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Le mariage de Figaro

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Par   •  15 Avril 2020  •  Cours  •  6 391 Mots (26 Pages)  •  779 Vues

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La critique sociale et politique dans le Mariage de Figaro

  1. Les relations entre les maîtres et les valets dans Le Mariage de Figaro

        Les rapports entre maîtres et valets, dans Le mariage de Figaro, sont fort complexes. Dans la comédie, il existe traditionellement une certaine complicité entre le maître et son valet ; ce dernier, en particulier, aide son maître dans ses entreprises amoureuses, comme on le voit dans les Fourberies de Scapin de Molière. Mais cette complicité est toujours ambigue, du fait que leurs relations sont basées sur une fondamentale inégalité. Si le valet ne se risque pas à défier ouvertement son maître, il peut néanmoins entrer avec lui dans un conflit larvé, où rivalité, duperie et hypocrisie jouent un rôle majeur. Dans Dom Juan de Molière, les relations entre le maître et son valet Sganarelle couvrent une gamme très étendue, du rapport de force brutal à la connivence ; il s'y ajoute un conflit idéologique, puisque Sganarelle s'efforce en vain  de convertir son maître athée et libertin. Dans le Mariage de Figaro, on trouve également une gamme très étendue. Si le Comte et Figaro ont tout perdu, ou presque, de la complicité qui les unissait dans le Barbier de Séville, on retrouve cette entente complice entre la Comtesse et Suzanne. Le problème des rapports entre maîtres et valets  ne se limite, du reste, à ses quatre personnages, puisque tout le monde, au château, est serviteur du Comte. Ces relations sont nuancées, du rapport de force pur et simple à la complicité.

                A) Les rapports conflictuels

        Il serait anachronique, par rapport à l'époque où la pièce a été écrite, de parler ici de "lutte des classes". Néanmoins, le thème de l'inégalité des conditions sociales, et de l'injustice qui en résulte, en est le centre d'intérêt principale. Dans ce monde inégalitaire où chaque individu est soumis  à un autre, les rapports oscillent entre l'expression brute du pouvoir et la duperie en passant par la jalousie.

        Les "vassaux" du comte, autrement dit tous les habitants du domaine d'Aguas-Frescas, sont conscients de leur infériorité sociale. Le protocole, les formes de la politesse, l'habillement lui-même, tout est fait pour leur rappeler qu'ils appartiennent au peuple, et qu'un fossé les sépare de l'aristocratie. Lorsque le Comte fait appeler Figaro il enrage si ce dernier ne vient pas à lui sur le champ. Lorsque le valais s'excuse de son retard en alléguant qu'il était en train de se vêtir pour sa noce, le maître ironise : "les domestiques ici sont plus longtemps à s'habiller que les maîtres" (III, 5)

Lorsque le Comte, toujours avec ironie, offre à Suzanne en flacon d'éther au cas où elle aurait des vapeurs, la servante a beau jeu de lui répondre : "est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs donc ? C'est un mal de condition, qu'on ne prend que dans les boudoirs". Autrement dit, les femmes du peuple n'ont pas le loisir de se trouver mal, car elles sont trop actives pour songer à leurs ennuis à la différence des femmes nobles, oisives et recluses dans leurs boudoirs.

        Les formes de langage reflètent bien sûr cette inégalité foncière.  Les valets s s'adressent aux maîtres en les vouvoyant,  voir en leur parlant à la troisième personne : "Est-ce là que Monseigneur voulait ?" (III, 7). A l'inverse, les maîtres tutoient généralement leurs valets . Ce tutoiement peut être affectueux, comme lorsque la Comtesse tutoie sa servante en l'appelant "Suzon". Le comte lui, peut passer du tutoiement au vouvoiement et vice et versa, comme dans la scène 5 du troisième acte, où il parle avec Suzanne. Il la vouvoie au début, non par respect mais parce qu'il est en colère contre elle, et veut ainsi marquer la distance. En revanche, lorsque Suzanne feint de céder à ses avances, il la tutoie, pour signifier l'intimité qu'il croît déjà avoir avec elle : "Ah! Charmante ! Et tu me le promets ?". Il est intéréssant, en revanche, de voir que la Comtesse vouvoie toujours Figaro. On pourrait l'expliquer par le fait que cette grande dame se doit, par pudeur, de marquer la distance vis-à-vis d'un homme. Le symbole le plus flagrant de l'autorité, à la fois amasculine et féodale est le “droit du seigneur”, qui autorisait la maître à posséder une jeune femme mariée sur ses terres le soir de ses noces. C'est ce “droit honteux” que le Comte a théoriquement aboli, comme Figaro et Suzanne ne manquent pas de le lui rappeler.

                B) Rivalité et soupçon

Dans cette société, les rapports entre dominants et dominés sont plus complexes qu'il n'y paraît, du fait de l'attirance érotique que peuvent ressentir les premiers pour les seconds. Ayant aboli le droit du seigneur, le Comte se voit obligé de courtiser Suzanne pour obtenir ses faveurs Or, dans la mentalité et le langage de l'époque, courtiser quelqu'un, ou simplement l'aimer, c'est se mettre à son service. Paradoxalement, la femme qui se sait désirée peut temporairement inverser les rôles et même si elle est servante, devenir “maîtresse” : telle est l'origine du sens galant que l'on donne parfois à ce mot. Suzanne, même si elle reste fidèle à Figaro est très consciente du parti qu'elle peut tirer de cette comédie amoureuse. Du reste, dans la première scène de la pièce, elle demande à Figaro, à moitié par jeu : “es-tu mon serviteur ou non ?”.

        Le désir, qui ne connaît pas les barrières sociales, fait que maître et valet peuvent devenir des rivaux amoureux. Autre paradoxe : en effet, la notion de rivalité implique une certaine égalité, réelle ou supposée. Figaro, à l'instar de Crispin – un autre valet de la comédie classique – peut être "rival de son maître" parce qu'il se considère, sur le plan humain, comme son égal et sait que l'inégalité sociale est arbitraire : "Si le ciel l'eut voulu, je serais le fils d'un prince" (III, 15). Le désir apparemment insatiable qui pousse le Comte vers les femmes de son château (Suzanne, Fanchette) n'est peut-être qu'une expression de sa volonté de domination. Il veut "posséder" ces femmes, les enlever aux hommes de leur condition, pour mieux montrer qui est le maître. Cette interprétation se trouve du reste appuyée par le besoin qu'éprouve sans cesse le Comte de vérifier la réalité de son pouvoir. Il paraît inquiet de voir son autorité bafouée, et vit dans le soupçon à l"égard de ses valets. C'est ainsi qu'il écoute avec intérêt, depuis sa cachette, les propos de Bazile, pour s'assurer que ce dernier mérite sa confiance : "Voyons un peu comment il me sert" (I, 9).

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