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Incendies Wajdi Mouawad

Commentaire de texte : Incendies Wajdi Mouawad. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  11 Mai 2022  •  Commentaire de texte  •  1 898 Mots (8 Pages)  •  584 Vues

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En 2001, Wajdi Mouawad rencontre Souha Bechara, une militante libanaise pendant la guerre civile de 1975. Cette femme va lui raconter son histoire et les atrocités qu’elle a vécues dans l’horrible prison de Khiam où elle était prisonnière pour avoir tenté d’assassiner Antoine Lahad, le chef des milices chrétiennes du Sud-Liban. C’est de son histoire dont va s’inspirer Wajdi Mouawad pour écrire sa tragique pièce de théâtre intitulée Incendies. Ici nous allons nous intéresser à un extrait de la scène 19 « Les pelouses de banlieue », qui est un entremêlement d’un même récit, raconté à des époques et par des personnes et points de vue différents : le passé, raconté par Nawal, et le présent expliqué par Hermile Lebel. Nous pourrons nous demander pourquoi l’auteur a fait le choix de mélanger deux époques pour raconter le même évènement. Nous débuterons en nous intéressant sur les deux récits d’un même évènement qui, pourtant, semblent très différents l’un de l’autre, puis nous étudierons la violence de la scène vécue par Nawal et comment elle la retranscrit.

Ce récit est donc raconté par deux personnes. Tout d’abord, c’est Hermile Lebel qui raconte à Jade pourquoi sa mère craignait les autobus. Il raconte au présent l’histoire passée de Nawal en tant que narrateur extradiégétique car il n’a jamais connu ce qu’il relate. Il rend compte de ce dont il se souvient des confidences de Nawal. Or on remarque qu’étant donné qu’il n’a pas vécu la scène, il est souvent coupé dans son récit, soit par des didascalies soit par Sawda, mais aussi son hésitation dans son récit traduit par des points de suspension à la fin de ses phrases. Cela prouve que ce qu’il explique n’est pas si important car qu’il soit interrompu ou non ses mots ne pourront jamais retransmettre la violence et l’horreur d’évènements qu’il n’a pas vécus lui-même.
        Ensuite, c’est Nawal qui raconte à Sawda ce qu’elle vient de vivre. Elle, contrairement à Hermile, a vécu les évènements et les raconte en tant que narrateur intradiégétique. En effet on le remarque avec l’utilisation des pronoms personnels ‘je’ et ‘j’. Le récit de Nawal est très personnel mais surtout rempli d’émotions intenses. Cela se traduit par des verbes d’actions tel que ‘arrosés’, ‘enlevé’, ‘tiré’, ‘flambé’, ‘essayait’ ; mais aussi une sur-présence de points d’exclamations qui amènent à un récit très émotionnel : elle semble revivre la scène et le lecteur/spectateur peut la vivre en même temps qu’elle nous la raconte.

        Pourtant, ces deux récits du même évènement semblent très différents l’un de l’autre. En effet, nous pouvons remarquer des incohérences entre les deux histoires. Lorsque Hermile raconte à Jade ce qui s’est passé, il dit que Nawal était à l’extérieur du bus. Or, dès qu’elle commence à parler, Nawal dit qu’elle était dans le bus et non pas a l’extérieur comme l’assure l’avocat. Aussi, pour Hermile ce sont des hommes qui allument le feu dans le bus, mais dans son récit, Sawda nous parle de soldats. Aussi certaines parties du récit de Nawal ne sont pas retranscrites par Hermile. Il omet tout le passage sur la mère et son enfant de la ligne XX à XX. Il va être remplacé par une didascalie qui a pour but de représenter l’horreur de la scène que des mots ne peuvent décrire, le langage ne peut suffire. On peut comprendre que ‘les bruits de marteaux piqueurs’ du présent, représenteraient les mitraillettes du passé, et ‘les arrosoirs qui crachent du sang et inondent tout’ seraient une représentation des flammes qui sortaient de l’autobus et des flots de sang des victimes du massacre. Malgré des incohérences frappantes, ces deux récits convergent vers la même horreur et la même violence que parfois les mots peinent à décrire.

Nawal raconte l’atrocité des évènements qu’elle vient de vivre à Sawda. Ceci est traduit de plusieurs manières. Tout d’abord, on remarque le champ lexical de la violence et de l’horreur avec des mots comme ‘mitraillette’, ‘crachent’, ‘sang’, ‘hurlé’, ‘tiré’, ‘coup’,’ tranché le tête’, ‘décapité’, ‘fou’, ‘inonde’, ‘noie’’ mais aussi le champ lexical du feu, qui ramène au titre de l’œuvre : Incendies. En effet on retrouve des termes comme flambé’, ‘fondu’, ou encore ‘brulé’. Des mots forts, puissants qui traduisent l’atrocité de l’évènement vécu par Nawal. De plus les détails sur l’histoire de la femme et son enfant sont très précis, Nawal a regardé la scène avec effroi et n’a pas réussi à détourner les yeux, étant sous le choc d’autant d’atrocité et de froideur de la part des soldats qui, comme dit à la ligne XX, ‘flambent les vieux, les femmes et les enfants’. Son récit montre qu’elle est en état de sidération. D’ailleurs, les réfugiés vont se voir se faire peu à peu déshumaniser par Nawal. En effet, au début, elle ne fait qu’un avec les passagers : « ils nous ont arrosés » (ligne XX), puis elle s’émancipe du groupe en disant «je suis comme vous, je cherche mon enfant qu’ils m’ont enlevé », puis, enfin, les réfugiés ne deviennent qu’un « tout » qu’un « tas » mélangé à la ferraille du bus, «et tout a fondu, et tout le monde a brulé ». C’est donc une scène d’une rare violence où les êtres humains perdent leur corps et fondent comme des statues de cire.
        Devant autant de violence Nawal panique, et cela se ressent dans sa manière de raconter les évènements à Sawda. En effet on remarque de nombreuses répétitions, notamment au lignes XX. Elle panique, elle est obligée de répéter plusieurs fois les choses pour les assimiler et les faire entendre à Sawal. On remarque aussi une figure de style rhétorique, appelée polysyndète, qui consiste à répéter une conjonction de coordination, ici et, au début de chaque phrases et/ou propositions, ce qui traduit l’essoufflement et la panique de Nawal au fur et à mesure qu’elle réalise les événements. On peut aussi remarquer qu’elle est toujours sous l’effet de la panique : ses phrases sont longues et il n’y a pas de hiérarchisation des évènements, tout se juxtapose et se superpose dans sa tête comme dans ses phrases comme en témoigne l’abondance de la conjonction de coordination ‘et’.

        Enfin son récit d’horreur se termine sur une sorte de morale énoncée par Nawal à Sawda au sujet du temps. Tout comme Wajdi Mouawad semble ‘jouer’ avec le temps en nous faisant perdre nos repères de la chronologie des événements en entremêlant les deux récits. Nawal animalise le temps en le comparant à « une poule à qui on a tranché la tête, le temps court comme un fou, à droite et à gauche » ce qui revient à dire que le temps passe trop vite, et n’importe comment, elles doivent se dépêcher si elles veulent retrouver l’enfant de Nawal. De plus, elle utilise le présent de vérité générale, ce qui veut dire que ce qu’elle dit ne peut être contredit, c’est un fait qu’elle évoque à Sawda. Enfin elle fait une exagération, en disant que « de son cou décapité, le sang nous inonde et nous noie » ce qui pourrait faire penser qu’elle est tellement submergée par ses émotions qu’elle dit des choses qui n’ont aucun sens. Nawal vient de vivre des événements extrêmement violents et ne sait comment les exprimer calmement et clairement.

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