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Dormeur du Val, Arthur Rimbaud

Commentaire d'oeuvre : Dormeur du Val, Arthur Rimbaud. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Juin 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 745 Mots (7 Pages)  •  739 Vues

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     « Le dormeur du val », commentaire

« L’engagement particulier de l’artiste, c’est de descendre aux entrailles des choses et de rendre exactement ce qu’il a découvert ». Si l’on en croit Roger Vailland, l’art ne se limite pas à imaginer, il donne à voir et donc à penser. L’engagement artistique transmet un témoignage exact d’une réalité que l’on perçoit sans jamais la dire. Partant de ce postulat, l’art, lorsqu’il offre un témoignage brut de ce qui est observé, revêt clairement un caractère dénonciateur. Comme bon nombre de poètes, Arthur Rimbaud s’est emparé de la réalité pour la sublimer. Artiste précoce, il a écrit dans une fulgurance créatrice dès l’âge de seize ans avant de tourner définitivement le dos, trois ans plus tard, à l’écriture. Adolescent révolté, il écrit « Le dormeur du val » en 1870, au cours d’une fugue, alors que le conflit franco-prussien bat son plein. Il y dépeint le portrait troublant d’un homme (faussement) endormi au cœur d’une nature bienveillante. Et à la lecture de tels vers, on s’interroge : dans quelle mesure le poète se sert-il de l’art (/du langage) pour exprimer son engagement ?

D’emblée, on ne perçoit que ce cadre paisible et serein, dont nous nous appliquerons à étudier la mise en place. Cette analyse nous mènera à celle, indubitablement liée, du jeune homme gisant dans ce décor naturel. Il apparaîtra alors clairement que cette vision picturale porte une dénonciation implicite, servie par la mise en place d’un suspense tout au long du poème.

La nature telle qu’elle est décrite dans Le dormeur du val, n’échappe pas à un certain panthéisme (=religion des poètes, qui ne croient qu’en la nature) : elle est idyllique, charmante et charmeuse. Le poète semble nous inviter à faire escale dans un cadre verdoyant pour observer une scène innocente. Le contexte est lumineux, empreint de clarté, Rimbaud nous décrit une scène ensoleillée : on note deux fois l’occurrence du mot « soleil » (aux vers 3 et 13) qui « luit » (vers 4) et fait miroiter ses « rayons » (vers 4) sur ce paisible val. Cette luminosité constante et rassurante s’allie à l’eau, dont elle empreinte les termes : « la lumière pleut » (vers 8). Dès le premier vers, la « rivière » est évoquée, et la nuque du jeune homme baigne dans la nature (vers 6). Aussi, tout semble coloré et joyeux : le champ lexical de la nature en éveil, qui s’épanouit gaiement, vibrante de vie, est omniprésent. Rimbaud évoque la « verdure » (vers 1), la « montagne » (vers 3), le « val qui mousse » (vers 4), le « cresson bleu » (vers 6), « l’herbe » (vers 2 et 7), le « lit vert » (vers 8), les « glaïeuls » (vers 9). Plus encore, la nature semble vivante et personnifiée : elle « chante » (vers 1), elle est « fière » (vers 3). Le poète l’apostrophe : « Nature, berce-le chaudement » (vers 11). C’est une véritable entité qui prend part à la scène activement autour de l’homme endormi. Le décor, lumineux, chatoyant et ondoyant, est en mouvement. Dans ce somptueux cadre naturel, le jeune homme endormi paraît bien à l’abri, protégé par la montagne et bercé par le chant de l’eau. Les sens de l’observateur sont en éveil, convoqués par ce val coloré, bruissant et odorant. La lumière et les couleurs font appel à la vue, le chant de la rivière à l’ouïe et les « parfums » (vers 12) à l’odorat.

Ainsi, le poète semble en arrêt au creux d’un val paisible et joyeux, observant en toute quiétude un jeune homme endormi dans une nature protectrice.


Pourtant, il apparaît clairement que cette nature si douce a pris le pas sur le protagoniste humain. C’est elle dont on parle le plus, c’est elle qui inonde ce spectacle de vie. L’homme endormi semble secondaire. Il fait partie de la scène sans vraiment être là, sans vraiment y prendre part. Ses sens ne sont pas en éveil : « les parfums ne font pas frissonner sa narine » nous dit le poète (vers 12). Il « dort » (vers 7 et 13). Le champ lexical du sommeil est omniprésent. Le jeune homme « fait un somme » (vers 10) et la Nature doit le « bercer ». De lui, on ne sait que son anatomie : son corps est alangui, amorphe. Il git, pantelant : « la bouche ouverte, tête nue » (vers 5). Il est complètement offert à cette nature bienveillante. Sa nuque baigne passivement dans l’herbe (vers 9). Il est « étendu » (vers 7) en état de parfaite horizontalité. Il est « tranquille » (vers 14). Il n’est donc pas acteur de la scène, la nature le couve, le berce, chante pour lui, le réchauffe de ses rayons, mais il ne la voit pas, il ne l’entend pas, il ne sent pas ses parfums, il est passif. D’ailleurs, malgré les rayons du soleil qui baignent le val, le dormeur a « froid » (vers 11). Il est vulnérable. Il est « pâle » (vers 8) et s’oppose en cela à la nature colorée et joyeuse que l’on perçoit autour de lui. Et cependant il sourit (vers 9 et 10). Mais son sourire est comparé à celui d’un « enfant malade » (vers 10). L’homme est retourné à l’enfance, bercé par un cadre innocent. Dès lors, le lecteur s’inquiète. Le climat vivifiant imposé par la nature est teinté d’une certaine angoisse lorsqu’on évoque le dormeur vulnérable et immobile. Tout oppose ce dernier au décor tout en joie, tout en lumière, en chaleur et en mouvement dans lequel il est assoupi, froid, pâle, comme un malade. Le jeune homme est peu décrit, il est englouti par la nature maternelle qui le protège.

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