Pour qui sonne le Glas, Chronique d'un enfermement Covid
Discours : Pour qui sonne le Glas, Chronique d'un enfermement Covid. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Michel SANLAVILLE • 24 Août 2025 • Discours • 1 700 Mots (7 Pages) • 34 Vues
“À vendre chaussures bébé jamais portées.“ – Ernest Hemingway prix Nobel de littérature –.
C’est l’histoire la plus courte jamais éditée. Cerécit est remarquablement complèt et puissamment provocateur. Il y a un début, un milieu et une fin ! Nous aurions pu en rester là. Autre temps.
Inouï, c’est le premier mot que j’ai verbalisé pour décrire cette nouvelle ère, cet autre temps.
C’était le 12 mars 2020, autant dire au siècle dernier, à Bruxelles grande taille (Ixelles pour les belges). Comme l’Aviateur du petit Prince, mais dans la foule urbaine, j’étais à la recherche d’une clef pour réparer une roue sur mon véhicule immobilisé sur le bord du caniveau. Si je me trouvais sur ce trottoir, c’était pour l’urgence d’une installation pour confinement que l’on imaginait encore comme une vacance. J’abordais donc toutes personnes susceptibles de me dépanner. Au-delà des regards urbains mais absents reçus dans ce genre de circonstance je fus repoussé par un “un mètre“ que je n’avais pas encore atteint en distance, mais le contact avait établi la limite. L’invective, par sa violence, ne m’interpellait en aucun cas sur ma qualité ou ma taille
Il s’agissait bien de frontière, une nouvelle règle venait de naitre. Elle me fit l’effet d’un réveil.
Inouï, dont on n’a jamais ouï parler.
Homo sapiens, espèce vivant son paroxysme grégaire, innovait encore… C’était le début d’une acceptation commune de distanciation et de retraite. Ce nouveau temps, faible en contact, allait donner réflexion et choix entre la double injonction contradictoire : l’autre est mon danger, le collectif est mon salut.
Ce devait être le monde de Blade Runner (1982), dont l’action est censée se dérouler en 2019, ou celui de Soleil vert (1973), qui se passe en 2022. C’est finalement le monde de Contagion (2011) que nous vivions.
Étant reconnu travailleur, les pathologies du DMS (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) peuvent rester dans leur case.
Mais le moment permettra d’écrire de nouveaux chapitres dont l’un portera peut-être sur la solastalgie, néologisme publié il y a 15 ans par le philosophe australien de l'environnement Glenn Albrecht.
C'est une combinaison de deux mots :
— du latin solari/sōlācium (consolation, réconfort) dont une partie des significations a trait à l'atténuation d'une détresse
— du grec algia, évoquant la douleur physique, la maladie ou dans le cas présent la douleur morale.
La solastalgie est donc une forme de détresse psychique ou existentielle dont l’origine est toute certitude dument prouvée.
L’enferment mental qui conduit à la solastalgie est nourri par l’acquisition des savoirs et le manque d’ouverture à l’autre. Elle ne concerne pas que le "peuple", les "gens", elle concerne aussi les dirigeants qu’ils soient politiques ou économiques, la certitude dument prouvée, mais… hors-sol.
Le néologisme solastalgie exprime les blocages dans lesquels l’on peut se trouver. C’est un signal faible de l’enfermement. Même le Chili qui fait preuve de démocratie stable, de croissance, connait la solastalgie, car souffrant d’inégalité. Ces souffrances, quoi qu’elles concernent (comme exprimées Friday for Future de Greta Thunberg) sont des signaux faibles. Dans un monde de savoir, la solastalgie est de plus en plus épidermique, il ne faut pas hésiter à y remédier par un vrai dialogue. La solastalgie est explosive.
“Quand il voit des mauvais signes, celui qui a peur se représente sa propre fin et il prend ses imaginations pour des pressentiments. Je crois que c’est tout ce qu’il y a dedans. Je ne crois pas aux ogres, ni à la divination, ni aux choses surnaturelles“ déclare Robert Jordan dans la grotte des partisans républicains espagnols sous la plume d’Hemingway
Sans le savoir nous allions débuter ce parcours d’un autre XXIe ou d’un nouveau XXIIe siècle en faisant l’expérience de la caverne, chère à Platon. Une mise en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une « demeure intérieure », par opposition au « monde d’avant » pour la circonstance.
Dans la forme moderne vécue, les enfermés n'ont jamais vu directement la source de la véritable information, c'est-à-dire la confiance en un discours de l’autre, dont ils ne connaissent que le rayonnement qui parvient à pénétrer jusqu'à eux via les écrans et les internets. Des choses et d'eux-mêmes, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne par une illusion d’eux. Des vérités, ils ne connaissent que les échos. Pourtant, ils nous ressemblent.
Platon est un idéaliste dans la mesure où il pose le primat des idées sur la matière.
Le monde des Idées, éternel et immobile, prévaut sur le monde sensible, monde de l’illusion, temporaire. La réalité intelligible est le vrai réel. Les objets du monde ne sont que des reflets
Mais Marx, en matérialiste, renverse la hiérarchie platonicienne : le monde des idées est le reflet du monde des objets (rapports de production
Le STOP2020, cet arrêt dans l’anthropocène du concept de production/consommation renvoie à la définition de la condition de l'homme moderne d’Hannah Arendt qui dénonce le danger d’emprisonnement de l'individu dans un processus sans fin, le rendant aveugle à la futilité d'une vie consacrée au travail et à la consommation.
Pour me rassurer, me stabiliser pour rebondir
...