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Révolution chromatique du 19e siècle

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Par   •  19 Avril 2021  •  Cours  •  2 226 Mots (9 Pages)  •  353 Vues

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9. LA RÉVOLUTION CHROMATIQUE DU 19e SIÈCLE

L’INFLUENCE DE CHEVREUL SUR LA PEINTURE

Il faut attendre presque un siècle pour que le mouvement impressionniste attaque de front l’ordre néo-classique. La rébellion est longtemps restée marginale. Les peintres impressionnistes sont tournés en dérision, exclus des institutions au pouvoir. Mais à la toute fin du 19e siècle, la Révolution française trouve un écho tardif dans le triomphe de la couleur.

En 1884, le peintre Paul Signac rencontre le chimiste Michel-Eugène Chevreul. Cette visite est « son initiation à la science des couleurs ». Parmi les ouvrages de Chevreul sur la couleur, celui sur la Loi du contraste simultané des couleurs, publié en 1839, est le plus connu. Lien — http://indexgrafik.fr/loi-du-contraste-simultane-des-couleurs-1839/

Dans ce livre, Chevreul propose un certain nombre d’applications à « l’art de la peinture » : son analyse des ombres colorées s’éloigne considérablement des notions du clair-obscur et du bitume. Le travail du chimiste Chevreul influence beaucoup les peintres, notamment à travers la création du premier cercle chromatique.

Image de gauche — 1er cercle chromatique de Mr Chevreul renfermant les couleurs franches, 1861. Bibliothèque nationale de France, Paris. Image de droite — Paul Signac, Saint-Tropez, la bouée rouge, 1895. Huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris.

Chevreul a l’audace de dire : « pour imiter fidèlement le modèle, il faut le faire autrement qu’on ne le voit ». La théorie de Chevreul est la caution de la science sur laquelle s’appuyer pour en finir avec le réalisme, l’esthétique vériste de fidélité au réel et de couleur locale héritée du classicisme. Se désintéressant des symboliques de la couleur et optant pour une nomenclature et des manipulations quantitatives, Chevreul accomplit la rupture idéologique liée à l’industrialisation des couleurs pigmentaires. Il prépare l’avènement des conceptions scientistes de la couleur fréquence qui vont se développer en Occident. Mais l’héritage symbolique ne s’efface pas si aisément, il demeure, de façon confuse et contradictoire, dans la naissance simultanée de la psychologie émotionnelle des couleurs. Ce que l’on voit dépend de l’œil et donc de « l’âme », c’est-à-dire des émotions, de l’imaginaire, de la « vie intérieure » et non pas de la « réalité objective ». Chevreul appelle l’époque à manipuler librement l’immense réservoir des couleurs, comme un atlas. Le sujet est invité à nommer les couleurs selon des numéros, compter à sa guise, explorer, choisir et transformer la couleur.

LA RÉVOLTE IMPRESSIONNISTE ET LES COULEURS PURES

Le mouvement impressionniste regroupe des courants très différents les uns des autres. Cependant, le grand public les considérait comme des artistes qui ne savaient ni peindre ni dessiner. L’impressionnisme se caractérise par l’irruption des couleurs pures dans la peinture faisant scandale, à l’opposé du « bon goût » officiel. Édouard Manet est considéré comme le précurseur de ce mouvement et il est l’une des premières cibles des critiques d’art. On lui reproche de « barbouiller » ses toiles et de « faire hurler les tons ». Lors du Salon de 1869, un critique s’amuse du Balcon de Manet, : « peint avec un grand pot de vert Véronèse… à la façon d’un peintre en bâtiment (…) chaque fois que je passe devant le balcon aux barreaux verts, mon front se déride et je deviens hilare ». Mais à partir de 1886, les critiques et les sarcasmes se font plus rares. Image — Édouard Manet, Le Balcon, 1868-1869. Musée d’Orsay, Paris.

Image — Georges Seurat, Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, 1884-1886. Art Institute of Chicago.

La critique du tableau de Seurat par Félix Fénéon est bienveillante et analyse les systèmes colorés utilisés.

En 1886, le temps des sarcasmes est passé. Cependant, les peintres ne vendent pas pour autant à la société bourgeoise. Le marchand d’art Durand-Ruel partira placer les toiles aux Etats-Unis pendant que la misère de Paul Gauguin ou de Van Gogh s’approfondit jusqu’au désespoir. L’historien Charles Blanc attribue ce rejet à l’ignorance, au fait que les « éléments du coloris n’ont pas été analysés et enseignés dans nos écoles, parce qu’on regarde en France comme inutile d’étudier les lois de la couleur, d’après ce faux adage, qui court les bancs : on devient dessinateur, on naît coloriste ». Autrement dit, le bon goût s’exprime dans le dessin alors que la couleur est une affaire de sentiment et d’intuition.

Le principe impressionniste de la couleur, si tant est qu’on puisse le schématiser, consiste à donner une équivalence de la lumière et de l’ombre par un contraste de couleurs chaud-froid. En effet, il s’agit de substituer aux teintes chaudes des zones claires et aux teintes froides des zones foncées. Généralement, un mélange de petites touches chaudes et de touches froides se substitue aux zones intermédiaires. Image de gauche — Georges Seurat, Une baignade à Asnière, 1884, huile sur toile (détail). National Gallery. Londres. Image de droite — Gustave Caillebotte, Canotier au chapeau haut de forme, 1877, huile sur toile.

Si la France est l’exemple le plus significatif de l’évolution des codes chromatiques, elle n’est pas la seule en Europe. L’impressionnisme a débuté en Grande Bretagne, bien avant de s’imposer en France. Le peintre William Turner joua un rôle essentiel pour les impressionnistes français, notamment avec son célèbre tableau Pluie, vapeur, vitesse.

Image — William Turner, Pluie, vapeur, vitesse Le Grand Chemin de fer de l’Ouest, 1844, huile sur toile (détail). National Gallery. Londres. Turner est le premier peintre à avoir libéré la couleur et la touche (manière de peindre) de tout réalisme classique. Il choisit des thèmes picturaux originaux et audacieux.

En effet, l’impressionnisme substitue aux thèmes grandiloquents et mythologiques du néo-classicisme la peinture de plein air, la représentation de la nature et la vie des gens ordinaires. Les impressionnistes recherchent les « petites sensations », les émotions subjectives, fugaces et l’intensité de l’impression vécue.

LA NATURE ET L’EXOTISME POUR ÉCHAPPER À L’ACADÉMIE

En histoire de l’art, on observe souvent que toute rupture avec les conventions invoque le recours à la nature. Il s’agit peut-être du seul lieu

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