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La gaulle

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Par   •  26 Septembre 2021  •  Analyse sectorielle  •  2 945 Mots (12 Pages)  •  253 Vues

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Parmi les poèmes écrits par Rimbaud au cours de son année de "rhétorique" (l'équivalent de la classe de Première, aujourd'hui), "Les Effarés" a eu un destin un peu particulier. C'est ce poème que Rimbaud envoie au poète Jean Aicard en 1871, sous la forme d'une copie autographe présentant quelques variantes intéressantes avec le poème du "Recueil de Douai". Il est aussi le seul des poèmes de 1870 à se retrouver dans le dossier d'œuvres de Rimbaud constitué par Verlaine au cours de l'année 1871 : il s'agit d'une copie de la main de Verlaine, présentant de nombreuses et séduisantes variantes, dont il ne faut pas douter qu'elles aient été dictées par Rimbaud lui-même. C'est d'ailleurs cette version que nous avons choisie d'étudier, comme étant postérieure aux deux précédemment citées et sans doute la plus aboutie, esthétiquement parlant. Enfin, notons que Verlaine reproduira ce texte dans ses "Poètes maudits" (1883) en l'accompagnant d'un éloge emphatique :

"Nous ne connaissons, pour notre part, dans aucune littérature, quelque chose d'un peu farouche et de si tendre, de gentiment caricatural et de si cordial, et de si bon, et d'un jet franc, sonore, magistral, comme Les Effarés."

L'intérêt prolongé de Rimbaud et Verlaine pour le poème s'explique en partie par des raisons contingentes : il est probable que Rimbaud, à Paris, en 1871, n'était déjà plus en possession de beaucoup de ses textes de 1870 et que Verlaine avait perdu la trace de la plupart des manuscrits rimbaldiens en 1883. Mais la fortune de ce texte vient aussi, certainement, de ce qu'il constituait pour le jeune littérateur une bonne "carte de visite" : "Les Effarés" possèdent des qualités formelles qui étaient à même de le faire apprécier par des amateurs de poésie parnassienne (sa construction soignée sinon savante, le pittoresque de la description), et il présentait un équilibre idéal entre une sensibilité sociale à la mode (rappelant Victor Hugo, François Coppée) et une tonalité satirique plus spécifiquement rimbaldienne (qu'expriment bien certains des adjectifs utilisés par Verlaine : "farouche", "caricatural"). Ce sont ces qualités littéraires que notre commentaire se donne pour but de mettre en relief.

1) Un bel objet poétique (la composition : structure métrique, structure syntaxique, structure narrative).

Le premier travail du poète est de créer une forme. Le poète de seize ans qui écrivit "les Effarés" n'eut pas à rougir de son inexpérience. Certes, il n'était pas le premier à composer un poème par tercets, ni même par tercets à vers hétérométriques, mais il s'illustrait là tout de même dans une forme rare (c'est le seul poème de ce genre dans le Recueil de Douai) bien mise à profit pour soutenir une structure narrative tendue vers sa chute, fort bien agencée pour tenir le lecteur en haleine.

Le poème est composé de douze tercets hétérométriques : les deux premiers vers sont des octosyllabes, le troisième est un tétrasyllabe (vers de quatre syllabes). Les deux vers longs riment ensemble, le vers court rime avec le vers court du tercet suivant, ce qui revient à dire que la forme de base du poème sur le plan de la rime est le sizain. Mais un sizain typographiquement scindé en deux tercets séparés : aab / ccb. On peut dire que la structure choisie est déjà génératrice d'une certaine tension : elle met en attente le lecteur jusqu'au vers 6 avant d'obtenir une unité strophique achevée.

Sur le plan du rythme, ce dispositif crée un effet particulier, fondé sur la syncope. La longueur réduite des vers (8-8-4) a pour conséquence un rythme bien marqué, proche des rythmes de la poésie populaire et de la chanson. En outre on remarque que les octosyllabes présentent des rimes féminines tandis que la rime des tétrasyllabes (b) est toujours masculine. La rime masculine du vers court lui confère une valeur plus brève encore par contraste avec les deux rimes féminines qui prolongent les octosyllabes d'un "e" atone mais pas totalement inexistant. Par ailleurs, ce vers court correspond souvent à une partie de syntagme placée en rejet (groupe nominal scindé en deux - v.33 -, COD séparé de son verbe -v.6-, groupe sujet scindé en deux -v.21-, plus fréquemment et moins significativement : groupes circonstanciels ou groupe de l'adjectif), ce qui renforce l'impression de déséquilibre. L'ensemble tend à produire un rythme spécifique, un balancement syncopé. Ces divers éléments concourent à créer le sentiment d'une forme solidement et habilement construite. Il en est de même de la structure narrative du poème.

La syntaxe partage le poème en deux parties nettement distinctes, de longueurs inégales : 5 tercets / 7 tercets. Par parenthèse, cette dissymétrie explique peut-être pourquoi Rimbaud n'a pas présenté son texte comme une suite de sizains, en regroupant deux par deux les tercets, conformément au système rimique du poème. S'il avait procédé ainsi, l'organisation strophique du texte aurait été en décalage avec sa logique syntaxique et narrative : le troisième sizain se serait terminé par une virgule (au lieu du point attendu) et aurait englobé le début de la longue phrase complexe qui constitue à elle seule la seconde partie du texte (tercets 6 à 12).

Les cinq premières strophes (v.1-15), en effet, constituent quatre phrases autonomes. Les strophes 2,3,4,5 s'achèvent chacune par un point. Au contraire, les sept strophes suivantes sont reliées entre elles par la syntaxe et ne forment qu'une seule longue phrase. C'est d'abord un enchaînement de trois propositions subordonnées conjonctives de temps introduites par "quand" (repris par "que" en tête de la strophe 8 dans la version que nous commentons). Puis, la proposition principale s'énonce (vers 25-26 de la strophe 9) immédiatement suivie d'une proposition subordonnée conjonctive de conséquence : "qu'ils sont là tous ..." (v. 27 de la strophe 9). Les strophes 10 et 11 sont composées de groupes apposés au sujet de la proposition : "(Ils sont tous là,) collant [...], tout bêtes, faisant [...]". Enfin, arrive la dernière strophe qui est composée, syntaxiquement parlant, de deux propositions subordonnées conjonctives de conséquence coordonnées complétant le participe "collant" (v.28) : "(collant leurs petits museaux roses

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