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Les classes sociales sont-elles pertinentes pour rendre compte de la société ?

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Par   •  8 Avril 2022  •  Dissertation  •  4 166 Mots (17 Pages)  •  808 Vues

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Les Classes sociales sont-elles pertinentes pour rendre compte de la société ?

« L’histoire de toute société est l’histoire de la lutte des classes. » Cette citation de Karl Marx et de Friedrich Hengels dans Le Manifeste du parti communiste de 1848 nous montre à quel point les classes sociales tiennent un rôle important dans nos sociétés notamment lorsqu’elles sont antagonistes.

En effet, les classes sociales ont longtemps été un moyen d’appréhender la répartition de la population en groupes sociaux différenciés au sein d’une société. C’est un outil qui permet d’analyser la structure sociale c’est-à-dire la manière dont les groupes sont hiérarchisés au sein d’une société et donc de comprendre davantage le fonctionnement du monde qui nous entoure et la manière dont s’opèrent les différenciations entre les individus. En reprenant la définition de Karl Marx, une classe sociale a une dimension strictement économique. C’est la position dans le processus de production qui détermine la classe à laquelle un individu appartient : soit on détient les moyens de production (classe des capitalistes), soit on ne possède que notre force de travail (classe des prolétaires). De cette position découlent nos conditions d’existence matérielle et nos modes de vie. Par ailleurs, à l’intérieur de chacune de ces classes, les individus ont un sentiment d’appartenance et sont aussi  capables de s’organiser pour défendre leurs intérêts dans le cadre de la lutte des classes (d’où cette citation préalable). Cependant, les profondes mutations liées à l’évolution de la société française et notamment du monde du travail depuis les année 60 rendent l’analyse de Marx moins appropriée pour comprendre notre structure sociale actuelle. Ainsi, certains éprouvent un sentiment d’appartenance pour un groupe social sans que celui-ci ait un lien avec leurs places effectives dans les rapports de productions.

Par conséquent, la question de la pertinence d’une approche en termes de classe sociale pour rendre compte de la société française actuelle se pose. Il convient alors de s’interroger sur la représentativité des classes sociales et de montrer que l’analyse marxiste peut être aujourd’hui remise en cause.

Dans un premier temps, il s’agira de montrer que les classes sociales ne permettent pas de refléter la structure sociale en France actuellement, puis nous nuancerons ce propos en montrant qu’elles restent un critère important pour hiérarchiser les individus en groupes sociaux différenciés dans la mesure où les clivages entre les classes n’ont pas totalement disparu.

Tout d’abord, la réduction des inégalités depuis les années 80, la constitution d’une vaste classe moyenne ainsi que le déclin « d’une conscience de classe » et l’apparition d’autres facteurs de hiérarchisation indiquent un affaiblissement de la pertinence des classes sociales. L’analyse de Marx est inappropriée pour rendre compte de la société française actuelle.

En effet, le recul des distances interclasses marquée par la baisse des inégalités entre des individus de différentes classes ainsi que le phénomène de moyennisation qui en découle sont une cause de la disparition progressive des classes sociales. Il y a recul de la « classe en soi ».

Effectivement, la réduction des inégalités économiques et sociales et la progression de la mobilité sociale depuis les Trente Glorieuses ont renforcé la tendance à une homogénéisation sociale et à un effacement des distances interclasses. Ce mouvement est avant tout lié aux différentes évolutions de notre société.  La première peut être celle de la mise en place d’un Etat providence qui offre une protection sociale à chaque individu. Ensuite l’évolution de la population active a largement contribué à une homogénéisation de la société avec le développement du salariat et des droits qui y sont associés, la féminisation et la tertiarisation de la société depuis les années 50. . Des réformes fiscales ont aussi amenuisé les différences sociales comme la mise en place des taux d'impositions sur le revenu et sur le patrimoine des plus riches et le versement de prestations. De même, la massification scolaire, en rendant davantage possible les mobilités sociales ascendantes, rend difficile toute identification trop marquée à une catégorie sociale spécifique. Enfin des pratiques de consommations communes en bas comme en haut d'échelle sociales, et des modes de vie apparentés peuvent donner l'impression que la place de chacun dans l'appareil productif n'est plus déterminant. Les modes de vie se sont alors amplement homogénéisés, rendant les classes sociales moins distinctes.

Ainsi, certains sociologues comme Henri Mendras parlent de moyennisation de la société. Cela correspond à un processus de constitution d'une vaste classe moyenne réduisant les positions extrêmes dans la stratification sociale et rapprochant les modes et les niveaux de vie. Ce phénomène brouille les frontières interclasses : les classes extrêmes, en interaction permanente avec la classe moyenne, se mettent ainsi à lui ressembler, et la possibilité d’une mobilité sociale s’accroît. Dès lors, cette vaste classe moyenne symboliserait l’effacement des barrières entre les classes et remettrait en cause l’analyse marxiste de la stratification sociale, donc l’idée d’une bipolarisation de la société autour de deux classes sociales antagonistes et en lutte. Dans ce cadre, l’expression « classe sociale » semble difficilement appropriée pour rendre compte d’une structure sociétale marquée par le mouvement de moyennisation depuis les années 60.

Par ailleurs, on peut voir un affaiblissement de la pertinence du concept de classe à travers le déclin de la conscience de classe. On observe ainsi, chez les individus, une baisse de l’identification subjective à une classe ainsi que la montée de l’individualisme. Il y a recul de la « classe pour soi ».

En effet, tandis que progresse le sentiment d’appartenir à la classe moyenne du fait de son hétérogénéité et de sa position intermédiaire dans l’espace social, l’identification subjective à une classe, notamment celle ouvrière, a fortement chuté en France. Dans une enquête sur les ouvriers Peugeot en 1993, les sociologues Stéphane Bead et Michel Pialoux ont montré que les individus de la classe ouvrière avaient totalement perdu leur sentiment d’appartenance et qu’ils ne le revendiquaient plus comme élément d’identité. Plusieurs facteurs expliquent cet affaiblissement depuis les années 70 : le déclin de la représentativité politique et syndicale, la diminution du nombre d’emplois industriels à partir de 1975, le développement d’emplois précaires ainsi que la multiplication des contrats précaires courts (qui freinent voire empêchent le développement d’un collectif). De plus, le taux de chômage élevé chez les ouvriers renforce la division des travailleurs et l’exacerbation de la concurrence au sein du groupe. Selon l’INSEE, en 2014, en France, le taux de chômage dans la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers était impressionnant : 15, 1 % des ouvriers étaient au chômage. Le fait que le travail devienne rare et donc précieux créé une division au sein des ouvriers de plus en plus mis en concurrence. Ainsi, des travailleurs d’une même classe, d’une même catégorie socioprofessionnelle peuvent se retrouver dans des situations totalement inégales. Dès lors, nous pouvons parler d’un accroissement des distances intra-classes remettant en cause l’homogénéité des classes sociales. Les divisions au sein de ces groupes (entre les plus qualifiés et les non-qualifiés, entre générations, selon la taille des entreprises, etc.) rendent plus difficile la capacité des travailleurs à se mobiliser pour défendre des intérêts communs. Comme ce critère est inhérent au concept de classe pour Marx et qu’il s’affaiblit, l’analyse en termes de classe sociale pour rendre compte de la place des individus dans la société actuelle semble moins pertinente.

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