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Une vie heureuse est-elle une vie de plaisirs ?

Dissertation : Une vie heureuse est-elle une vie de plaisirs ?. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  18 Novembre 2022  •  Dissertation  •  1 952 Mots (8 Pages)  •  394 Vues

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Une vie heureuse est-elle une vie de plaisirs ?

«Tous les hommes recherchent d’être heureux, jusqu’à ceux qui vont se pendre.» remarque Blaise Pascal dans ses Pensées, soulignant le caractère universel de cette quête. Pourtant, si tout le monde cherche le bonheur, c’est à dire un état de satisfaction global et durable, les moyens d’y parvenir peuvent varier selon les individus.

Par exemple, certains, qu’on peut qualifier d’« hédonistes» (du grec «hédonè» qui signifie «plaisir») identifient le bonheur au plaisir et s’imaginent que l’accumulation des plaisirs sera en mesure de rendre leur âme heureuse. En effet, le plaisir consistant dans une sensation agréable, la multiplication des plaisirs ne serait-elle pas en toute logique la clef du bonheur, le moyen de se maintenir dans un perpétuel état de bien-être ? Pourtant, est-il réellement possible d’obtenir un état de satisfaction global et durable à partir de ces sensations fugaces, éphémères et très ciblées que sont les plaisirs ? Par ailleurs, la recherche perpétuelle et frénétique de nouveaux plaisirs ne finira-t-elle pas à faire de l’hédonisme une quête infinie et épuisante ? Le plaisir ne pouvant, par nature, jamais durer, l’âme ne risque-t-elle pas inévitablement de connaître des instants de manque et donc déplaisir ?

Nous verrons dans une première partie qu’il paraît impossible de concevoir une vie véritablement heureuse d’où le plaisir serait absent. Nous montrerons néanmoins que la recherche déraisonnable et immodérée su plaisir rend l’âme esclave et risque de la conduire au malheur. Enfin, nous essayerons de voir en quel sens une vie exclusivement tournée vers le plaisir risque de conduire à un bonheur vide, inconsistant et superficiel.

I/ Une vie sans plaisir serait trop austère pour rendre l’âme heureuse.

Epicure remarque dans sa Lettre à Ménécée que c’est la nature elle-même qui nous pousse spontanément à rechercher le plaisir et à fuir la douleur.Nul besoin d’ailleurs d’être philosophe pour s’apercevoir qu’une vie agrémentée de plaisir, avec la joie que ceux-ci nous procurent, rend la vie agréable et contribue donc à notre bonheur.

Pourtant dès l’Antiquité grecque, certains philosophes comme les stoïciens ont jeté l’anathème sur les plaisirs et ont même prôné l’«apatheia», c’est à dire l’impassibilité, le rejet des émotions, accusées de perturber la tranquillité de notre âme, c’est à dire l’«ataraxie». En effet, comme le dit le stoïciens Sénèque dans La vie heureuse, «le vrai plaisir est dans le mépris des plaisirs», puisque du point de vue stoïcien, la recherche des plaisirs encourage le vice, détourne de la sagesse et de la vertu et conduit l’âme à l’inquiétude. Comme le dit Sénèque dans le même ouvrage,«le plaisir est le plus souvent en fuite, à la recherche de l’obscurité autour des bains, des étuves, et des lieux où l’on craint la police, mou, sans nerf, imbibé de vin ou de parfum, pâle, fardé, cadavre embaumé d’onguent». En recherchant les plaisirs, on cours le risque d’être tiraillé par le manque et l’anxiété, devenant en quelque sorte esclave de ses désirs, par nature infinis et insatiables, recherchant toujours plus de sensations nouvelles, y compris les moins nobles. D’où l’affirmation d’Epictète dans son Manuel selon laquelle “le bonheur ne consiste pas à acquérir et à jouir, mais à ne rien désirer, car il consiste à être libre”.

Schopenhauer, dans ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie, compare l’homme tiraillé par ses désirs insatiables aux Danaïdes condamnées pour l’éternité à remplir un tonneau percé, ou à Tantale, condamné à avoir faim et soif pour l’éternité dans l’Hadès, ne pouvant boire l’eau du fleuve qui disparaît dès qu’il se penche pour s’en désaltérer, ni cueillir les fruits des arbres dont les branches sont rendues inaccessibles par les bourrasques. Selon Schopenhauer, rechercher le plaisir c’est se rendre esclave de la pulsion du désir. Schopenhauer propose donc une éthique ascétique inspirée de la pensée bouddhiste, recommandant une forme de détachement du corps et donc des plaisirs, pour se concentrer sur la vie intérieure, la vie de l’esprit, seule source d’une véritable satisfaction durable. En effet pour celui dont le seul projet serait d’essayer de satisfaire tous ses désirs, la vie ne ferait qu’ «osciller comme un pendule, de la souffrance à l’ennui» (cf. Le Monde comme volonté et comme représentation).

Pourtant, un jugement aussi radical et sévère sur les plaisirs n’est-il pas excessif ? Dans le Gorgias de Platon, alors que Socrate critique le discours hédoniste son interlocuteur Calliclès, ce dernier rétorque que la vie austère du sage qui chercherait à réprimer ses désirs et à fuir les plaisirs ressemblerait à celle d’une pierre. En effet, l’austérité de la vie ascétique ne serait-elle pas ennuyeuse et triste ? L’excitation que donne le plaisir n’est-il pas en quelque sorte le «sel» de l’existence ? En effet mener une existence réglée, basée sur la répression de ses émotions, sur l’absence de plaisir serait affreusement monotone et sans joie, plate comme un paysage désertique. Agrémenter sa vie de plaisirs simples comme manger un bon repas entre amis, contempler des œuvres d’arts, avoir un rapport sexuel, se réjouir d’une compétition sportive etc. n’est non seulement pas nuisible mais contribue pleinement au contentement de l’âme. Au contraire la répression ou la limitation de l’accès à ces plaisirs entraîne frustration et morosité. Comme le remarque Henri de Montherlant dans ses Carnets, les philosophes ascétiques comme les stoïciens, qui combattent tous les plaisirs au nom de la paix intérieure et du bonheur sont comparables à un médecin qui dirait à ses patients de se faire couper les pieds pour ne pas souffrir de ses ampoules...Un tel extrémisme semble en réalité bien peu raisonnable et peut-on encore parler de bonheur lorsque la vie s’apparente à celle d’une sorte d’automate privé d’émotion.

 

II/ Cependant la recherche perpétuelle du plaisir peut rendre l’âme esclave et les plaisirs doivent être pris avec raison et mesure

Une vie heureuse paraît inenvisageable sans l’agrément des plaisirs. Toutefois, si l’ascétisme paraît excessif et presque inhumain, ne serait-il toutefois pas tout aussi excessif de courir incessamment et sans discernement après tous les plaisirs ?

Ses adversaires ont souvent dit de Socrate qu’il méprisait le corps, le désir et les plaisirs physiques au seul profit de la pensée, de la raison, prêchant un ascétisme mortifère. C’est oublier que Socrate aimait se rendre à des banquets et y boire du vin, et qu’il aimait aussi les plaisirs physiques, notamment la compagnie des jeunes éphèbes. Ce que Socrate méprisait c’était avant tout les excès qui risquaient de rendre l’âme esclave. C’est ce Platon cherche à illustrer dans La République à travers sa métaphore de «l’attelage ailé» utilisée par Socrate. L’âme est comparable à un char conduit par un cocher et tiré par un cheval blanc – docile – et un cheval noir – impétueux -.  L’âme est composée de trois parties : l’épithumia, c’est à dire la partie désirante, comparable au cheval noir difficile à contrôler, le thumos, c’est à dire la partie dynamique qui correspond au cheval blanc docile et le logistikon, la partie rationnelle qui correspond au cocher qui doit toujours gouverner les deux chevaux, surtout le cheval noir. L’homme qui se laisserait gouverner par les seuls plaisirs sensuels serait dirigé par ce qu’il y a d’irrationnel en lui et il deviendrait soumis à ses désirs, alors qu’un individu à l’âme équilibrée doit savoir rester raisonnable et maître de lui-même, sans quoi il ne serait plus libre. Ainsi par exemple, celui qui ne sait pas s’arrêter de boire du vin au-delà du raisonnable finira sous l’emprise d’une force extérieure qui lui fera dire ou faire des choses qu’il regrettera ensuite ou qui pourra le rendre malade, transformant le plaisir en souffrance. C’est seulement lorsque le sujet tombe dans l’hybris, c’est à dire dans la démesure que la recherche du plaisir peut faire son malheur.

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