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Simone de Beauvoir, L’Amérique au jour le jour 1947 (1948)

Commentaire de texte : Simone de Beauvoir, L’Amérique au jour le jour 1947 (1948). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Janvier 2020  •  Commentaire de texte  •  789 Mots (4 Pages)  •  2 340 Vues

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Simone de Beauvoir, L’Amérique au jour le jour 1947 (1948) 

Simone de Beauvoir semble dominée par ses émotions au point de ne pas pouvoir traduire par des mots assez précis ce qu’elle ressent. Aussi emploie-t-elle des termes vagues comme « quelque chose » (l. 1, 2, 4 et 27). L’idée d’un événement à venir domine cet extrait, comme le montre la répétition du verbe « arriver » : « est en train d’arriver » (l. 1), « arrive » (l. 2, 4), « c’est arrivé » (l. 9). Elle éprouve un sentiment d’incrédulité face à ce qui pour-rait advenir et l’éloigner de son quotidien. Cette impression se traduit par les termes « Voilà », « c’est vrai » (l. 9) ; « New York est réelle et présente » (l. 22-23).Ce voyage la propulse au-delà de sa vie quotidienne et ordinaire d’où ce sentiment d’inédit. Elle souligne le contraste entre le caractère habituel, voire routinier, du vol vécu par le personnel naviguant (« le visage blasé du steward », l. 15) et le caractère exceptionnel pour elle qui le vit comme un tournant dans sa vie. L’opposition des pronoms « je » et « il » marque bien cette différence de perception : « Il trouve naturel, par métier, que je vole » (l. 15). Le caractère répétitif des voix des haut-parleurs, dans ce qu’elles ont de sempiternel, est rendu à travers l’emploi de « familier » (l. 11) et la répétition de « Paris » (l. 12-13). Quant au caractère exceptionnel de ce voyage, il est restitué par l’expression d’un paradoxe : New York, ville fantasmée (« cité légendaire », l. 18 ; « légende », l. 19 ; « appartient à l’avenir », l. 21) devient « réelle » (l. 23) alors qu’il n’« existe pas de chemin » (l. 18-19) pour combler cet écart.Le ton est simple, direct et s’apparente à la langue orale. C’est comme si l’auteure s’adressait à elle-même de manière spontanée. Le présentatif « Voilà » (l. 9), qui fonctionne comme une interjection, la phrase nominale « Mais non » (l. 16) et la phrase interrogative « Comment pour-rais-je ? » (l. 21) rendent ainsi plus présent et plus réel l’instant évoqué en rupture avec le quotidien.

Ce voyage va bien au-delà d’un simple changement de lieu. Simone de Beauvoir, tout au long de ces lignes, nous fait part des enjeux qu’il représente pour elle.Le début de ce voyage fait naître une perception nouvelle de la réalité que l’évocation poétique des couleurs met en évidence : « Des pinceaux de lumière balaient le terrain où brillent des feux rouges et verts » (l. 2-3). Cette analogie picturale traduit à la fois un brouillage visuel, comme si la vue se troublait, et une transformation esthétique du réel sous l’effet d’une forme de fascination qui mêle excitation, euphorie et appréhension. La description du paysage extérieur observé depuis l’avion prend même des accents lyriques, comme le montre la métaphore « les lumières de Paris vacillent, sobres étoiles qui montent d’un abîme bleu sombre. » (l. 7-8).L’accent est également mis sur l’idée d’un bouleversement intérieur au moyen d’une image frappante : « sauter à pieds joints par-dessus ma propre vie » (l. 21-22). Le vol s’apparente à un bond qui opérerait une forme de dissociation de l’être séparant d’un côté le moi profond et de l’autre la personne sociale soumise aux contingences du quotidien : « il me semble que je vais sortir de ma vie » (l. 25-26). Le verbe modalisateur traduit ici une certaine passivité, comme si l’auteure ne pouvait plus être maîtresse de son destin, comme si le sort en était jeté. Un changement d’identité paradoxal est à l’œuvre : « devenir une autre moi-même ». C’est cette prise de conscience que relate Simone de Beau-voir en retraçant le cheminement de sa pensée : « D’ordinaire » (l. 23), « Mais aujourd’hui, c’est différent » (l. 25). Plus que l’évocation d’un lieu découvert et observé, le début de ce récit de voyage insiste donc sur la manière dont un être se définit par rapport à l’espace qu’il habite au quotidien et qui a forgé une identité de surface avant que le voyage ne vienne jouer le rôle de révélateur pour faire apparaître un moi caché. Le voyage provoque donc une épiphanie de l’être dans la mesure où il ouvre le champ des possibles et participe à l’avènement d’une identité autre.

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