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Dissertation lettres: lien entre auteur et personnages dans le roman

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Par   •  19 Mars 2017  •  Dissertation  •  3 458 Mots (14 Pages)  •  1 403 Vues

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L’écrivain Anthony Burgess résume à merveille le lien immuable qui se noue entre le personnage et le roman car « sans personnage, pas de roman ». En d’autres termes, il signifie l’existence d’une réciprocité indéniable entre ces deux entités littéraires dans la mesure où elles découlent l’une de l’autre. Cependant, cet énoncé, qui est en réalité incomplet, pourrait et devrait être précisé puisqu’effectivement la notion de personnage est aussi vaste que complexe. Ainsi, sur la même structure que celle de Burgess, nous pourrions mettre en évidence le lien de causalité entre lecteur et personnage : « sans lecteur, pas de personnage » ! En effet, Danièle Sallenave, pour nous exprimer et expliquer ce lien, ne se place pas du point de vue de son vécu d’écrivain, mais du point de vue de son vécu de lecteur. Grâce à ces êtres de papier, elle accède « au règne des métamorphoses » - une métamorphose d’elle-même et de son soi le plus intime qui s’opère au fur et à mesure du processus d’identification. En tant que lectrice, elle « se livre ; s’oublie ; se compare ; s’absorbe ; s’absout […] sur le modèle et l’image du personnage» afin de fusionner avec lui. Or, cette fusion engendre collatéralement et obligatoirement une fusion avec elle-même et en se livrant, elle se retrouve ; en s’oubliant, elle se souvient de qui elle est vraiment ; en se comparant, elle se vérifie ; en s’absorbant, elle s’émancipe ; en s’absolvant, elle renaît pour devenir elle-même. Dans cette atmosphère fictive transparaît le réel où son « cœur [est] régénéré ».

Dès lors, on peut s’interroger sur le lien qui unit le lecteur au personnage et si l’identification à ce dernier permet au lecteur de trouver son identité ?

Dans un premier temps, nous verrons quelle est la nature de la pensée de Danièle Sallenave, nous viendrons par la suite la nuancer en voyant que le rapport personnage/lecteur est à penser de façon polysémique puis, finalement, nous discuterons la cohésion des différents éléments du rapport existant entre l’être fictif et l’être vivant.

       L’illusion du réel au sein d’un roman peut impulser une réflexion dans un cadre fictif sur la nature même de notre réalité. Effectivement, cette fiction n’est pas la réalité mais elle l’incarne aux yeux des lecteurs qui doivent, par le biais des outils utilisés par l’écrivain, se la représenter. Par conséquent, il faut qu’il y ait une crédibilité littéraire, c’est-à-dire une illusion du réelle plausible et qui ne se tient pas nécessairement à la rationalité des faits mais plutôt à la dimension humaine du personnage. Il est, justement, est un des piliers de la crédibilité littéraire, et l’auteur porte une attention particulière à sa construction dans le roman. En effet, pour aider le lecteur à se mettre dans la peau du personnage, l’auteur va en donner un portrait à la fois moral et physique tout en lui donnant une identité et une fonction dans le roman. Le cas des romans réalistes illustre ce souci d’implantation du cadre fictif dans un faux-semblant de réalité. C’est ce que fait Balzac, « historien des mœurs », dans la Comédie Humaine. En effet, il se considère comme un zoologiste : de même qu’il existe plusieurs races animales, il existent plusieurs types d’individus qui se singularisent par le sang qui coule dans leur veine et par leur milieu social. Ainsi, Balzac va faire « concurrence à l’état civil » en nommant chacun des êtres fictifs de son œuvre. Un autre monde naît, c’est le monde Balzacien, mimétisme du réel sans pour autant l’être. Ses personnages vont être profondément humains car gangrénés par les vices et amochés par les tourments et malheurs de la vie. Les personnages sont des anti-héros, des personnages qui ressemblent trait pour trait à des êtres vivants. Lorsque nous lisons le père Goriot, nous nous prenons d’empathie pour ce vieil homme méprisé par ses filles qu’il aime à en mourir ; et d’ailleurs, quel lecteur aussi sensible soit-il peut affirmer ne pas avoir été bouleversé par la fin funeste de celui qui s’avère être le souffre-douleur de la maison Vauquer ? En fait, nous ne souffrons pas pour le père Goriot, mais nous souffrons avec lui, nous plongeons en même temps que lui dans la souffrance et dans la mort sans pour autant souffrir et mourir. Là est tout le processus d’identification : nous nous sentons concernés par le sort du personnage auquel nous nous attachons, et même si nous n’avons rien à voir avec le personnage lui-même, sa vie et ses ressentis ont une résonnance en nous. Danièle Sallenave voit donc l’identification à un personnage comme le fait de prendre en charge ses émotions sans qu’il n’y ait pour autant de rapport évident entre lui et le lecteur. Il vit à travers nous, et nous vivons hors de notre vie réelle à travers lui. Autrement dit, nous « prenons une tête multiple sur [nos] épaules » où transparaît « une âme ouverte ».

       Effectivement, cette illusion du réel permet l’identification, mais elle permet aussi de prendre en charge, comme nous venons de le dire, les sentiments des personnages. En fait, il s’agit là d’une dimension importante dans la phase d’identification et de quête de son identité. En effet, le lecteur va ressentir ce que ressent le personnage non pas en l’expérimentant concrètement, mais en se projetant dedans, en projetant ses propres passions et ses propres pulsions. Nous allons confondre les émotions du personnage aux nôtres. C’est la catharsis. Finalement, nous allons devenir à notre tour un être imaginaire puisque tout ce que nous éprouvons l’est. Or si tout cela est imaginaire, pourquoi y croyons-nous ? Parce que nous acceptons d’y croire, nous acceptons de laisser notre esprit terre-à-terre pour un esprit moins rationnel. Si dans la réalité nous vivons pour ainsi dire machinalement sans questionner nos émotions et sans se questionner sur notre quotidien, il n’en est pas de même dans le roman. Là se trouve l’une des différences fondamentales entre réalité et fiction : « le drame d’un être vivant se poursuit presque toujours et se dénoue dans le silence » tandis que les personnages de roman vivent « dans une autre étoile, -l’étoile où les êtres humains s’expliquent, se confient, s’analysent la plume à la main, recherchent les scènes au lieu de les éviter, cernent leurs sentiments confus et indistincts d’un trait appuyé, les isolent de l’immense contexte vivant et les observent au microscope ». Ce que veut dire François Mauriac, c’est que la moindre évolution des ressentis des personnages est décortiquée alors qu’en temps normal nous n’y prêterions même pas attention. Et c’est aussi en cela que le roman constitue une source de réflexion sur les sentiments humains : il passe par des sentiments universels et par conséquent par des sentiments personnels. Si un personnage ressent tel ou tel sentiment au cours de cette circonstance précise, nous allons grâce au roman nous interroger sur ce sentiment et le transposer dans notre réalité. En d’autres termes, le roman va venir clarifier et complexifier les choses dans la mesure où il va les expliquer pour finalement poser une multitude de questions et de doutes. Dans La Princesse de Clèves, l’Amour occupe une place centrale dans l’intrigue puisqu’effectivement le personnage éponyme est tiraillé entre un amour passionnel éprouvé à l’égard du Duc de Nemours et l’amour conjugal éprouvé vis-à-vis de son mari. Tout comme la Princesse, nous sommes confrontés aux sentiments qu’elle éprouve mais aussi aux interrogations qui jaillissent face aux diverses situations. Par exemple, lors de la scène de l’aveu, cette veuve vertueuse refusera d’être avec celui qui s’avère être l’Amour sa vie, et ce par pur principe. Ce passage a fait et continue de faire couler beaucoup d’encre avec des réactions qui diffèrent en fonction des individus et des époques. Chacun s’est identifié au personnage en se mettant à sa place, et chacun explique pourquoi il aurait agi différemment ou pareillement. Cette scène illustre donc en quoi les êtres vivants réfléchissent sur leur vie, leurs pensées et sur eux-mêmes à partir de l’étude des réactions et ressentis d’un personnage. Finalement, en essayant de comprendre un personnage, nous essayons de nous comprendre nous-même, et c’est bien ce que dit Danièle Sallevane car nous pouvons ainsi « comprendre ce qu’il en est

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