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Jeux sur l'identité au théâtre

Cours : Jeux sur l'identité au théâtre. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Mars 2017  •  Cours  •  2 435 Mots (10 Pages)  •  707 Vues

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Première – SQ2 : Jeux sur l’identité au théâtre

Lecture analytique n°7 : Ruy Blas, Victor Hugo, acte V, scène 4 : dénouement.

Exposé pris en charge par Chiara, Nour, Maxime.

Introduction développée pour contextualiser l’extrait : à vous de la retravailler pour en retenir uniquement ce qui ouvrira votre lecture analytique.

Victor Hugo :

  • Victor Hugo, né en 1802 et mort en 1885, étaient un poète, romancier et dramaturge français considéré comme l’un des plus importants écrivains de la littérature française. Il est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a compté dans l’histoire du XIXe siècle.
  • Il est reconnu pour avoir fait évolué la poésie, mais également le théâtre. Victor Hugo est en effet connu dans ce domaine en tant que dramaturge. Ses trois plus grandes pièces de théâtre sont Cromwell, Hernani et Ruy Blas .
  • En 1827, il publie Cromwell, une pièce qui ne sera alors pas jouée mais dans laquelle Victor Hugo bouscule toutes les règles du théâtre classique, unité de temps, de lieu, qui sont encore imposées et pratiquées à l’époque. Mais la révolution théâtrale qu’il a initiée n’éclatera réellement qu’en 1830 avec sa pièce Hernani, qualifiée de drame romantique, qui, elle, sera jouée et qui provoquera une séparation entre les anciens, fidèles aux lois du théâtre classique, et les modernes, qui veulent se libérer de toutes ces contraintes.

Le drame romantique :

  • Une opposition aux règles classique : rejet du carcan de la règles des trois unités (celle du temps, du lieu et de l'action), rejet de la bienséance pour aller vers un théâtre plus vivant, plus mobile.
  • Une volonté de mettre en scène certains thèmes chers au Romantisme : le grand mouvement de l’histoire en marche, l’héroïsme qui passe souvent par le sacrifice, le héros marginal (ici un valet amoureux d’une reine, qui se révèlera un héros capable de nobles actions.)…
  • Voir exposé sur le drame romantique.

Résumé de l’intrigue dans Ruy Blas

La pièce se situe à la fin du XVIIe siècle, à la cour d’Espagne. Don Salluste, noble par le titre mais qui est un personnage ignoble, est condamné par la reine à l’exil pour avoir déshonoré une jeune femme. Pour se venger, il met au point un piège pour la reine, prévoyant de rendre amoureuse la reine, puis de la faire surprendre et de la chasser. Pour y parvenir, il compte sur Don César, son cousin, un Grand d’Espagne (un noble) devenu un vagabond mais celui-ci refuse lorsqu’il apprend qu’il s’agit de perdre l’honneur d’une femme. Salluste conçoit alors le plan suivant : il ordonne à son valet Ruy Blas de revêtir l’habit et l’identité de Don César, avec pour mission de plaire à la reine et de s’en faire aimer… Or Ruy Blas aime depuis toujours la reine en silence. Les vœux de Salluste ne tardent pas à se réaliser. Les circonstances favorisent la fortune de Ruy Blas ; la reine l'élève aux plus hautes dignités et en fait son ministre d'État.  

Néanmoins, après beaucoup de rebondissements Ruy Blas trouve, pour sauver l’honneur de la reine, la force de lever son masque, et de lui révéler sa vraie identité, il tue alors son maître Don Salluste.

Nous voilà acte V, scène 4, dernière scène de la pièce : la reine refuse d’abord de pardonner à Ruy Blas cette supercherie qui blesse son honneur. Ruy Blas avale alors une fiole de poison et meurt sous les yeux mêmes de la reine, après avoir obtenu son pardon et l’aveu de son amour.

Problématiques possibles :

  • Comment le thème de l’identité soutient-il le dénouement de ce drame ?
  • En quoi ce dénouement est-il représentatif du drame romantique ?
  • Comment la révélation de l’identité crée-t-elle le drame ?
  1. La révélation de l’identité comme moteur de ce dénouement

Cette scène comporte deux mouvements séparés par la didascalie centrale : « Il prend la fiole posée sur la table, la porte à ses lèvres et la vide d'un trait. » Gradation du refus au pardon, puis à la déclaration.

  1. Les nœuds de l’intrigue sont résolus : c’est la fonction du dénouement
  • Don Salluste, qui voulait perdre la reine, a été tué par Ruy Blas dans la scène précédente.
  • Ruy Blas a révélé son identité véritable, et la reine finit par lui pardonner la supercherie,
  • L’amour impossible entre Reine/Valet trouve sa solution dans la mort de Ruy Blas : « Fuyez d’ici! Tout restera secret ».

  1. Les didascalies nombreuses donnent à cette scène intensité et mouvement :
  • « tombe à genoux » ; « à genoux » ; « il prend »… : vivacité de la mise en scène.
  • Actions émouvantes : « l’entourant dans ces bras » ; « la reine embrassé » ; « il tombe »…)
  • Elles montrent la progression de Ruy Blas vers la mort : c’est la voix qui s’éteint : « grave et basse », « sa voix s’éteint » ; puis la vue : « l’œil fixé à terre » ; « les yeux au ciel ».
  1. Le vocabulaire et champs lexicaux contribuent à l’intensité dramaturgique de ce dénouement
  • Champ lexical de la religion : « faute » ; « ange » ; « bénisse » ; « crucifié » ; « Dieu » (qui sera approfondi dans la seconde partie)
  • champ lexical de l’amour : (approfondi dans la seconde partie) : remarquons pour l’instant qu’il contribue à la tension émotionnelle, d’autant plus qu’il arrive trop tard : l’aveu de la reine suit le geste irréparable de Ruy Blas.
  • Le vocabulaire péjoratif du mensonge : « coupable » ; « trahison » ; « horrible » ; « maux » ; « secret », « âme vile », s’oppose à celui de l’honnêteté « franchise » ; « honnête » qui sont répété par Ruy Blas. A défaut de mourir pardonné, Ruy Blas souhaite laisser une image lavée de sa faute à la reine.
  • vocabulaire de la mort : « est consommé» « poison »; « mourant » ; « je ne pouvais plus vivre. » Remarquons que ce vocabulaire de la mort rime avec celui de l’amour : « consommé / aimée ; finis / bénie ».
  1. Le rythme dans l’enchainement des répliques accélère et contribue à la tension de ce dénouement.
  • Répliques qui deviennent de plus en plus courtes au fil de la scène : les deux dernières sont constituées de deux syllabes chacune : « Ruy Blas ! / Merci. »
  • phrase courte pour La Reine soit exclamatives ou interrogatives = création d’un rythme plus rapide et plus dynamique= question-réponse.
  1. La progression des sentiments de la Reine et le rapport entre les deux personnages.
  • Les mots utilisé pour désigner la Reine par Ruy Blas révèle l’idéalisation : « madame »; « votre majesté »; « pauvre ange »; « reine ». Dans le début de la pièce, Ruy Blas s’était désigné comme « un ver de terre amoureux d’une étoile ».
  • A cet amour idéalisé, répond tout d’abord l’honneur outragé d’une reine qui se sent trompée : Négation forte « jamais »; « non, jamais ».
  • L’acte irréparable de Ruy Blas (il s’empoisonne) est le pivot de la scène et provoque le changement radical de la reine qui réalise qu’elle est en train de le perdre : d’où la multiplication des interrogatives et des exclamatives.
  • Le changement dans l’emploi des pronoms (du « vous » au « tu ») accompagne l’émotion de la reine « Qu’avez-vous fait? Dis-moi! Répond-moi! Parle-moi!... te crois »; « je vous pardonne/…je te l’ordonne »
  • La Reine se laisse alors complètement aller à l’émotion amoureuse, au moment où elle comprend qu’elle perd Ruy Blas : voir les didascalies « l'entourant de ses bras », « se jetant sur son corps ». Voir enfin l’aveu  dans toute sa simplicité et son urgence : « je t’aime ». Il faut que Ruy Blas meurt en se sachant aimé et pardonné.
  • L’évolution de la façon dont les deux personnages s’interpellent : « monsieur, madame » au début, puis « Don César » que le valet refuse : « je m’appelle Ruy Blas ». Enfin, l’exclamation finale de la Reine qui rend à Ruy Blas son identité et révèle la profondeur et la réalité de ses sentiments envers le valet. Cette dernière interpellation change la tonalité de la mort de Ruy Blas « se réveille à son nom prononcé par la Reine. Merci ! ». Ruy Blas meurt pardonné et aimé. Cet amour l’élève au rang de héros tragique.
  1. Le drame romantique.
  1. La bienséance classique est mise à mal.

Victor Hugo ne respecte pas les règles de la bienséance en montrant au spectateur l'agonie de Ruy Blas sur scène et une scène d'amour très démonstrative.

  • C'est un dénouement spectaculaire : la lente agonie de Ruy Blas est dramatisée (v36 à la fin) : longueur décroissante des répliques.
  • L'amour entre les 2 personnages se ressent plus dans la gestuelle que dans les paroles (cf. les didascalies « l'entourant de ses bras », « tenant la reine embrassée », « la reine le soutient dans ses bras », « se jetant sur son corps » => présence charnelle des corps inconcevable dans la dignité froide des personnages de la tragédie classique + « tout restera secret » = moment intimité, confidentiel
  • Le mouvement de cette scène s’oppose au caractère statique du classicisme : nombreux verbes de mouvement dans les didascalies.

  1. L’alexandrin se libère de la régularité classique
  • Nombreux rejets : « A votre majesté je vais de point en point/tout dire », « oh ! Ce n’est pas facile/ A raconter. », et contre-rejets : «  Triste flamme/ Eteins-toi ! ». Nouvelle façon de scander les vers, plus proche de la fluidité de la prose : volonté d’aller vers une parole plus fluide, plus naturelle.
  • Stichomythie : « Que voulez-vous ? » / « Que vous me pardonniez, madame ! » : 2 répliques « Jamais ! » / « Jamais ! / Bien sûr ? / « Non jamais » / « Triste flamme » : précipite le rythme de la parole en séparant l’alexandrin entre différents personnages : « Que voulez-vous ? » / « Que vous me pardonniez, madame ! » : 2 répliques « Jamais ! » / « Jamais ! / Bien sûr ? / « Non jamais » / « Triste flamme » : 4 répliques. Cet entremêlement des alexandrins accélère le rythme. Ici, il exprime aussi l'amour et l’urgence de l’aveu entre Ruy Blas et la reine.

  1. Un mélange des registres propre au théâtre romantique
  • Présence du tragique dans le sacrifice de Ruy Blas qui sait que son destin est inévitable : pour aller au bout de cet amour impossible et sauver l’honneur de la reine, il n’a d’autre choix que la mort. « J'aurais agi de même ». L'amour impossible et destructeur, « cet amour m'a perdu », est aussi un thème tragique.
  • Mais contre les règles classiques, Ruy Blas meurt sur scène. De plus cet amour impossible occupe deux personnages de rangs sociaux fort différents, ce qui est aussi un thème propre au drame romantique. « Que ce pauvre laquais bénisse cette reine »)
  • Mélodrame : Certains éléments relèvent du mélodrame (drame populaire caractérisé par le pathétique, le sentimentalisme et des situations exagérées voire invraisemblables) : la fiole de poison posée sur la table, déclamation désespérée de Ruy Blas « Triste flamme / Éteins-toi ! »
  • Lyrisme : Champ lexical des sentiments, notamment celui de l'amour et champ lexical de la souffrance
  • Ponctuation expressive : exclamatives nombreuses, fausses interrogatives à valeur exclamative, notamment dans les répliques de la reine : « Qu'avez-vous fait ? »
  • Invocation à Dieu « ô mon Dieu ! »
  • « vivant par son amour, mourant par sa pitié » : parallélisme de construction qui exacerbe l’expression des sentiments.
  • Pathétique : Souffrance de Ruy Blas
  1. Les grands thèmes romantiques sont présents :
  • La première réplique de Ruy Blas présente l’amour et la passion comme valeur absolue « la faute est consommée (évoque la mort) / « c’est égal, voyez-vous, je vous ai bien aimée » (évoque l’amour).
  • L’émotion amoureuse est plus importante que le tragique de la mort : rime entre amour + passion / mort + tristesse : « consommé » / « aimé » ; « finis »/ « bénis ».
  • Dans Ruy Blas ce sont les sentiments qui mènent à la vie ou à la mort : « car elle a consolé mon cœur crucifié, / vivant par son amour, mourant par sa pitié ». Cette construction met les quatre éléments en parallèle : la vie et la mort, l’amour et la pitié. La conjonction de coordination « car » souligne bien que ce sont les sentiments qui causent la vie ou la mort
  • La présence du sublime (Ce qu'il y a de plus élevé dans l'ordre moral, esthétique, intellectuel) : dans l’illustration de la grandeur d’âme de Ruy Blas qui préfère mourir plutôt que corrompre l’image de la reine. Dignité, sobriété des mouvements et des répliques de Ruy Blas qui contrastent avec les gestes vifs et les exclamations de la Reine. Présence du sublime aussi dans l’idéalisation de l’amour qui doit être chaste pur et désintéressé Ruy Blas dit « la faute est consommée ». Or Les deux personnages se sont à peine touchés au cours de la pièce !  Ruy Blas ne meurt pas seulement parce qu’il a commis la faute d’aimer une femme de haut rang, mais aussi pour protéger le secret de cette faute et que pour que la femme qu’il aime ne soit pas punie.
  • La sublime est donc surtout dans le sacrifice de Ruy Blas qui le rapproche d’une figure christique, il meurt par amour, pour sauver celle qu’il aime. Champ lexical religieux dans toute la scène : «  Ayez pitié de moi, mon dieu ! », «  que vous me pardonniez », « o mon dieu ! », « bénisse », « mon cœur crucifie ». Le christ était une allégorie sublime par excellence pour le Romantisme.

Conclusion 

La révélation de l’identité est ici un ressort dramatique puissant qui a tendu toute la pièce, jusqu’au dénouement. Le valet y acquiert une nouvelle dimension, rompant ainsi avec la dramaturgie classique : il devient, lui aussi, un héros capable de susciter « terreur et pitié », capable de sacrifier sa vie pour des valeurs telles que l’amour, l’honneur d’une femme. Le héros romantique commence à s’affranchir du statut social : il peut être pauvre, marginal, laquais… et sublime dans ses actions, dans sa grandeur d’âme. L’identité, son travestissement, sa révélation sont très souvent au cœur des intrigues du drame romantique, visant à révéler que l’être est plus important que le nom.

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