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Mal être du soignant après le décès du patient, le soi thérapeutique : un bouclier émotionnel

Dissertation : Mal être du soignant après le décès du patient, le soi thérapeutique : un bouclier émotionnel. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Décembre 2017  •  Dissertation  •  10 163 Mots (41 Pages)  •  779 Vues

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Mal être du soignant après le décès du patient,
le soi thérapeutique : un bouclier émotionnel

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I. Introduction

S’engager à devenir soignant, c’est accepter de donner de son temps et de sa personne. Communément, c’est se dévouer à prendre soin de l’autre, en veillant à s’équiper d’un ensemble de savoirs, qui permettront à tout un chacun d’avancer, d’agir pour parvenir à toute forme de bien être. Le mot soigner vient du mot latin « Soniare », qui signifie « s’occuper de ». Par définition, soigner c’est s’occuper du bien être et du contentement de quelqu’un et s’occuper de rétablir sa santé. C’est consacrer son activité, son dévouement à la guérison et à l’accompagnement de quelqu’un et s’occuper avec sollicitude d’une personne. En ajoutant une connotation au verbe soigner, on se rend compte qu’il inclut la notion de guérison, qui sous entend le succès, la réussite dans une quête au rétablissement de quelque chose. De ce fait il est possible de penser, dans un premier abord, qu’il incombe au soignant de tout mettre en œuvre pour participer au rétablissement d’une brisure dans l’être de la personne soignée.
En parallèle, le code de la santé publique
[1] stipule que : « Relèvent du rôle propre de l’infirmier les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personne […] » Dans la notion de continuité de la vie, s’inscrivent différentes étapes auxquelles l’infirmier est susceptible d’être confronté notamment comme la mort.

Chaque situation face au décès est unique, chaque histoire est différente. L’affront de cet événement ne fait pas l’objet de la mise en application d’un comportement standard appris et intégré en formation ou durant l’exercice professionnel. Cependant, dans un métier qui prône neutralité bienveillante, et juste distance entre soignant et soigné, l’affect lorsqu’il est prédominant sur la pratique peut provoquer un regain d’émotions plus ou moins intenses chez le soignant. Le métier d’infirmier requiert de nombreuses qualités humaines qui peuvent engendrer de la part du soignant l’attribution d’une charge affective considérée assez intense envers le patient. Ceci peut créer un réel désarmement après un investissement, tant professionnel que parfois personnel, relativement important. Dans une dimension de réflexion établie grâce à mon ressenti à la suite de cet événement de confrontation à la mort et à l’ensemble de mes recherches, j’envisage de traiter le mal être que peut éprouver le soignant à la suite de décès de patient(s).

1. Présentation de la situation d’appel

Etudiante en soins infirmiers, j’ai effectué le premier stage de mon parcours en service de médecine générale. Ce service accueillait des patients adultes de tout âge,  atteints pour la plupart de cancers. Au cours des trois premières semaines effectuées, j’ai été confrontée à mon tout premier décès dans cette nouvelle posture  de future soignante.  

A mon arrivée dans le service en mars 2011 j’ai pu rencontrer tous les patients et j’ai fait plus ample connaissance avec certains d’entre eux en particulier Madame S 57 ans, atteinte d’un cancer généralisé, entrée pour une cure de chimiothérapie à visée palliative. Elle n’en était pas à sa première hospitalisation dans ce service, et était déjà connue des soignants. Malgré sa compliance aux soins, son engouement pour la vie et sa détermination à vaincre sa maladie, l’état de Madame S. se dégradait de jour en jour. Après 15 jours d’hospitalisation, Mme S ne se levait plus et parlait de moins en moins même si elle arrivait à se faire comprendre.

Madame S. est décédée 20 jours après son arrivée. Je n’ai pas osé entrer dans sa chambre pour participer à la toilette mortuaire. Prise de panique, je me suis isolée et ai fini par perdre tous mes moyens. Alors que je pensais être la seule à être abattue, j’ai pu entrevoir l’aide soignante, l’infirmière et même le médecin dans une profonde tristesse et submergés par l’émotion. L’ensemble de l’équipe était réunie dans le poste de soins sans un mot, sans un geste et ceci durant une dizaine de minutes. De longues minutes que je me suis efforcée de compter tellement l’atmosphère était pesante et le désarmement profond. Nous étions tous bien entendu conscients que son départ était proche et lorsque la réalité a finalement joué de ses atouts cela n’a écarté ni la peine ni l’impuissance.

  Par la suite dans mon parcours d’apprentissage j’ai été confrontée à d’autres décès de patients. Le fait est que ma réaction reste similaire. Je demeure toujours intensément touchée par la mort de certains patients. Je suis parfois amenée à y penser également lorsque je quitte le milieu professionnel, avec toujours ce même sentiment d’impuissance. Inévitablement je me suis accoutumée à cette forme de mal être et ne cherche pas à éviter ou fuir le désespoir que peut me causer cette recrudescence de sentiments. C’est désormais devenu un processus que je vis pleinement, au même titre que les joies que me procure la profession infirmière. Paradoxalement, Jusqu’à présent quel que soit le temps que cela prenne, je suis parvenue à en faire ma propre thérapie. Mais qu’adviendrait t-il si jamais par épuisement je ne n’étais plus en mesure de la faire ? Comment devrais-je canaliser mes émotions ? Faut-il nécessairement les canaliser afin d’éviter l’apparition fréquente de ce genre de profond mal être ? Comment transformer ce mal-être ou l’apprivoiser ?

Dans l’objectif de mener une recherche structurée en explorant les cadres conceptuels pertinents, j’ai jugé nécessaire de tirer de la situation présentée un ensemble de questionnements ayant pour finalité de mener au questionnement de départ.

- Questionnements :

  • Etant donné la possibilité de confrontation aux décès, être soignant implique t’il de se dénuer totalement de sentiments envers le patient ?
  • En général qu’est ce que les usagers du système de santé (patients et familles notamment) attendent du soignant ? Quelles sont les représentations qu’il suscite ?
  • Est ce un manque de professionnalisme de la part du soignant d’être profondément affecté par la mort du patient ?
  • Existe-t-il un « bon dosage » dans la charge affective qu’un soignant octroie au patient pour empêcher que celle-ci ne devienne invalidante dans l’exercice et qu’elle engendre un mal être lors de la survenue de décès ?
  • La relation soignant soigné, réunissant l’aidé à l’aidant, génère-t-elle chez le soignant un affect particulièrement protecteur envers le patient, conduisant automatiquement à un sentiment d’impuissance lors de la confrontation à la mort ?

-  Question de recherche :

  • En quoi l’investissement du soignant dans la prise en charge pourrait amener à justifier le mal être émotionnel du soignant après le décès du patient ?

2. Question et hypothèse de départ

A la suite d’un travail sur mon propre statut identitaire en tant que soignante et de plusieurs recherches sur cet axe de réflexion, j’ai pu mettre en lumière l’existence de différents concepts. J’ai pu en tirer le constat suivant : En excluant le vécu et la dimension culturelle dont chaque individu dépend, dans une optique déontologique il existe un ensemble de stratégies pour permettre aux soignants d’exercer dans des conditions émotionnellement optimales. Ces stratégies lorsqu’elles sont utilisées à bon escient et face à toute situation difficile rencontrées, peuvent aider à atténuer l’apparition de mal être trop important, infligeant une souffrance psychologique au soignant.  

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