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Étude du film The Thin Red Line de Terence Malick

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Par   •  11 Mars 2014  •  11 111 Mots (45 Pages)  •  1 245 Vues

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Analyse ligne rouge

Après le mémorable Days of Heaven et vingt ans de silence, Terence Malick signe en 1998 un retour attendu, entouré d'un halo de mystère, avecThe Thin Red Line, film événement par son ambition, son ampleur, sa pléiade de stars, film de guerre complètement atypique par son coté contemplatif. En effet, Malick ne renonce pas à cette veine philosophico-poétique qui est la sienne, fort rare dans une superproduction hollywoodienne, et nous livre une oeuvre singulière et impressionnante, romantique et nourrie de culture, renvoyant à un certain courant de la littérature américaine et de la philosophie. Car en vérité, Malick ne cache pas la portée métaphysique de son propos; il préfère dépasser les données contingentes, historiques de la fameuse bataille de Guadalcanal pour aborder la guerre dans son être-même en tant qu'elle implique un véritable être-au-monde et aussi en tant qu'elle constitue un des grands mystères de l'existence et de l'humanité, en posant le problème du mal.

En première instance, il semble que Malick ait trouvé dans le film de guerre, tel que le récit de James Jones lui en fournissait la matière, un genre lui permettant de traiter son thème de prédilection: le rapport à la Nature (ou au cosmos). L'île de Guadalcanal est clairement filmée comme un lieu idyllique, aux airs de jardin d'Eden, où les autochtones, loin de l'affrontement entre américains et japonais, vivent en harmonie avec le monde; un monde d'avant la chute, baignant le film (et ce qui s'y joue: la guerre) dans la lumière d'un matin des origines. Et l'on sent, chez Malick, l'intention naïve et première de filmer simplement la beauté du monde, d'en témoigner, sans tricher, sans rien recréer artificiellement. De là cette impression de chant, de célébration du monde.

C'est dire le caractère contemplatif du film, qui procède de façon poétique, s'arrêtant sur des éléments de pure beauté qui suspendent le cours du récit : travellings aériens et envoûtants au raz des herbes, ralentis, superbe composition plastique des plans, images fugitives de pure beauté picturale (l’image d'un soldat qui craque une allumette dans une tante, éclairée comme un tableau de Georges de la Tour), musique planante et orchestrale de Hans Zimmer.

Le chant du monde se présente comme le témoignage de sa diversité. La nature est un réservoir inépuisable d'êtres, de cas, d'espèces, d'individus. Comme dans Days of Heaven, Malick filme les ciels, les rivières, la flore, et surtout la faune, comme si le cinéaste voulait rassembler dans l'espace du film la totalité des espèces du vivant. Cinématographiquement, cela se traduit par des plans en inserts de différents animaux. Or on ne peut manquer dêtre frappé par le fait que ces inserts sont détachés de l'économie fonctionnelle du récit, comme séparés de ce qui se joue entre les hommes (la guerre) : sortes de contrepoints ironiques inscrit dans un contrechamp inaccessible. Enigmatiques ou allégoriques (l'oisillon à terre pendant que les combats font rage, une feuille rongée de trous comme un soldat criblé de balle), ils semblent avoir pour fonction d'attester la présence foisonnante du monde, d'établir celui-ci dans son être-là, une nature profondément habitée, animée au sein de laquelle se situe l'humanité en guerre. Il y a dans le cinéma de Malick un panthéisme évident, lié à un strict plan d'immanence (aucune trace de transcendance chez Malick).

Que la guerre prenne place dans un cadre aussi paradisiaque est significatif ; c'est là évidemment une façon spectaculaire d'opposer les deux ordres de la nature et de l'histoire et de renouer avec un thème romantique : La nature, dans sa beauté et majesté même, est indifférente à la violence et au malheur des hommes. Cependant, le plan d'un visage de japonais mort qui se mêle à la terre rappelle que l'homme, dès lors qu'il quitte l'ordre historique et humain, revient à la nature. De même, lorsque Witt, le soldat déserteur, se fait tuer par les japonais, sa mort coïncide avec les images d'harmonie originelle, de fusion avec la nature.

De cette séparation irrémédiable procède le problème du mal, auquel Malick ose cinématographiquement se mesurer. Le mal, en l'occurrence la guerre, est le signe que l'homme a brisé l'unité du monde et s'est livré à la division. A l'origine, pourtant, l'unité était possible. Ce n'est pas un hasard si le cinéaste débute son film par une longue séquence rousseauiste où l'on voit le soldat Witt (James Caviezel) partager la vie d'une tribu de pêcheurs mélanésiens, en parfaite harmonie avec le monde. Le mal, c'est donc la perte de l'un ; le film répète le mythe de la Genèse et de la Chute et se place sous le signe du paradis perdu, un thème profondément américain.

Pour autant, la question du mal ne saurait se réduire à une vision manichéenne. Il n'y a pas d'un côté une nature bonne et harmonieuse, de l'autre une histoire mauvaise et violente. Ainsi, du point de vue de Witt, la nature renvoie à un souverain bien. Mais du côté du colonel (Nick Nolte) elle correspond à un univers dur et cruel . Au capitaine trop sensible qui lui a désobéi en refusant d'envoyer ses hommes à une mort certaine, il désigne au loin des lianes envahissant tout sur leur passage et donne un modèle naturel à la guerre, celle-ci n'étant que la continuation humaine de la nature.

Ainsi le monde que donne à voir Malick est placé sous le signe de l'ambivalence, lieu conjoint de discorde et d'harmonie. Sans doute faut-il voir là la loi secrète qui gouverne la composition de The Thin Red Line : une dialectique du fragment et du tout.

En effet, si le mal, en tant que principe de division, est le problème philosophique central du film (par le biais de la voix-off de Witt, la question sera posée : d'où vient le mal ? Comment expliquer sa présence sur terre ?), c'est qu'il pose la relation paradoxale et impossible entre l'Un, le Principe et la diversité de ses manifestations, de ses formes.

Revenons à la nature. L'admirant sous l'une de ses facettes (un couple de perroquets), Witt, encore lui, exprime cette interrogation métaphysique : " Ou est le Principe qui se manifeste sous des formes aussi diverses ? " La nature est soumise à la loi du fragment. Et le monde, chez Malick, apparaît comme

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