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L'Instant fatal

Commentaire de texte : L'Instant fatal. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Avril 2020  •  Commentaire de texte  •  2 610 Mots (11 Pages)  •  1 169 Vues

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CL - « Si tu t’imagines », Raymond Queneau, L’Instant fatal

Introduction

     Le genre poétique tient son étymologie du verbe « poïein » qui signifie créer, fabriquer. Cette volonté de créer à partir du matériau qu’est le langage est bien celle de Raymond Queneau,  qui après avoir participé au mouvement surréaliste, fonde avec François le Lionnais l’OULIPO, OUvroir de LIttérature POtentielle, qui explore méthodiquement les potentialités de la langue pour la sortir de son fonctionnement routinier et en révéler  les ressources cachées. Il est l’un des premiers poètes français, avec Prévert, à donner ses lettres de noblesse à la langue parlée. Son poème « Si tu t’imagines », extrait du recueil L’instant fatal, publié en 1948, est composé de trois strophes de longueur inégale et croissante, toutes en pentasyllabes, suivies d’un refrain. Il s’agit d’une sorte de monologue poétique adressé à une jeune fille pour l’inviter à profiter de la vie. L’invitation à l’amour, topos de la tradition poétique, connaît ici un renouveau plaisant et provocateur. Dès lors, nous nous demanderons comment le poète renouvelle ce topos de la fuite du temps et du carpe diem. Nous procèderons à une étude linéaire du texte en suivant ses mouvements.  La première strophe introduit en effet la mise en garde du poète qui reprend les thèmes traditionnels de l’amour et de la fuite du temps. La deuxième strophe brosse un tableau idéal de la beauté et de la jeunesse, vouées à s’éteindre. La dernière strophe, après avoir peint un tableau tragique et caricatural de la vieillesse, offre une invitation à profiter de la vie.

1ère strophe : Un mise en garde qui renouvelle les thèmes de la fuite du temps et de l’amour

La première strophe est composée de 9 vers et d’un refrain. Le choix du pentasyllabe, vers impair et musical, donne d’emblée de la légèreté au poème et le rapproche d’une chanson. Sa brièveté peut aussi être évocatrice de la brièveté de la vie, le poème reprenant le topos de la fuite du temps.

Le titre du poème est repris par les deux premiers vers du poème. Il s’agit d’une subordonnée de condition, le poète semble formuler une hypothèse : « Si tu t’imagines ». On note le tutoiement, qui confère une proximité entre le poète et le destinataire (v.1-2)

Nous comprenons que le poète s’adresse à une jeune fille qu’il appelle familièrement  « fillette ». La répétition de  cette apostrophe hypocoristique (affectueuse) donne de la musicalité au poème.

Elle rappelle aussi l’apostrophe « Mignonne allons voir si la rose » qui ouvrait le poème de Ronsard.

Mais le langage poétique est ici subverti : loin du vouvoiement habituel de la muse, Queneau la tutoie, et le diminutif souligne encore la visée parodique.

Une troisième occurrence de la subordonnée conditionnelle apparaît, confirmant la musicalité du texte et donnant un aspect répétitif à la mise en garde que formule le poète.

Cette subordonnée imbrique une autre subordonnée, conjonctive complétive cette fois-ci : « xa va durer toujours » : « que ça va durer toujours »

Le raccourci phonétique et le bégaiement comique créé par la répétition reproduit la contraction du langage parlé : on voit bien la volonté de créer un nouveau langage, que Queneau développera dans son roman Zazie dans le métro

De plus, il use d’une grande familiarité du style, avec le pronom oral « ça », qui met en attente le véritable sujet : « la saison des za, saison des zamour »

La multiplication des enjambements donne un rythme rapide au poème, à l’image de la fuite du temps.

La saison des amours fait référence au printemps, saison réputée pour le renouveau, et la rencontre amoureuse, le temps de la jeunesse. Une fois encore la répétition « la saison des za » donne à ce poème l’allure d’une chanson. L’écriture phonétique de la liaison qu’on est seulement censé entendre et non voir à l’écrit suggère encore la volonté de créer un nouveau langage poétique, de faire entrer dans la poésie des mots du quotidien et un langage parlé.

Le poète met donc en garde la jeune fille sur le caractère éphémère de la jeunesse et de l’amour. Il semble avoir de l’expérience, une certaine sagesse, rappelant les adresses de Ronsard à Cassandre, mais donne une dimension plus légère à ses vers.

En effet, à la fin de la strophe apparaît la principale qui a été mise en attente et qui servira de refrain : « ce que tu te goures ». Le verbe familier « goures » et la tournure exclamative donnent modernité au poème, toujours volonté d’oraliser, de créer un nouveau langage, de créer une complicité avec le lecteur par l’intertextualité. Renouvellement de la poésie = transformation = alchimie

La rime entre « amour » et « toujours » très traditionnelle, devient fantaisiste et antithétique avec le verbe « goures » : elle contribue à faire sourire le lecteur et à renouveler le topos de la fuite du temps. La fin des amours, thème mélancolique d’ordinaire, rendu ici léger : on peut parler d’une transfiguration poétique (rappelle notre parcours sur l’alchimie poétique, la boue et l’or).

2ème strophe : Un tableau idéal de la beauté et de la jeunesse, vouées à s’éteindre

Cette strophe de 11 pentasyllabes est plus longue que la première, mimant le temps qui passe. Comme la première strophe, elle s’ouvre sur une subordonnée conjonctive circonstancielle de condition  et adj hypocoristique : « si tu crois, petite » : l’avertissement se poursuit et va introduire un tableau idéal de la jeunesse et de la beauté.

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