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Le monologue est-il le meilleur moyen de faire partager les émotions et les pensées des personnages ?

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Par   •  22 Novembre 2019  •  Dissertation  •  2 106 Mots (9 Pages)  •  655 Vues

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Introduction

Le théâtre est un lieu de partage des émotions. Dans la Grèce antique, on allait voir des tragédies pour se purger de ses passions, c’est ce qu’on appelle la catharsis. Ainsi, il faut donc que les spectateurs partagent les pensées et émotions des personnages, pour se projeter dans leurs aventures et ressentir de la terreur et de la pitié en assistant à la réalisation de leur destin. Mais s’agit-il seulement de faire ressentir de la terreur et de la pitié au théâtre ? Il semblerait que le champ des pensées et émotions que cet art fait partager ne s’y limite pas. D’autre part, est-il nécessaire d’assister à une représentation théâtrale pour partager les pensées et émotions des personnages ? Le texte lui-même ne le transmet-il pas à celui qui le lit ? Le monologue, moment où le personnage, seul sur scène, s’adresse à lui-même et, indirectement, au public, ne serait-il pas un moment privilégié pour exprimer et faire partager l’intériorité du personnage ? Nous pouvons donc nous demander si le monologue est le meilleur moyen de faire partager les émotions et les pensées des personnages. Nous envisagerons, dans un premier temps, que le monologue est un bon moyen pour exprimer l’intériorité des personnages, mais nous envisagerons ensuite d’autres moyens qui permettent cette expression.

I. Le monologue est un bon moyen pour faire partager les pensées et émotions des personnages

1. Le partage des sentiments au lecteur et au spectateur

Alors que le personnage est seul sur scène, il peut librement s’épancher sur ses sentiments et donc, dans une communication indirecte, faire partager au spectateur ou au lecteur ce qu’il éprouve. Ainsi, dans la scène IV du dernier acte d’Andromaque, de Racine, Oreste exprime son désappointement : « Que vois-je ? est-ce Hermione ? Et que viens-je d’entendre ? », puis sa profonde déception : « Je la vois pour jamais s’éloigner de mes yeux ! ». Le lecteur partage ces différentes émotions, non seulement grâce au sens des mots eux-mêmes mais aussi en suivant le passage de la modalité interrogative à la modalité exclamative dans le monologue, ce que l’acteur donnera à entendre au spectateur qui assiste à la pièce. Au cours d’un monologue, le personnage peut aussi imaginer la présence d’un autre personnage pour lui ouvrir librement son coeur. Le lecteur ou le spectateur saisissent alors les sentiments réels que le personnage nourrit pour un autre. Ruy Blas, dans son monologue de la scène IV, invoque ainsi la reine, s’imaginant lui répondre, comme dans un rêve éveillé : « Je le dis, vous pouvez vous confier, madame, / À mon bras comme reine, à mon coeur comme femme ! ». Cependant, Ruy Blas se livre ici à l’épanchement d’un sentiment amoureux déjà connu du spectateur ou du lecteur. Tandis que Figaro, dans son célèbre monologue, au sein de la pièce Le Mariage de Figaro, profite de sa solitude pour exprimer son ressentiment envers le Comte : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! ... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! ». En effet, en tant que valet, Figaro ne pourra jamais s’exprimer librement face au Comte Almaviva, son maître ; ce monologue est donc l’occasion de faire partager au public une colère que Figaro doit cacher.

2. Le partage des réflexions et doutes des personnages au spectateur ou au lecteur

Le monologue est non seulement un bon moyen de faire partager les sentiments du personnage, mais aussi ses réflexions et doutes au public. Le monologue n’a alors plus seulement un rôle introspectif, il a aussi un rôle délibératif. Ainsi, dans Rhinocéros, nous assistons au monologue final de Bérenger qui livre ses pensées contradictoires sur sa condition d’homme : « Je suis un être humain. Un être humain. », « Un homme n’est pas laid, un homme n’est pas laid ! ». Par ces répétitions, il semble vouloir se persuader de la dignité de sa condition, en vain : « Comme je suis laid ! Malheur à celui qui veut conserver son originalité ! ». Cependant, à la fin de son monologue, il a un dernier sursaut de volonté : « Eh bien tant pis ! Je me défendra contre tout le monde ! […] Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Nous assistons donc à la manière dont il arrive à surmonter ses doutes pour passer à l’action. Nous suivons également ses déductions logiques, de question en question, comme si nous étions plongés dans son esprit et assistions à chacune de ses associations d’idées : « Il n’y a pas d’autres solutions que de les convaincre, les convaincre, de quoi ? Et les mutations sont-elles réversibles ? Hein, sont-elles réversibles ? Ce serait un travail d’Hercule, au-dessus de mes forces. D’abord, pour les convaincre, il faut leur parler. Pour leur parler, il faut que j’apprenne leur langue. ». Les répétitions et les connecteurs logiques témoignent ici du cheminement de la pensée du personnage. Cependant, si le personnage fait part de ses pensées, il ne s’agit pas toujours de doutes ou de dilemmes, il peut également exposer ses projets au spectateur.

3. Le partage des intentions des personnages au spectateur ou au lecteur

Lorsque le personnage expose ses intentions au spectateur, son monologue a un rôle dramatique, il met le spectateur dans la confidence de l’action qu’il projette et à laquelle le public va bientôt assister. C’est, par exemple, le rôle du « Prologue » de Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce. Ce premier monologue de la pièce a un statut particulier, il précède l’action et la motive. On ne sait pas vraiment si la pièce a déjà commencé ou pas. Ce flou est entretenu pour le lecteur par l’appellation de « Prologue », qui évoque davantage un paratexte, un avant-propos théorique et présentatif avant d’entrer dans l’œuvre. Quant au spectateur, il peut être surpris par l’apostrophe de la fin du monologue, qui se manifeste sous la forme d’une énumération de pronoms : « me donner et donner aux autres, et à eux, tout précisément, toi, vous, elle, ceux-là encore que je ne connais pas... ». À qui s’adresse alors le personnage ? Qui désigne-t-il ainsi ? Le public peut se sentir directement visé par cette interpellation. Ces différents procédés établissent une connivence entre le personnage et le lecteur ou le spectateur. Le personnage se livre directement au public et lui fait partager son état d’esprit ainsi que son dessein : annoncer sa mort prochaine à sa famille. Dans le cas de Juste la fin du monde, ce type de monologue sert de seuil, il permet d’entrer dans la pièce et en présente l’action principale, tandis que dans L’École des femmes, de Molière, le monologue à fonction dramatique est un ressort comique récurrent de la pièce. En effet, à plusieurs reprises le barbon Arnolphe livre au public ses plans pour préserver Agnès du jeune homme qui tente de la séduire. Il pense alors avoir une longueur d’avance sur lui et se trouve particulièrement rusé en élaborant des stratégies pour garder la jeune fille sous sa coupe. Cependant, le fait de mettre le public dans la confidence des desseins d’Arnolphe a un rôle comique que le public seul peut savourer : il assiste à l’échec des stratégies d’Arnolphe les unes après les autres, alors que ce dernier tente de faire bonne figure devant les autres personnages en voyant ses plans échouer. Ainsi, le monologue, par sa fonction explicative et dramatique, fait partager au lecteur et au spectateur les intentions du personnage. Nous entrons alors dans ses pensées et nous nous trouvons dans l’attente de l’action que cette confidence nous a fait anticiper.

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