant la prévention du lecteur, la locutrice relance son discours et le dynamise par une invocation péremptoire : « Ô femmes ! »  suivie d’une anaphore et d’une question rhétorique qui sous-entend un reproche par le pronom interrogatif temporel : « Quand cesserez-vous d’être aveugles ? ». Le reproche sous-entend que les lueurs de la raison n’ont pas touché ces femmes qu’elle prétend atteintes de cécité. Elle s’explique habilement, par une autre question rhétorique précisant le propos : « Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? » et instille ainsi le doute et le questionnement dans l’esprit des lecteurs. Les femmes n’auraient donc pas trouvé leur compte dans la Révolution française…que veut-elle dire ? Elle s’expliquera plus loin sur l’importance de l’institution du mariage qui proposera à la citoyenne une garantie pour élever ses enfants et subvenir à ses besoins. A la question rhétorique fuse une réponse lapidaire : Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. La réponse sonne presque comme un alexandrin (6/7) avec la césure à l’hémistiche. Ce balancement indique la redondance. Le parallélisme de construction (nom+ adverbe d’intensité + participe passé employé comme adjectif) renforce l’idée de dévalorisation de la femme. La locutrice insiste : Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? L’Ancien Régime est lié à la « corruption » et induit l’idée que les femmes n’avaient d’autre choix que de séduire un homme pour pouvoir subsister. Ce pouvoir étant aboli par l’égalité entre les classes sociales, les femmes sont livrées à une double injustice qu’Olympe de Gouges décrira plus loin : celle de n’être l’égale de l’homme quant à la liberté d’expression (elles ne siègent pas) et celle d’être déconsidérées et traitées de femmes de mauvaise vie quand elles ne sont pas mariées. Le style oratoire employé est admirable et efficace. Le questionnement rhétorique appelle la réponse encore une fois lapidaire : La conviction des injustices de l’homme. Ainsi selon Olympe de Gouges, la femme doit être convaincue de son infortune.

En fait, la locutrice réclame pour les femmes le droit de jouir de leur patrimoine.  La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature.  Bien entendu la morale rousseauiste a fait son travail de sape en ce qui concerne l’égalité des femmes : elles sont à présent toutes considérées comme mères et vouées à la maternité.

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