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Une frontière entre l’être humain et l’animal : une redéfinition de l’âme depuis la pensée de Spinoza

Analyse sectorielle : Une frontière entre l’être humain et l’animal : une redéfinition de l’âme depuis la pensée de Spinoza. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  23 Avril 2023  •  Analyse sectorielle  •  3 263 Mots (14 Pages)  •  250 Vues

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Meunier                                                                                          M1 histoire de la philosophie

Romane                                                                                                          

Une frontière entre l’être humain et l’animal : une redéfinition de l’âme depuis la pensée de Spinoza

Nous proposerons dans cette conférence de nous intéresser à la question de l’âme et sa relation au corps en partant de la philosophie de Spinoza en tant qu’elle a pour effet de tracer la limite entre l’être humain et l’animal. Si l’absence de langage est souvent utilisée pour déterminer cette frontière[1], celle-ci n’est pas moins liée à la question de l’âme et de son attribution aux animaux. En effet, si l’âme peut être comprise en suivant son étymologie comme ce qui anime le corps, la question est de savoir de quoi celle-ci se compose et comment elle se définit. Si l’on choisit de la définir selon une certaine matière, celle-ci pourra être mise en rapport avec le corps. Cependant elle peut aussi être entendue en un sens spirituel comme une faculté permettant de raisonner et de communiquer. Etant purement abstraction, il deviendrait alors difficile de la définir. Elle serait alors une entité purement intellective et difficilement explicable par le corps. Poser la question du corps est aussi poser la question de sa composition. La pensée que nous allons exposer part d’une conception atomiste, c’est-à-dire qu’il existe des irréductibles de matières qui, pouvant former des agrégats, formeront ce que l’on définira comme corps.

Nous choisissons de partir de la philosophie de Spinoza dans mesure où elle a justement pour but de montrer que cette faculté abstraite peut être expliquée par des rapports corporels. Elle est également directement héritière de celle de Descartes, qui affirme une totale disjonction entre l’être humain et l’animal, et constitue une rupture avec celle-ci. Si la nouvelle conception de l’âme apportée par Spinoza rompt bien avec l’idée qu’il faudrait faire appel à une matière différente que celle du corps pour expliquer ses affects et la pensée, nous nous demanderons si toutefois elle ne comporte pas certaines contradictions avec le traitement des animaux qu’elle propose. Etudier comment l’animal peut être conçu implique une manière de concevoir les animaux et vivre avec eux. Nous devons donc nous demander si, en mettant en lumière une continuité dans la composition des corps, nous mettons par là en lumière une continuité dans les rapports humains avec les animaux ? Nous choisissons une approche qui consistera à s’intéresser à l’effectivité des rapports humains aux animaux puisque comme nous le verrons, l’âme peut être expliquée selon les mêmes principes corporels pour l’animal et pour l’être humain. Dans cette pensée l’être humain renoue avec une conception du corps et de l’âme qui l’unifie à l’animal.

L’argument de la même composition peut-il nous conduire à avancer que nous devons entrer dans un rapport unifié aux animaux, et supprimer toute barrière entre eux et l’être humain ? Nous verrons dans un premier temps en quel sens Spinoza entend renverser la conception de l’âme conçue jusqu’alors comme une entité strictement spirituelle et intelligible en l’incorporant dans l’individu même. Cela aurait pour effet de pointer une sorte de continuité entre l’être humain et l’animal. Nous analyserons ensuite les contradictions possibles entre la continuité suggérée avec cette idée de continuité possible et l’injonction de Spinoza à utiliser les animaux à notre gré, supposant ainsi une nette supériorité de l’être humain. Nous nous demanderons par-là s’il n’y avait pas un précurseur dans l’Ethique, de l’utilitarisme, vers lequel nous nous tournerons pour tenter de trouver une solution aux problèmes rencontrés dans l’étude de la thèse de Spinoza.

  1. Incarnation de l’âme chez Spinoza : une continuité qui fait rupture ?

 

En quoi l’inclusion de l’âme dans les principes corporels peut être comprise comme l’instauration d’une continuité entre l’animal et l’être humain et comment comprendre cette continuité ? Commençons par voir que si l’animal peut être considéré comme un individu, alors l’idée d’une continuité entre celui-ci et l’être humain pourrait être pensée.  

La redéfinition opérée par Spinoza consiste à penser les individus comme des agrégats complexes de corps simples[2]. De ce fait, les animaux sont considérés par lui comme des individus. Le terme ne renvoie pas à une sorte de conscience morale que l’on peut associer à la notion de personne, mais uniquement à ce qui constitue le corps, plus ou moins complexe dans sa singularité : les animaux sont des corps avec des degrés de complexité différents, plus ou moins élevés. Ce n’est pas dans la similitude de la composition des corps que nous pouvons trouver l’idée de continuité qui nous intéresse mais dans le fait d’inclure l’âme dans le principe définitionnel de cette composition. En effet, l’une des majeures ruptures de Spinoza avec les conceptions antérieures réside dans l’identification de l’âme aux principes corporels et c’est en cela que la continuité peut être aperçue. Sans faire appel à un élément extérieur à la corporalité, l’âme peut être définie selon l’auteur de l’Ethique. L’animal n’est plus selon cette approche, comme le voulait Descartes, physiquement distingué de l’être humain en ce qu’il ne serait qu’un amas d’éléments physiques[3] auquel il manquerait l’ajout d’un principe différent. L’âme ne joue donc plus le rôle de discriminant entre Homme et animal en tant qu’elle serait présente ou absente chez l’un ou l’autre. En incluant la définition de l’âme dans la constitution des individus par des éléments en constant rapports les uns avec les autres,  il n’y a plus, d’une part les animaux dénués d’âme, et d’une autre les êtres humains dotés de celle-ci. L’animal n’est plus une entité vide, il est composé d’éléments au même titre que le corps humain. Dans la mesure où l’âme était considérée chez Descartes comme ce qui permet aux êtres vivants de raisonner, et l’unique faculté des individus à être affectés, on peut donc y considérer la non-attribution d’une âme aux animaux comme une exclusion de ceux-ci aux capacités d’être affecté. Le pas opéré ici revient en quelques sortes à nier l’exclusivité de l’être humain à propos de l’attribution de l’âme. Il met fin à une sorte de privilège proprement humain d’être affecté. Le premier pas indiquant la continuité entre l’animal et l’homme est donc le fait que l’un et l’autre sont disposés à être affectés du fait de leur constitution corporelle.

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