Devoir d'invention - Simone Veil

Français - Sujet d’invention

Choisissez une femme célèbre et transformez la en héroïne de roman, vous écrirez une scène de sa vie que vous avez le droit d’inventer en partie et qui pourrait trouver sa place dans un roman. Vous écrirez le récit à la troisième personne du singulier et vous inclurez un passage introspectif avec du discours indirect libre.

        Simone est dans sa voiture. Il est presque midi. Son chauffeur l’emmène en direction de l’Assemblée Nationale. Elle est sur le point de commettre un acte qui restera, elle l’espère du moins, à jamais gravé dans les mémoires. Elle relit son discours une énième fois pour essayer de trouver le ton juste. Elle prendra la parole dans une vingtaine de minutes. Elle arrive devant le monument imposant. Elle entre et s’installe sur une petite chaise en bois, dans un couloir aux murs nus qui donne sur une porte close. Derrière : l’hémicycle. Il lui reste cinq minutes. Elle commence à se poser une multitude de questions. Ses mains… Oui, ses mains, avec la pression qui augmente minute par minute, seconde par seconde, tremblent, légèrement, mais elles tremblent. C’est décidé, elle les posera sur le pupitre. L’Assemblée est constituée en très grande majorité d’hommes, la plupart s’en fiche de cette loi. L’avortement ça ne les concerne pas. Vont-t-ils se moquer, l’insulter, la railler, l’ignorer ou tout simplement l’écouter ? Simone trouve cela étrange, faire voter une loi concernant les femmes par des hommes. Mais le système est ainsi fait et si ça doit se passer comme ça et bien elle le fera. Toute la semaine, une seule question s’est promenée dans son esprit : et si elle n’avait pas la majorité ? Elle se résout à ne plus penser à l’échec, puisqu’elle n’échouera pas, elle le sent. Et si c’était vrai ? Et si elle arrive à les convaincre de passer cette fichue loi ? De toute façon, il le faut. Il le faut pour la dignité de la Femme. Des Femmes. Cette loi elle la leur doit, pour leurs droits. Leurs droits à disposer d’elles-mêmes, à disposer de leur corps, ce corps est à elles. Elle les voit déjà, ces hommes qui l’ont aidée à travailler sur ce texte. Valéry,  Jacques, et les autres, ils sont tous là, elle le leur doit à eux aussi. Il lui faut de la force. La même force que celle qu’elle a dégagée quand elle est rentrée des camps, orpheline… La même force sur laquelle elle s’est appuyée pour se reconstruire. Ce droit à avorter n’est pas de la barbarie, la barbarie c’est de fermer les yeux sur celles qui en plus d’avoir la souffrance de devoir le faire à contrecœur, s’accablent de devoir le faire clandestinement. Il lui reste trente secondes. Elle ferme les yeux, prend de longues inspirations, fait le vide dans son esprit. Elle rassemble les feuilles de son discours. Plus que dix secondes… Elle se lève, d’un air décidé. Face à la porte, elle se fige, prend une dernière inspiration, puis entre.

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